Le premier, qualifié d’historique ou d’influent, est un discours qui propose une nouvelle vision, expose une pensée différente ou trouve une issue à une certaine impasse. De plus, ce genre de discours peut inclure des solutions innovatrices, comme le discours prononcé par le défunt président Sadate au Parlement, le 9 novembre 1977. Il y a annoncé qu’il était prêt à aller jusqu’au bout du monde pour réaliser la paix, voire aller jusqu’à Israël. Il y a également le célèbre discours que Sadate a prononcé à la Knesset, le 20 novembre 1977, dans lequel il a exposé sa vision concernant le règlement politique dans la région. Le discours prononcé par Sharon en décembre 2003, dans lequel il a annoncé le plan de séparation avec le secteur de Gaza, peut également être classé sous cette même catégorie. Le plus récent est celui prononcé par le président américain, Barack Obama, au Caire, le 4 juin courant, et dans lequel il a appelé à entamer une nouvelle phase entre l’Occident et le monde musulman.
Quant au second type, il s’agit des millions de discours prononcés tous les jours par des dirigeants politiques, des présidents et des chefs de gouvernement, sans qu’ils n’apportent quoi que ce soit de nouveau. Ces discours, caractérisés par l’éloquence, ne font qu’expliquer des positions ou justifier des politiques. Personne ne s’arrête devant ce type de discours, puisque les hommes politiques n’ont souvent rien d’autre que les paroles à présenter à leurs peuples.
Les discours historiques sont surtout caractérisés par le fait d’attirer l’attention et ouvrent la porte à une polémique entre partisans et opposants, entre les convaincus et les suspicieux.
Quant au discours prononcé par le premier ministre israélien, Netanyahu, dimanche dernier, il est un peu différent. Dans son contenu, c’est un discours tout à fait banal, n’étant qu’une copie des discours habituels de la droite israélienne, comme ceux prononcés des dizaines de fois par Begin ou Sharon. Or, Netanyahu a tenu à lui faire la propagande propre aux discours historiques. Et ce, après l’influence hors pair causée par le discours de Barack Obama, qui ne peut être décrit que d’historique. Le discours de Netanyahu a été favorablement accueilli par un large secteur de l’opinion publique en Israël. Malgré le mécontentement ressenti par Netanyahu et son équipe envers le contenu du discours d’Obama, concernant la création de deux Etats avec deux capitales à Jérusalem pour chacun d’eux, ils se sont mis d’accord sur le fait d’accueillir favorablement le discours. En effet, il n’est ni correct ni dans l’intérêt d’Israël de commenter négativement le discours.
Avec la poursuite des efforts américains visant la reprise des négociations de paix, Netanyahu avait annoncé qu’il allait prononcer un discours visant à exposer sa vision du processus de paix. C’est ainsi que tout au long de 10 jours, les médias israéliens n’ont fait qu’aborder les nouvelles du discours, comme : « Netanyahu a achevé le brouillon du discours », « Netanyahu a eu recours à plus de 30 conseillers pour écrire son discours », etc. Puis Netanyahu a pris la décision de prononcer son discours à partir du centre Begin-Sadate au sein de l’Université de Bar-Illan à Tel-Aviv. Cette décision a alors suscité beaucoup de réactions et d’interrogations autour des motifs du choix de cet endroit en particulier. Est-ce parce qu’Obama a prononcé son discours à partir de l’Université du Caire ? Ou bien parce que c’est dans ce centre qu’à été signé le premier accord de paix arabo-israélien ? Ou bien parce que l’assassin de Rabin était étudiant dans cette faculté religieuse ?
Bref, après 10 jours de travail acharné, le discours ne peut être qualifié de moins que normal. Formellement, le discours a été prononcé dans une salle très banale incomparable avec la grande salle des réceptions de l’Université du Caire. Et l’audience n’a pas du tout atteint le niveau de celle présente lors du discours d’Obama. Quant au contenu du discours, il concernait essentiellement la grande terre d’Israël, y compris la Cisjordanie (ou Judée et Samarie, comme dit la Torah), pas de retour des réfugiés, pas de redivision de la ville de Jérusalem et pas d’arrêt de construction des colonies. Et ce en plus d’une longue liste de conditions imposées aux Palestiniens qui doivent reconnaître Israël comme Etat juif ou Etat du peuple juif, et celui qui veut la paix parmi les Palestiniens doit avant tout anéantir définitivement le mouvement Hamas. Selon le discours, Israël octroiera aux Palestiniens un Etat sans les constituants de la souveraineté, ce sera un Etat formé d’une province, d’un peuple et d’un gouvernement, et la province est une partie de la terre d’Israël à laquelle il renoncera. Quant au peuple, il sera présent sur cette terre, mais la souveraineté, elle, sera pratiquée par Israël afin de contrôler les frontières terrestres, maritimes et aériennes. L’Etat palestinien n’a le droit ni de former des forces armées ni de conclure des accords et des traités avec les pays voisins. Qu’est-ce qu’il y a de nouveau dans ce discours ? Parler d’un Etat palestinien ? Ce n’est pas la première fois puisque Sharon en avait déjà parlé. De plus que les conditions et les restrictions de la souveraineté ne sont pas nouvelles, puisqu’elles avaient déjà été citées par Begin lors des négociations de Camp David, puis Shamir en avait amplement parlé et Sharon les avait explicitées.
Il est évident qu’il y a du nouveau. Premièrement, Netanyahu ressent qu’il est bloqué par les Etats-Unis et l’UE, son discours est donc un discours politique prononcé sous pression. Deuxièmement, le discours d’Obama et les efforts et négociations effectués par son émissaire dans la région ont beaucoup inquiété le gouvernement de Netanyahu. En effet, au cours de la dernière tournée de Mitchell dans la région, il a été question des moindres détails et tous les points cités dans le discours d’Obama ont été discutés. Y compris l’arrêt de construction des colonies tout au long de l’année courante et la levée du blocus imposé à la bande de Gaza. En outre, le fait nouveau dans le discours de Netanyahu sera révélé au cours des jours à venir en ce qui concerne la formation de la coalition gouvernementale. C’est de là que se justifie l’accueil favorable du discours de la part de la Maison Blanche. Il semble clair que Netanyahu a besoin d’un tel soutien pour passer à la phase d’exécution de la vision du président américain. Cette vision qui entend aboutir à un Etat palestinien dont la capitale est Jérusalem-Est. Quant aux restrictions concernant le droit de retour et l’armement du nouvel Etat ainsi que ses frontières, elles peuvent être négociées.
Si Begin a été atteint de dépression après la signature de l’accord de paix avec l’Egypte et le retrait du Sinaï, Netanyahu a lui aussi déjà été atteint de dépression avant même de conclure quoi que ce soit, parce qu’il est parfaitement conscient du prix qu’il doit payer pour effectuer un règlement politique considéré par l’Administration américaine comme un intérêt national.