Tout appelle une sorte d’aggiornamento international. Mahmoud Abbas est au bout de son mandat ; le tiers du Conseil national législatif palestinien est toujours dans les prisons israéliennes ; l’Autorité palestinienne est absente du territoire de Gaza et le Hamas n’est en général pas reconnu par ce qu’on appelle la communauté internationale ; les Palestiniens sont profondément divisés politiquement et séparés géographiquement ; le monde arabe est lui aussi divisé ; il n’y a plus de processus de paix ; des élections sont annoncées en Palestine (2009 ?) et en Israël (10 février 2009) ; un nouveau président américain annonce qu’il veut prendre des initiatives… L’agression d’Israël a fait éclater, aux yeux d’opinions publiques indignées et mobilisées, l’inhumanité et l’inanité de la politique de guerre, l’impasse de l’occupation et de la colonisation, la lâcheté coupable des grandes puissances qui, à des degrés divers, ont soutenu Israël ou laissé faire, la faiblesse et la division des gouvernements arabes, la crise du mouvement national palestinien… Cela ne peut plus durer.
L’urgence est donc à la reconstitution d’une perspective, d’un nouveau processus politique. À défaut, c’est la prochaine guerre qui sera en préparation. La France et ses partenaires européens sont devant leur responsabilité. Une lourde responsabilité. Il est donc indispensable de montrer une très grande exigence sur les rôles français et européen pour que s’engage un vrai processus politique de règlement, fondé sur trois options principales.
Premièrement, la mise en place d’un véritable plan de paix multilatéral sous l’égide des Nations unies. Ce qui est en jeu, c’est le droit à l’autodétermination du peuple palestinien, le futur du Proche-Orient, la paix, la sécurité et le désarmement dans l’ensemble de la région. Il faut commencer par la levée immédiate et totale du blocus de Gaza et par la définition d’un cadre nouveau de négociation pour l’application des résolutions de l’ONU, avec la réunion d’une conférence internationale.
Deuxièmement, l’installation d’une force internationale de protection et de sécurisation sous drapeau de l’ONU.
Troisièmement, l’aide à l’organisation d’élections en Palestine. Un gouvernement d’union et de salut national a été proposé afin de préparer de telles élections. L’ONU devrait assurer l’observation du scrutin et garantir le respect des résultats. L’unité palestinienne doit être encouragée.
L’objectif d’un plan de paix multilatéral reste l’édification, à côté de l’État d’Israël, d’un État palestinien souverain dans les frontières d’avant juin 1967, avec Jérusalem-Est pour capitale, le droit au retour des réfugiés, la libération des prisonniers et les échanges nécessaires de détenus. Il faut vraiment en finir avec l’occupation et la colonisation.
La mise en oeuvre d’un tel processus nécessite une grande détermination de la France et des Européens. Il faut obtenir une commission d’enquête internationale sur les crimes de guerre qui ont été commis. Des sanctions doivent être imposées à Israël (notamment la suspension de l’accord UE-Israël votée en avril 2002 par le Parlement européen), tant que les dirigeants de ce pays ne s’engagent pas clairement dans la voie d’un vrai plan de règlement liant étroitement les exigences de paix, justice, droit et sécurité collective.
Le crédit politique de la France s’est sérieusement dégradé avec le choix du rehaussement du statut d’Israël dans l’association UE-Israël, et plus généralement du fait d’une politique clairement perçue pour ce qu’elle est : une politique aujourd’hui nettement pro-israélienne et complémentaire de celle des États-Unis.
La France est manifestement engagée dans les tractations entre les puissances occidentales et certaines capitales arabes, en particulier Le Caire, pour garantir aux Israéliens la fermeture de la frontière de Gaza avec l’Égypte, la disparition des tunnels et le contrôle permanent, y compris sous-terrain (avec des techniques de pointe), de la frontière. La France serait prête à apporter son aide à un tel projet. Nous avons été informés de la présence, côté égyptien, de 175 militaires français. Leur rôle est-il d’en préparer les aspects sécuritaires et techniques ? Cela reste à vérifier.
Le rôle français doit être clairement défini et fondé sur les résolutions de l’ONU et non sur des arrangements particuliers non transparents.
Les tunnels peuvent disparaître grâce à la levée totale et immédiate du blocus. Et le trafic d’armes peut être contrôlé et empêché si un vrai plan de paix est mis en route avec une autorité palestinienne légitime sur l’ensemble des territoires de Cisjordanie et de Gaza. Il ne peut y avoir ni demi-mesure ni poursuite d’une politique qui a permis le désastre et les massacres auxquels on vient d’assister.
La politique française se donne une apparence de politique active de solution politique et humanitaire. Mais le jeu réel français renvoie presque toujours dos à dos Palestiniens et Israéliens, ce qui est inacceptable ; il ne dit pas toutes ses motivations et ses objectifs réels, et il masque mal une convergence réelle avec les autorités israéliennes, au-delà de quelques condamnations nettes lorsque Tel-Aviv passe des lignes rouges dans la brutalité. Ce qui montre l’impact important des mobilisations, notamment en France et en Europe. Il est décisif que ces mobilisations se donnent un sens politique correspondant à la nouvelle donne engendrée par cette crise majeure.