Photo : Les ruines de l’immeuble résidentiel appelé Palestine Tower détruit par les forces d’occupation israéliennes le 7 octobre 2023 - Crédit : Mohammed Zaanoun
Nima Abu Nada vit au dernier étage de la Palestine Tower, un immeuble résidentiel de 14 étages situé au milieu de la ville de Gaza et offrant une vue panoramique.
En août 2022, Israël a tiré plusieurs roquettes sur la tour sans avertissement, tuant de hauts responsables du Jihad islamique palestinien.
Par miracle, cette femme de 49 ans et ses deux enfants ont survécu au bombardement, mais leur maison a été gravement endommagée et rendue inhabitable.
Il y a trois semaines, elle a finalement réintégré sa maison bien-aimée, après avoir payé 72 000 shekels (18 600 dollars) pour les réparations. Elle a dû emprunter la majeure partie de cette somme.
Samedi, le Hamas a lancé une attaque foudroyante contre les communautés israéliennes proches de la bande de Gaza, tirant des milliers de roquettes et envoyant des centaines de combattants à travers la frontière par voie terrestre, aérienne et maritime. Environ 800 Israéliens ont été tués lors de cette attaque, et le Hamas et le Djihad islamique affirment avoir ramené quelque 130 captifs à Gaza. [1]
Israël a riposté par des centaines de frappes, détruisant de nombreuses tours résidentielles, tuant jusqu’à 493 habitants de Gaza et en blessant au moins 2 750 [2].
Samedi soir, les habitants de la tour Palestine ont commencé à recevoir des appels téléphoniques. Il s’agissait de l’armée israélienne, qui leur demandait de fuir avant qu’elle ne commence à bombarder le bâtiment.
Mme Abu Nada ne réalise toujours pas que sa maison avait été à nouveau bombardée.
« Je n’ai jamais pensé que l’immeuble serait à nouveau bombardé. J’ai dit à mes voisins que c’était impossible. Pourquoi le bombarderaient-ils ? C’était un moment terrible et inoubliable », a-t-elle déclaré à Middle East Eye, la voix étranglée.
Haron, le fils de Mme Abu Nada, était assis à côté de sa mère. La peur a fait perdre ses couleurs au visage du jeune homme de 16 ans et il est resté silencieux, s’efforçant d’assimiler ce qui se passait autour de lui.
« Ma sœur de 20 ans a la jambe cassée. J’ai donc dû la porter rapidement depuis le 14e étage, car l’ascenseur était en panne depuis la dernière attaque », a-t-il expliqué à Middle East Eye.
La famille a fui en voiture jusqu’à la maison de la sœur d’Abu Nada, dans le nord de la bande de Gaza, où elle se trouve actuellement.
« Nous n’avons réussi à prendre que quelques vêtements, laissant tous nos biens derrière nous. Toutes nos économies ont été perdues pour rien », a déclaré Haron.
En larmes et sous le choc, Nima Abu Nada a déclaré avec colère : « Nous avons besoin que le monde nous traite comme des êtres humains. Nous ne sommes que des civils. Nous en avons assez de vivre sous les attaques israéliennes. Ce qui s’est passé est interdit par toutes les religions et toutes les lois. »
« Nous souffrons psychologiquement depuis l’attaque de 2022. Je veux que mes enfants vivent en sécurité. Combien de temps devrons-nous vivre cette vie ? Combien de temps ? » demande-t-elle.
Les blessures du passé
Khalil Kanon déjeunait avec sa famille et sa mère de 80 ans lorsque Israël a attaqué la Tour de Palestine en 2022. Plusieurs d’entre eux ont été légèrement blessés, mais leur maison a été gravement endommagée.
Déplacé dans un appartement situé en face de la tour, Khalil Kanon a mis plus d’un an à réparer sa maison après avoir reçu une aide financière de l’ONU.
Samedi soir, Kanon et sa femme discutaient de la couleur des meubles qu’ils devaient acheter pour leurs enfants lorsqu’il a entendu des gens crier et avertir leurs voisins de fuir.
Alors qu’ils étaient censés repartir, la maison a de nouveau été détruite.
« Ma mère souffre de terreur, de délire et d’hallucinations depuis le bombardement d’hier », a déclaré Khalil, désespéré, à Middle East Eye.
« Mes quatre enfants n’ont pas pu dormir hier à cause de crises de panique. Ils sont devenus très anxieux et sont en colère. Ils n’arrêtent pas de me demander pourquoi notre maison a été bombardée deux fois et me demandent de voyager et de vivre à l’étranger en paix. Nous en avons assez de toute cette terreur et de cette panique ».
Le porte-parole de l’armée israélienne, Avichay Adraee, a déclaré que deux tours résidentielles, dont la Palestine Tower, avaient été utilisées par le Hamas pour des « opérations terroristes ». Mais Kanon dément cette affirmation.
« Tous les résidents étaient des civils et il n’y a aucune raison de viser la tour. Il s’agit d’un crime de guerre et d’une punition collective. Il n’y a pas d’endroit sûr à Gaza pour protéger sa famille », a-t-il déclaré.
« La plupart des familles de la tour se sont réfugiées dans les maisons de leurs proches ou dans des écoles. Trop c’est trop. Nous avons besoin de justice. Nous sommes des civils non armés qui font face à des missiles très explosifs sans aucun abri ».
Ghassan Abu Ramadan, 66 ans, récupère encore des blessures qu’il a subies lors du bombardement de la tour Palestine en 2022.
Lors de ce bombardement, quatre membres de sa famille ont été gravement blessés. Abu Ramadan est resté huit jours en soins intensifs ; sa femme y est restée 30 jours.
Il venait tout juste de recevoir une aide financière pour reconstruire son appartement et était censé commencer les réparations bientôt.
M. Abu Ramadan et sa famille de six personnes regardaient la télévision dans leur logement provisoire lorsqu’ils ont appris qu’Israël allait à nouveau bombarder la tour.
« Lorsque nous avons vu la tour s’effondrer, nous avons été extrêmement tristes. Je vis dans cette tour depuis 1995. C’est là que j’ai construit tous mes souvenirs. C’était très douloureux », a-t-il déclaré à Middle East Eye.
« L’armée israélienne veut nous faire souffrir. Elle veut que nous vivions dans le chaos. Il y avait 82 familles qui vivaient dans la tour. Aujourd’hui, les 82 familles sont sans abri. Si l’armée israélienne veut s’en prendre à la résistance, elle peut le faire, mais c’est nous qu’elle a pris pour cible. »
Il est décourageant, selon Abu Ramadan, de voir l’Occident se contenter d’exprimer son soutien aux civils israéliens touchés par les violences de ces derniers jours.
« Le monde a laissé Gaza sans solution. L’Occident soutient fortement Israël et a besoin de lui, et l’Occident nous laisse sans abri ni espoir. Des milliers de résolutions internationales ont été adoptées contre Israël, mais aucune d’entre elles n’a été mise en œuvre », a-t-il déclaré.
Traduit par : AFPS