l y a probablement des raisons internes à cette guerre. Personne n’ignore la dérive maffieuse de certains groupes armés ou le jeu de certaines factions palestiniennes dont le trouble pas de deux avec l’occupant israélien n’est pas un secret. Personne n’ignore que des puissances étrangères que démange le désir de confrontation se font les dents par groupes inféodés interposés. Le Fatah local a été armé par les Etats-Unis, avec la bénédiction israélienne, alors que le Hamas est soutenu par la Syrie et l’Iran.
Tout cela est vrai mais insuffisant pour expliquer la pulsion de mort qui semble s’être emparé des frères ennemis. La tuerie de Gaza ressemble au dernier acte d’une tragédie antique pour laquelle un peuple paisible semble avoir été élu.
Le premier acte est le plan de partage décrété par une ONU siégeant sans les trois quarts des pays de la planète, alors occupés par le quart restant.
Le second est la Nakba, la création de l’Etat d’Israël avec, entre autres corolaires, les centaines de villages détruits et leurs habitants massacrés, les centaines de milliers de Palestiniens jetés sur les routes de l’exode, l’expansion israélienne à la faveur de la guerre qui lui a permis d’investir 78 % de la Palestine historique.
Le troisième est la guerre des six jours qui a permis à Israël d’occuper le reste du territoire.
Les accords d’Oslo sont une sorte de parenthèse. Ils ont entretenu une sorte d’illusion par laquelle les Palestiniens pensaient pouvoir accéder à une tranquille banalité en acceptant la perte de 78 % de leur patrie, contre la promesse d’édifier leur Etat sur les 22 % restants.
On sait ce qu’il en a été. Israël n’a jamais vraiment envisagé de respecter ce contrat. Il s’est employé à savonner la planche à Yasser Arafat et à son successeur Mahmoud Abbas, se faisant en cela l’allié objectif du Hamas. Cette stratégie a été une réussite totale puisque le Hamas a fini par s’imposer par la voie démocratique. Israël tenait enfin le prétexte pour contraindre ses alliés (ses obligés ?) occidentaux à imposer un blocus financier au peuple palestinien.
L’Europe et les Etats-Unis sont ainsi devenus de fait les auxiliaires d’Israël dans son entreprise de démembrement méthodique de la société palestinienne. En affamant Gaza, transformé en réduit mortifère par la fiction d’un désengagement salué par le concert des hypocrites, ils en ont fait le champ clos de toutes les rancœurs, de toutes les haines. En refusant d’exercer la moindre pression sur Israël, interdisant ainsi l’ombre du début d’une perspective de paix et de justice, ils ont contribué à mettre en branle la machine de mort dont Israël espère qu’elle le débarrassera à jamais des Palestiniens.
Peut-être Israël a-t-il gagné cette bataille. Peut-être se frotte-t-on les mains dans des officines très spéciales. L’opinion aurait tort d’être indifférente.
Les 300 km2 de Gaza sont un confetti à l’échelle de la planète. Ce qui se joue dans ce confetti, si personne n’y met bon ordre, est une préfiguration du monde de demain, un monde brutal, sans règles. Accepter l’injustice faite aux Palestiniens, c’est accepter la pérennité d’un ordre inique qui finira, dans sa folle course à l’abîme, par broyer l’humanité.
Si le soleil se transformait en trou noir, il aurait la dimension d’une pomme mais garderait le même poids. Invisible à l’œil nu, on ne pourrait le détecter que par l’attraction irrésistible qu’il continuerait d’exercer sur les planètes. La Terre continuerait ainsi de graviter autour d’une pomme.
Gaza est devenu le trou noir du monde.