Photo : Manifestation à Tel-Aviv en 2023
Des manifestants israéliens d’extrême droite soutenant la réforme judiciaire controversée du gouvernement ont attaqué des passants palestiniens dans la nuit de lundi à mardi, au cours d’une journée de grèves et de manifestations à l’échelle nationale.
Dans la soirée, le Premier ministre Benjamin Netanyahu a annoncé qu’il reportait le remaniement controversé des tribunaux du pays, à la suite de 12 semaines de manifestations massives.
Le ministre de la sécurité nationale d’extrême droite, Itamar Ben-Gvir, a accepté ce report en contrepartie de la création d’une "garde nationale" fidèle à son ministère.
Plus de 80 000 manifestants anti-gouvernementaux avaient convergé devant la Knesset, le parlement israélien, à Jérusalem dans l’après-midi, où des manifestants pro-gouvernementaux de droite se sont également rassemblés par la suite.
Ben Gvir et le ministre des Finances d’extrême droite Bezalel Smotrich font partie des personnalités gouvernementales qui ont encouragé les groupes de droite à descendre dans la rue.
Des images diffusées lundi soir depuis Jérusalem montrent un chauffeur de taxi palestinien encerclé par des manifestants d’extrême droite, qui lancent des objets, donnent des coups de poing et des coups de pied sur son véhicule.
Le chauffeur a ensuite tenté de fuir vers une station-service, mais a été "attaqué par les émeutiers qui l’ont poursuivi et ont causé de gros dégâts à sa voiture", selon un communiqué de la police.
Israeli protests attacked a Palestinian taxi driver pic.twitter.com/4EwenR1AqA
— Spriter (@Spriter99880) March 27, 2023
Une vidéo montrant des manifestants courant vers la station-service a été largement diffusée en ligne. La police a déclaré qu’elle enquêtait sur l’incident et qu’au moins trois suspects avaient été arrêtés.
Ailleurs à Jérusalem, des manifestants de droite ont bloqué la route d’un autre conducteur palestinien et ont scandé "Que ton village brûle", tout en brandissant des drapeaux israéliens et du Likoud.
Dans un autre clip partagé en ligne, on voit un jeune Palestinien se faire éloigner dans la précipitation après avoir été attrapé par un groupe de manifestants de droite.
"Netanyahou est une menace pour Israël"
Les députés de l’opposition ont condamné ces scènes, les imputant à M. Ben-Gvir et à ses partisans.
"Les milices de Ben Gvir de La Familia se déchaînent en ce moment même dans les rues de Jérusalem. Elles cherchent des Arabes à tabasser", a déclaré le chef du parti travailliste Merav Michaeli sur Twitter.
"Il s’agit de l’homme à qui Netanyahou a promis de mettre en place sa propre milice avec des salaires réguliers aux frais de l’État. Netanyahou est une menace pour Israël".
La Familia, un groupe de supporters de l’équipe de football Beitar Jerusalem qui a des antécédents de violence, a participé aux contre-manifestations de lundi.
Plus tôt dans l’après-midi, lors des manifestations antigouvernementales contre les réformes judiciaires, un homme brandissant un drapeau palestinien a été attaqué et s’est vu arracher son drapeau.
WATCH : A man waving a Palestinian flag was attacked and had the flag torn away during an Israeli ‘pro-democracy’ protest in Jerusalem.
Demonstrations escalated after Prime Minister Netanyahu sacked his defence minister for criticising proposals to overhaul the judiciary pic.twitter.com/yA6snjBrNe
— Middle East Eye (@MiddleEastEye) March 27, 2023
Haaretz a rapporté que des militants de droite utilisaient WhatsApp et d’autres plateformes de médias sociaux pour appeler leurs partisans à prendre les armes et à utiliser des véhicules pour attaquer les manifestants antigouvernementaux.
Dans un groupe, connu sous le nom de "The Unapologetic Right", un membre a appelé les manifestants à apporter "de l’essence, des explosifs, des tracteurs, des armes à feu et des couteaux".
Gilad Kariv, député du parti travailliste, a qualifié de "tentatives de lynchage" les attaques perpétrées contre des Palestiniens dans la nuit de lundi à mardi.
"Il s’agit d’un groupe organisé et non de rassemblements spontanés. La police et le Shin Bet n’ont pas de réponse appropriée, en termes de renseignements ou d’opérations, à cette organisation violente. Il est temps pour eux de se réveiller", a-t-il tweeté.
Ameer Makhoul, un analyste palestinien basé dans la ville de Haïfa en Israël, a déclaré à Middle East Eye que la promesse de M. Netanyahu à M. Ben-Gvir de créer une "garde nationale" était une plus grande victoire pour l’extrême droite que les réformes judiciaires elles-mêmes.
Il a déclaré que la garde nationale, dont M. Ben-Gvir affirme qu’elle est nécessaire pour renforcer la sécurité autour d’Israël et qu’elle serait loyale à son ministère de la sécurité nationale, aurait pour "idéologie principale" l’hostilité envers les citoyens palestiniens d’Israël.
La principale organisation syndicale israélienne a aussi annulé une grève nationale, Arnon Bar-David, secrétaire général de la fédération Histadrut, félicitant M. Netanyahou d’avoir reporté la réforme et proposant de contribuer à l’élaboration d’une réforme de compromis.
Cette pause intervient alors que de nombreuses voix se sont élevées pour dire qu’Israël était au bord d’un conflit civil. Plus tôt dans la journée de lundi, le chef d’état-major de l’armée israélienne avait prévenu qu’une "tempête se préparait à l’intérieur du pays", des milliers de réservistes ayant menacé de ne pas servir dans l’armée si la réforme était adoptée.
Les vols ont également été bloqués à l’aéroport international Ben Gourion pendant quelques heures dans le cadre de la grève nationale, tandis que les ambassades israéliennes à travers le monde ont cessé le travail en signe de solidarité avec les manifestants.
La Maison Blanche a déclaré qu’elle se félicitait du retard pris dans la mise en œuvre de la réforme et a exhorté les parties israéliennes à laisser une marge de manœuvre pour un compromis.
Les réformes judiciaires proposées donneraient au parlement le pouvoir d’annuler les décisions de la Cour suprême par un vote à la majorité simple et de contrôler de facto les nominations à la Cour, un rôle actuellement tenu par un panel mixte de politiciens, de juges et de membres de l’association du barreau.
Traduction : AFPS