L’Etat hébreu, qui largue sur le territoire palestinien un tapis de bombes sans précédent depuis 1967, dit vouloir faire cesser les tirs de roquettes sur le sud d’Israël. Il ne va pas au-delà, ne prétendant pas vouloir renverser le Mouvement de la résistance islamique au pouvoir à Gaza depuis 18 mois.
Ce choix offre à Israël une grande flexibilité : il lui permet d’arrêter l’assaut, surtout si la pression internationale monte, et de revendiquer quand même la victoire. Mais il laisse également de bonnes chances de survie au Hamas : comme Israël ne veut ni réoccuper Gaza, ni tenter ouvertement d’y installer un autre régime, le Hamas garde un poids considérable dans de futures négociations de cessez-le-feu.
Pour le ministre de la Défense Ehoud Barak, cette guerre vise à "porter un coup sévère" au Hamas, pour qu’il arrête ses "actions hostiles" contre Israël. Tzipi Livni, cheffe de la diplomatie, dit vouloir voir émerger "une nouvelle réalité" le long de la frontière Gaza-Israël. Mais elle n’évoque pas le renversement du Hamas, et exclut une réoccupation de Gaza, seule solution semble-t-il pour chasser pour de bon le Hamas et ses 20.000 hommes.
Ces précautions sont peut-être la conséquence des leçons de la désastreuse guerre du Liban de l’été 2006 : d’entrée, le Premier ministre Ehoud Olmert s’était fixé l’objectif ambitieux de détruire le Hezbollah. L’impréparation, la précipitation, et l’échec à accomplir cet objectif ont laissé le souvenir d’une guerre sanglante et inutile.
Les termes de la précédente trêve Israël-Hamas, entrée en vigueur en juin, n’ont jamais été rendus publics. Elle n’a en tous cas pas débouché sur la levée progressive du blocus en vigueur depuis que le Hamas contrôle Gaza, les points de passage étant régulièrement refermés à chaque tir de roquette sporadique. Dans le même temps, le Hamas continuait à s’armer, par les tunnels de contrebande.
Selon son dirigeant Ahmed Yousef, le Mouvement n’acceptera pas de nouvelle trêve sans levée du blocus. "Israël veut le calme en échange d’une mort lente" pour Gaza, dit-il. "Le calme ne sera rétabli que si le siège est levé."
Mais le maintien du Hamas à Gaza risque aussi d’enterrer toute perspective de paix : Israël négocie avec son rival, le président palestinien modéré Mahmoud Abbas, qui contrôle la Cisjordanie, et dit ne pouvoir mettre quoi que ce soit en oeuvre tant que le parti islamiste contrôlera la moitié de l’Etat palestinien à venir.
Si le Hamas reste aux commandes à Gaza, Mahmoud Abbas risque de ne pas pouvoir se maintenir lui-même bien longtemps au pouvoir : selon ses rivaux, son mandat arrive à échéance le 9 janvier, et son autorité sera ensuite remise en cause.
Le président de l’Autorité palestinienne, qui envisageait de tenir des élections, semble hors jeu depuis le début de l’offensive israélienne, entre condamnation molle et rejet tout net par le Hamas de son offre de médiation.
Egalement difficile à déterminer, l’importance du facteur électoral : les élections israéliennes sont fixées au 10 février. Si les responsables israéliens nient que l’offensive ait des motivations politiques, Ehoud Barak et Tzipi Livni, à la traîne dans les derniers sondages derrière le "faucon" du Likoud Benyamin Nétanyahou, sont poussés à montrer leurs muscles par la pression publique.
Autre paramètre, la longue transition américaine : Israël voulait peut-être se hâter d’agir avant la prise de fonctions de Barack Obama le 20 janvier, certains dans l’Etat hébreu estimant que le nouveau président ne sera pas aussi conciliant que son prédécesseur.
Pour Zakarya Sinwar, professeur d’histoire à l’Université islamique de Gaza, "Israël peut bien tout détruire à Gaza, il ne trouvera personne pour une reddition politique". D’ailleurs, après des mois de dégringolade, le Hamas semble désormais bénéficier d’une nouvelle vague de sympathie et d’un regain de popularité.
Haut responsable militaire israélien pendant la dernière guerre du Liban, Eyal Ben-Reuven considère également que le Hamas ne peut être abattu par la force : "le Hamas est une idéologie, nous ne pouvons pas annuler une idéologie par les moyens militaires".
En l’état, le mieux que puisse faire Israël, juge-t-il, c’est faire payer un tel prix au Hamas qu’il cessera de tirer ses roquettes, puis aborder en position de force de nouveaux pourparlers en vue d’une trêve. Et dans ce cadre, l’Etat hébreu risque de devoir se trouver contraint à lancer une opération terrestre, même limitée, pour durcir encore le message envoyé au Hamas. AP