« Qu’est-ce qui va se passer maintenant ? Comment est-ce que nous allons surmonter tout cela ? » Ravagé par la douleur, Hussein Dawabsheh, le patriarche du clan familial éponyme, a confirmé ce lundi matin la mort de Riham, une jeune mère palestinienne brûlée à 90% durant l’attaque de sa maison de Douma, en Cisjordanie, par deux extrémistes juifs.
Dans la nuit du 30 au 31 juillet, ces derniers ont en effet lancé un cocktail Molotov à travers la fenêtre ouverte du salon de la famille palestinienne réunie. Ali, le fils de Riham âgé de 18 mois, est mort presque sur le coup. Son mari, Sa’ad, 31 ans, a résisté trois semaines avant de rendre son dernier souffle. Quant à Riham, elle est arrivée aux soins intensifs de l’hôpital Tel HaShomer de Tel-Aviv dans un état désespéré. Les médecins n’ont jamais cru qu’elle survivrait à ses brûlures.
Ne reste plus désormais qu’Ahmad, 4 ans, le dernier enfant de la famille qui semble devoir s’en sortir. Avec des séquelles et au terme d’une longue convalescence, car ses blessures sont graves. « On le prendra chez nous et on l’élèvera », lâche Hussein Dawabsheh. « Lorsqu’il est conscient, il demande où sont ses parents, mais il dort la plupart du temps. Plus tard, je lui expliquerai que sa mère est morte le jour de son 27e anniversaire et qu’elle avait beaucoup d’ambition pour lui. » A l’annonce de la mort de Riham, des organisations palestiniennes de Cisjordanie et de la bande de Gaza ont proclamé une « journée de la colère » pour ce vendredi, à la sortie de la grande prière.
Tension grandissante
Depuis l’attentat de Douma, le nombre d’incidents violents n’a pas cessé de gonfler. « Il ne s’agit plus seulement de jets de pierres, mais également de cocktails Molotov et d’engins explosifs divers auxquels s’ajoutent des attaques au poignard visant des soldats, des attaques à la voiture bélier, des tirs sur des véhicules transportant des colons ainsi que sur des maisons, affirme Israël Hassan, ex-numéro 2 du Shabak (la Sûreté générale israélienne). Est-ce le début de la troisième intifada ? Je n’irai pas jusque-là, d’autant que ces violences sont le plus souvent perpétrées par des individus isolés. Des "loups solitaires", comme nous les appelons dans la profession. Mais il ne faut pas jouer à l’autruche, et nous devons nous tenir prêts à toute éventualité. »
Pour ajouter à la tension grandissante, les agences de presse palestiniennes ont annoncé lundi que Mahmoud Abbas profitera de sa prochaine allocution devant l’assemblée générale des Nations unies, à la fin du mois, pour proclamer l’annulation des accords de paix d’Oslo ainsi qu’une série d’engagements diplomatiques et économiques avec l’Etat hébreu. Concrètement, ce revirement signifierait le retour à une situation de guerre, de violence, et d’intifada.
« Nous sommes effectivement en train d’évaluer la situation », a déclaré le colonel Jibril Rajoub (Fatah), venu participer à l’enterrement de Riham Dawabsheh à Douma. « Nous n’en pouvons plus de cette occupation qui s’éternise, de la colonisation, des attentats perpétrés par des extrémistes juifs et de tout ce qui nous pourrit la vie depuis 1967. Puisque Israël ne veut pas la paix et refuse notre indépendance, nous devons en tirer les conclusions », a-t-il ajouté.
« Moyens d’investigation »
Du président d’Israël, Reuben Rivlin, au Premier ministre, Benyamin Nétanyahou, en passant par les leaders de l’opposition parlementaire et les grands rabbins, l’establishment de l’Etat hébreu au grand complet a fermement condamné l’attaque perpétrée à Douma. Mais, quarante jours plus tard, l’enquête judiciaire entamée sur les chapeaux de roue et à grand renfort de déclarations fracassantes n’a encore produit aucun résultat.
En tout cas, même si leur haine des Arabes est connue, la dizaine d’extrémistes juifs placés en détention administrative ou bannis de Cisjordanie et de Jérusalem-Est (la partie arabe de la ville) par la police ne semble pas mêlée à l’attentat ayant visé la famille Dawabsheh.
« Ce qui me choque dans cette affaire, c’est qu’Israël dispose de moyens d’investigation énormes mais qu’il ne les utilise pas au maximum. Si des Palestiniens avaient perpétré une pareille tuerie, croyez-moi que le Shabak les aurait trouvés très vite et qu’il aurait arrêté pas mal de monde pour arriver à ses fins », assène Manour Dawabsheh, le cousin de Riham. « Tout cela suscite chez nous encore plus de frustration. Nos jeunes n’en peuvent plus, ils veulent en découdre au nom de mes cousins et de tous ceux que l’occupant a tués pour rien. »