« Je suis venue courir parce qu’aujourd’hui, plus que jamais, nous avons besoin de montrer que c’est notre terre pour lutter contre la pression internationale », annonce fièrement Yael Snil, résidente de Psagot, une colonie au nord de Jérusalem, venue participer à la deuxième édition du marathon de la Bible, en Cisjordanie. Les organisateurs de l’événement affirment que 2 000 personnes participaient aux courses, un peu moins que pour l’édition 2015 – en grande majorité des Israéliens et, parmi eux, beaucoup des 400 000 habitants des colonies israéliennes de Cisjordanie, jugées illégales par la communauté internationale.
Les colons sont décomplexés. Des civils en armes déambulent sur la terre ocre – le permis de port a été facilité il y a un an, après une vague d’attaques au couteau et de violences. Depuis, les affrontements entre Palestiniens et Israéliens restent fréquents. Mais, ici, l’ambiance reste joyeuse : des bataillons de poussettes se faufilent entre des ateliers pour enfants et des étals qui vantent les vins produits par les colonies. « C’est vrai que c’est sympa mais on est aussi là pour porter un message », synthétise Yael. Comme bien d’autres colons-coureurs, elle est déçue par son gouvernement : « Ils doivent être plus forts et nous soutenir. » Pour elle, les collines sur lesquelles elle a couru ce matin « appartiennent pour toujours au peuple juif ». Elle ne comprend pas la critique de la présence israélienne en Cisjordanie.
« Je n’ai pas peur »
Ces dernières semaines, plusieurs événements ont inquiété les colons. Mercredi, les Palestiniens ont demandé au Conseil de sécurité des Nations unies « d’assumer ses responsabilités » et de forcer Israël à mettre fin à la colonisation. De précédentes tentatives s’étaient heurtées au veto américain. Le soir même, le Premier ministre israélien Benyamin Nétanyahou disait craindre que le président américain Barack Obama ne profite des dernières semaines de son mandat pour soutenir des initiatives contre les intérêts israéliens, comme le serait une résolution condamnant les colonies.
Les colons se sont aussi mobilisés pour défendre leur cause, particulièrement celle d’Amona, où vivent environ 300 Israéliens. La Cour suprême israélienne a décidé que cette colonie sauvage, illégale selon le droit international et israélien, devait être détruite avant la fin de l’année puisqu’elle a été construite sur des terres privées palestiniennes. « Je n’ai pas peur. Qui a raccordé Amona à l’électricité, à l’eau, au réseau de routes ? C’est l’Etat ! Même si c’est un investissement qui peut parfois paraître compliqué pour l’Etat israélien, les colonies sont le meilleur choix à faire », juge Israël Ganz, chef adjoint du Conseil régional de Binyamin (ensemble de colonies du centre de la Cisjordanie). Il pointe les centaines d’hommes, police et armée, qui assurent la sécurité du marathon pour appuyer le lien entre les autorités et les colons.
« Nous sommes unis »
La ligne d’arrivée du marathon se trouve au pied de la colonie Shilo. Récemment, les autorités israéliennes ont validé la construction de 98 nouveaux logements en marge de celle-ci. Une décision condamnée (entre autres) par la France. Mais pour Lorraine Skupsky, la petite ville de 3 400 habitants évoque tout autre chose. A peine essoufflée alors qu’elle termine le marathon, cette sexagénaire d’origine américaine vit à Jérusalem depuis dix ans mais se sent liée à la colonie car « Shilo a été une capitale du royaume d’Israël ».
Habitante de la colonie, Elisheva Poodiack tempère la portée politique du marathon. Venue encourager son mari, sa fille et son fils qui participent aux courses, elle trouve l’événement très émouvant : « Avant la course, ils ont parlé de la vie des Juifs sur ces collines il y a trois mille ans. Ils ont raconté l’histoire de l’homme de Benjamin qui a couru jusqu’à Shilo, comme les coureurs aujourd’hui : j’avais les larmes aux yeux parce que ça montre que nous sommes unis, tous, autour de cette terre, hier et aujourd’hui », conclut-elle.
Chloé Rouveyrolles à Shilo