Ayman travaille très dur à l’école. Il rêve d’un avenir, d’un métier. Mais avec 47 élèves entassés dans sa classe, des classes qui fonctionnent en double roulement, apprendre dans ces conditions est très difficile et stressant. La maison n’est pas non plus un refuge : la récente incursion militaire à Jabaliya s’est produite à 200 mètres de l’endroit où Ayman vit. Les fusillades et les bombardements ont tellement terrorisé sa petite sœur de 5 ans qu’elle continue à se réveiller la nuit en hurlant.
L’expérience d’Ayman n’est malheureusement que trop fréquente dans les voisinages surpeuplés et étouffants de Gaza, où ce sont les moins responsables de cette situation qui souffrent le plus. Pourtant, parmi les 840 000 enfants de Gaza – 555 000 d’entre eux sont des réfugiés – Ayman semble avoir plus de chances que beaucoup d’autres. Depuis le récent regain de violence le mois dernier, 33 filles et garçons palestiniens au moins ont été tués, et de nombreux autres ont été blessés ou mutilés – tous se sont retrouvés piégés par des tirs croisés, tués dans leur propre maison ou emportés par des explosions qui les ont surpris alors qu’ils jouaient dans leur propre jardin. Le 28 février, quatre enfants qui jouaient au football ont été touchés par un missile qui a déchiqueté leurs corps, leurs propres familles n’ont pu les identifier.
Ayman, ses frères et sœurs, comme tous les enfants de Gaza, voient leur espace de vie se réduire comme peau de chagrin au fil des jours, impuissants face à ce lent étouffement de leur esprit et de leurs rêves. Au lieu d’espérer s’épanouir, ils sont piégés dans une prison virtuelle, et tout ce qui devrait aller de soi, tout ce qui devrait être normal pour un enfant ne leur est pas accordé, comme si le droit de jouer, d’aller à l’école, d’avoir suffisamment à manger, d’avoir de la lumière pour faire ses devoirs à la nuit tombée, le droit de se sentir en sécurité à la maison n’étaient pas faits pour eux. Le poids de l’un des plus longs conflits mondiaux repose sur leurs frêles épaules, détruisant leur enfance et leur infligeant des cicatrices psychologiques que, souvent, ils porteront à vie.
Les Palestiniens ont longtemps été considérés comme étant parmi les plus éduqués au Moyen-Orient. Aujourd’hui après des années de violence, de bouclage, de pauvreté, l’éducation et l’excellence d’un système éducatif qui faisait leur fierté ont été anéanties.
Environ 2 000 enfants à Gaza ont abandonné les bancs de l’école au cours des cinq derniers mois. Ceux qui restent doivent se partager des livres en lambeaux et doivent se débrouiller sans les ressources élémentaires. Les examens semestriels qui ont eu lieu au mois de janvier dans les écoles de l’Unrwa (Office de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient) ont révélé un taux d’échec de 60 % des élèves en mathématiques et de 40 % en arabe, langue maternelle des enfants. Pourtant, malgré cela, Ayman persiste : « Je veux être instruit. Je veux être ingénieur et construire mon pays. »
Rappelons au monde que la crise qui sévit à Gaza est un désastre engendré par l’homme. Rappelons au monde que la situation aujourd’hui est la pire depuis que l’occupation a commencé. 79 % des foyers de Gaza vivent dans la pauvreté ; huit sur dix dépendent de l’assistance alimentaire. Presque la moitié de la population en âge de travailler est sans emploi ; l’industrie locale s’est totalement effondrée. Les systèmes de distribution de l’eau et le traitement des eaux usées sont défaillants ; les ordures s’entassent dans les rues.
L’Unicef travaille d’arrache-pied pour redonner à la jeunesse de Gaza un sentiment de normalité, notamment en développant des ateliers de rattrapage pour que les enfants continuent leur scolarité, en mettant en place des programmes de sports et de loisirs dans les écoles et en travaillant avec les communautés pour créer des terrains de jeux où les enfants peuvent être des enfants, tout simplement, en sécurité. L’Unicef travaille avec des partenaires pour approvisionner en eau, en hygiène et en fournitures médicales, les familles ainsi que les centres de santé. Et partout où le besoin se fait sentir, des équipes de soutien psychologique, formées par l’Unicef, viennent en aide aux parents et aux enfants palestiniens, pour leur permettre de faire face au fardeau du stress.
Mais si l’Unicef fait son possible pour venir en aide à ceux qui sont au cœur de la tourmente de Gaza, les dirigeants politiques sont les seuls à pouvoir mettre un terme à cet abominable cauchemar. Le siège doit être levé. L’assassinat de civils doit prendre fin des deux côtés. Les enfants israéliens et palestiniens méritent de grandir en paix. Et les leaders des deux côtés, soutenus par la communauté internationale, doivent pouvoir trouver le langage d’un dialogue honnête, seul chemin vers la paix durable.
D’un ton très calme, le père d’Ayman a dit : « Mes enfants sont mon espoir. » Les enfants de Gaza sont une lumière dans l’obscurité. Ils méritent d’avoir la chance de briller.