Bitterlemons International : Quand le
Hamas a pris le contrôle de la bande
de Gaza, a-t-il fait le saut tout seul, ou
l’a-t-on poussé ?
– Abu Zaida : D’un point de vue idéologique
et à la lumière d’événements
historiques, le Hamas se considère,
depuis sa fondation en 1987 - 1988,
comme le remplaçant de l’OLP laïque.
Le Hamas pense qu’à terme c’est lui
qui sera à la tête de la cause palestinienne
et qu’il le fera en mêlant religion
et lutte armée. Le Hamas a ainsi
utilisé la deuxième Intifada -sous prétexte
de lutte contre Israël- pour
construire une milice forte et bien organisée.
Mais je ne doute pas un instant
que l’essentiel de la force militaire que
le Hamas a construite pendant ces
années soit dirigée contre l’Autorité
palestinienne et non contre Israël. La
dernière preuve en est le coup militaire,
en juin, à Gaza.
Bitterlemons International : Le Hamas avait
déjà gagné les élections législatives ; alors,
pourquoi une action militaire ?
– Abu Z. : Le Hamas
a utilisé la démocratie
pour arriver
au pouvoir mais, en
tant que mouvement
d’idéologie
islamiste, il n’a rien
à faire de la démocratie.
Le Hamas
pense que les seuls
moyens démocratiques
ne seront pas
suffisants pour exercer
un contrôle total sur l’ensemble de
la Palestine. Il était en revanche assez
puissant pour le faire à Gaza. D’où le
coup.
Je ne doute pas un instant que, si la
situation était différente en Cisjordanie,
il y ferait de même.
Quand on écoute attentivement les porteparole
du Hamas, des gens comme Mahmoud
Zahar et d’autres, ils ont dit clairement
qu’ils avaient planifié l’attaque
de juin, que c’était leur intention, et qu’ils
voulaient prendre le contrôle.
Prenez ce qu’a dit Nizar Ayyan après le
coup. Il a déclaré : « Maintenant nous
avons nettoyé Gaza des laïques et des
incroyants ». C’était ça, les véritables
intentions du Hamas. Ce n’est pas qu’ils
aient eu du mal à travailler en tant que
gouvernement, ou bien des problèmes
avec des gens comme Mohammad Dahlan,
comme certains d’entre eux le disent.
La véritable bataille, c’est ce que Nizar
Ayyan a si clairement exprimé : ils combattaient
les forces laïques en Palestine.
Bitterlemons International : Et vous pensez
qu’ils feraient la même chose en Cisjordanie ?
– Abu Z. : Bien sûr. Mais
en Cisjordanie c’est un peu
différent.
Bitterlemons International :
Le Hamas dit aussi qu’ils ont
nettoyé Gaza d’éléments criminels
et que maintenant
l’ordre et le droit y règnent.
Qu’en pensez vous ?
– Abu Z. : Je ne vais même
pas remonter jusqu’à juin. Prenons les
trois ou quatre derniers jours. On ne peut
prétendre, quand on voit les images télévisées
de membres du Hamas qui s’attaquent
avec une grande brutalité à une
fête de mariage, que c’est de la sécurité.
Avant-hier, des combattants du Hamas
ont occupé des bâtiments afin d’empêcher
des journalistes de prendre des
photos de leurs activités. Et ils appellent
ça de la sécurité et de l’ordre ?
Bitterlemons International : Pensez vous que
la voie prise par le Président Mahmoud Abbas
est la bonne, ou y a-t-il encore place au dialogue ?
– Abu Z. : Si le Hamas n’admet pas avoir
commis un crime, s’il ne s’excuse pas et
s’il ne retire pas ses forces de tous les
bâtiments de la Sécurité palestinienne à
Gaza, je ne vois pas comment il pourrait
y avoir place pour le dialogue.
Sufian Abu Zaida, ancien ministre du
Fatah (à Gaza), est actuellement enseignant
en sciences politiques à l’université Al Qods.