18 mai...
Depuis plusieurs mois maintenant une nouvelle colonie est en construction sur les terres de ce village. Mais seulement depuis quelques jours les villageois se sont aperçus que la colonie commençait à s’étendre bien plus que prévu, et tout près de terres cultivables.
Le projet d’Israël étant de déverser les eaux usées des colons sur les terres d’une famille de maraîchers Palestiniens, autrement dit de s’approprier ces terres, arracher les abricotiers qui y poussent et souiller le sol fertile. D’ici deux jours ces terres devaient leur être confisquées.
Cette famille a décidé de résister, quoi qu’il arrive. Et nombre de Palestiniens, Israéliens et internationaux ont décidé de les soutenir. A cette fin, Anne et moi avons décidé hier après-midi de rejoindre la famille sur ses terres. Anne, étant déjà passé sur le site dans la matinée, constate qu’un générateur ainsi qu’une tour de contrôle et sa barrière de sécurité ont « poussé » dans la journée, à mi-chemin entre le remblais de la future colonie et les terres de la famille Palestinienne.
Arrivés sur place nous nous installons à l’ombre d’un figuier pour déguster un thé à la menthe avec nos hôtes, surveillés par les gardes israéliens. L’après-midi passe calmement, rythmé par le bruit des camions, pelleteuses et autres charmants bulldozers. Arrivent ensuite tout un groupe de jeunes activistes israéliens, ça fait chaud au cœur ! Pleins de modestie, ils viennent faire ce qui leur semble être leur devoir : soutenir et protéger les Palestiniens. La plupart ont déjà passé du temps en prison à l’issu de manifestations pacifistes ou autre.
Nous commençons à monter les tentes pour la nuit et on apprend du vocabulaire arabe. Il fait beau, le paysage est splendide et l’échange avec toutes ces personnes d’horizons complètement différents rend la situation presque idyllique !
Mais chacun a en tête les risques qu’il encourt...
Un peu avant la tombée de la nuit, les soldats vinrent nous rendre une petite visite de courtoisie pour nous faire part de leur inquiétude quant à notre sécurité et pour nous demander d’être prudents. Le propriétaire des terres répond avec un sourire en coin qu’il n’y a pas de danger puisqu’il est sur ses terres avec ses amis, qu’il ne dérange personne et que tout va bien ! Un des soldats sourit, le Palestinien en rajoute : « tu ne serais pas en tenue militaire je t’inviterais bien à boire le thé avec nous, mais tu viens clairement en ennemi alors s’il te plait va t’en ! »... On rit de bon cœur, la situation est tellement cocasse !
Les soldats sont embarrassés, ils appellent leur supérieur et finissent par s’en aller. On reprend nos conversations respectives, on allume plusieurs feux, on fait du thé et on attend le repas qui devrait bientôt arriver. La vie semble si belle quand on parvient à oublier les projecteurs braqués sur nous, les quatre voitures militaires et leurs hommes armés, la colonie à l’horizon et celle en construction...
La soirée passe doucement, on refait le monde et on se lamente sur la situation ici et on demande à Dieu de changer celle de Gaza. Mustafa Barghouti nous appelle en téléconférence pour nous remercier chaleureusement de notre aide, ça fait plaisir. Et puis on chante, avec la flute traditionnelle, on danse et on rit beaucoup. Et puis les soldats reviennent. Eux ne sourient plus du tout. Nous faisons trop de bruit nous disent-ils, il faudrait que nous nous calmions... Toujours pour notre sécurité : ils ont peur que les colons, deux ou trois kilomètres plus loin, nous tirent dessus... Ils sont trop sympas ! Cette fois on rit jaune, l’ambiance n’est plus aussi détendue. On fait tous de notre mieux pour détendre l’atmosphère : concours de blagues, narguilé, récits de voyages... Il n’est que 23h et on sait que la nuit sera longue. Il commence à faire froid et les pierres sur le sol nous empêchent de nous allonger Heureusement le repas chaud arrive mais des hélicoptères commencent à se faire entendre... Ils ne resteront pas bien longtemps. La troupe de gentils pacifistes en camping ne les impressionnent pas beaucoup !
La nuit fut longue, mais paradoxalement agréable, des liens forts se sont créés entre les « campeurs ».
Au petit matin les soldats cédèrent leur place aux maçons et aux gardes : les travaux continuent... D’ici deux jours les terres de nos amis devraient leur être confisquées... La lutte continue... mais sans grand espoir : « ils sont forts ces Israéliens ! ». On mange les abricots, verts : on ne les verra sûrement jamais mûrir...
19 mai
Deuxième nuit passée à Artas, dans les champs d’abricots.
Les soldats étaient un peu plus nombreux mais pas vraiment de changement, le calme avant la tempête...
Dans la journée certains d’entre nous sont allés à la manif d’Oum Salamoneh et se sont fait tabasser par les soldats ou arrêter.
20 mai
J’ai dormi au chaud à Bethléem pendant que l’armée passait le bulldozer sur nos chers abricotiers... la quarantaine de soldats a viré les tentes que l’on avait montées et amené le bulldozer... Les militants (internationaux, Israéliens et Palestiniens) n’ont rien pu faire.