Photo : La clé, symbole de la nakba et de la demande de droit au retour pour les millions de réfugié.e.s palestiniens
Créé le 8 décembre 1949, par une résolution de l’Assemblée générale des Nations unies, l’UNRWA a été conçu originellement comme un programme temporaire destiné à répondre aux besoins essentiels des réfugié.e.s palestiniens. Depuis 75 ans, son mandat est renouvelé tous les trois ans. Le nombre de ses bénéficiaires avoisine aujourd’hui les 6 millions de femmes, d’hommes et d’enfants, dispersé.e.s entre la Cisjordanie (dont Jérusalem Est), la bande de Gaza, la Jordanie, le Liban et la Syrie.
« Entre aujourd’hui et la fin de l’année de 2023, il nous manque environ 300 millions de dollars. 200 pour maintenir en l’état nos services en matière de santé, de scolarité et d’assainissement des camps de réfugiés. Et 100 millions pour l’aide alimentaire que nous fournissons à Gaza. »
Depuis plusieurs années, cet organisme est plongé dans une crise financière qui menace son existence et la pérennité des services qu’il fournit aux réfugié.e.s palestinien.ne.s, dont les situations sont aussi plurielles que précaires. Philippe Lazzarini détaille à Médiapart certaines raisons de cette crise :
« une grande partie de cette crise est liée à l’absence d’un processus de paix, à l’indifférence croissante vis-à-vis des Palestiniens, aux changements de priorité des États membres de l’ONU (…) Notre mandat est renouvelé tous les trois ans par l’Assemblée générale de l’ONU, mais ce renouvellement n’est désormais plus accompagné financièrement »
Pourtant, les besoins couverts par l’UNRWA sont vitaux et croissants :
« Pour les réfugiés palestiniens, toute atteinte au fonctionnement de l’UNRWA n’a pas seulement des répercussions concrètes sur leur vie quotidienne, mais affecte aussi leur horizon politique, leur psychologie, leurs mentalités… […] Une agence comme la nôtre, qui doit souvent faire face à des urgences, devrait avoir des réserves pour au moins trois à six mois. Notre budget pour les activités de développement humain est de 850 millions de dollars par an en moyenne, auxquels il faut ajouter 700 millions pour les urgences, allant du tremblement de terre en Syrie à ce qui peut se passer dans les territoires occupés. Entre aujourd’hui et la fin de l’année de 2023, il nous manque environ 300 millions de dollars. 200 pour maintenir en l’état nos services en matière de santé, de scolarité et d’assainissement des camps de réfugiés. Et 100 millions pour l’aide alimentaire que nous fournissons à Gaza. »
Il précise le périmètre d’intervention de l’UNRWA :
« Officiellement, il y a près de 6 millions de réfugiés palestiniens enregistrés auprès de l’UNRWA, mais ils ne bénéficient pas tous de nos services (pour des raisons liées à leurs choix et leur lieu de résidence). Nous scolarisons environ 550 000 filles et garçons dans nos 700 écoles ; nous offrons des services de santé de première ligne à plus de 2 millions de personnes. En moyenne, nos dispensaires de santé dispensent 7 millions de consultations médicales par an. Nous offrons des formations professionnelles et techniques à des milliers de jeunes. Nous assurons l’évacuation des déchets et l’assainissement en eau de tous les camps de réfugiés dans nos zones d’opération. »
Les besoins auxquels l’agence doit répondre sont particulièrement cruciaux dans la bande de Gaza, territoire palestinien étranglé par le blocus que l’Etat d’Israël lui impose depuis juin 2007 :
« Ce territoire représente notre plus grand domaine d’intervention : nous aidons environ 1,2 million de personnes sur les 2 millions que compte le territoire. Nous représentons à nous seuls près de 25 % du PIB de Gaza et nous assurons la moitié des besoins alimentaires de sa population. »
Ailleurs, les besoins sont tout aussi essentiels. Philippe Larrazini affirme que l’agence adapte ses réponses à chaque spécificité locale, en particulier lorsque les réfugié.e.s palestinien.ne.s vivent en dehors de leur territoires :
« au Liban, les réfugiés palestiniens sont particulièrement discriminés, de par leur interdiction de pratiquer certains métiers ou de devenir propriétaires immobiliers par exemple, encore davantage parce que le pays s’est écroulé économiquement et financièrement et que cette situation pèse particulièrement sur ces populations déjà marginalisées, ce qui nous oblige à des actions humanitaires et/ou à offrir des emplois à ces réfugiés dont l’UNWRA est devenu, de fait, le seul employeur possible. »
Aujourd’hui, c’est l’ensemble de ces services qui sont menacés. Philippe Lazzarini alerte sur le fait qu’en l’état actuel de ses finances, l’agence ne pourra plus répondre aux services scolaires, sanitaires et alimentaires de l’ensemble des réfugié.e.s à partir du mois de septembre de cette année. Pourtant, l’UNRWA est pour certain.e.s Palestinien.ne.s le seul organisme en mesure de leur fournir une perspective et les moyens de leur subsistance auxquels ils et elles ont droit :
« Pour beaucoup de réfugiés palestiniens, l’UNRWA est le seul « État » auquel ils peuvent s’adresser. La Syrie, la Jordanie, le Liban ne veulent pas prendre davantage en charge les réfugiés palestiniens pour des raisons non seulement économiques mais aussi politiques. Ils veulent pouvoir continuer à parler d’un droit au retour des Palestiniens dans les équilibres internationaux et préfèrent ne pas intégrer les réfugiés palestiniens qui se trouvent sur leur sol. »
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