« Ils se sont mis d’accord sur leur désaccord », ironise la presse israélienne au lendemain de la première rencontre entre Barack Obama et Benyamin Netanyahou, que l’ensemble des journaux analysent comme une persistance des divergences, malgré les sourires d’usage [1].
Pour le jeune président américain, c’était « l’occasion de réaffirmer la volonté des Etats-Unis de voir stoppée la colonisation israélienne et d’aboutir à la création d’un Etat palestinien, écrit le Journal du dimanche. Le premier ministre israélien a préféré réitérer la reconnaissance du caractère juif d’Israël comme condition préalable à toute avancée du processus de paix ». D’où ce « dialogue de sourds », que l’hebdomadaire français prend néanmoins très au sérieux en précisant qu’« en raison de dérapages intolérables suscités par ce sujet, la rédaction du Jdd.fr a décidé de fermer cet article aux commentaires ».
En refusant de lier la problématique palestinienne à la politique vis-à-vis de Téhéran, Obama, « aux frappes chirurgicales, préfère, pour éviter que l’Iran ne se dote de la bombe, l’amener à la table de négociations en l’isolant de ses alliés palestiniens et libanais… et en faisant avancer la « solution à deux Etats », analyse Jean-Marcel Bouguereau sur son blog du Nouvel Obs : « Pour l’instant, chacun a réaffirmé des positions visiblement irréconciliables. Tout en effet les oppose. […] « Bibi » Netanyahou, lui, n’arrive même pas à prononcer le mot d’Etat palestinien, comme si ça lui tordait la bouche. Le ministre des Affaires étrangères, […] Avigdor Lieberman, est allé plus loin en qualifiant de « slogan vide » la formule « deux Etats pour deux peuples ». »
Pas sûr, donc, que le premier ministre israélien ait réussi son « examen de passage », alors que pour l’opinion publique de l’Etat hébreu, « l’enjeu est vital », analyse Le Monde : « Tous les journaux rappellent le contact désastreux qui avait eu lieu en 1996 entre Bill Clinton et Benyamin Netanyahou, vainqueur de Shimon Peres lors des élections qui avaient suivi l’assassinat d’Yitzhak Rabin en novembre 1995. Joe Lockhart, porte-parole de la Maison-Blanche à l’époque, avait décrit a posteriori le nouveau premier ministre israélien comme « l’un des personnages les plus odieux qu’il [lui avait] été donné de rencontrer, doublé d’un menteur et d’un tricheur. »
Mais treize ans plus tard, « Bibi » aurait changé, selon le quotidien français. Pas au point de le convaincre, cependant, écrit Libération, « qu’une approche globale lui apportera le soutien des pays arabes sunnites, comme l’Arabie saoudite ou les Emirats arabes unis qui se méfient des ambitions hégémoniques iraniennes dans la région et veulent aussi mettre un terme au programme nucléaire de Téhéran. Or pour Israël, se sentant menacé dans son « existence », le démantèlement du programme nucléaire iranien est une priorité ».
« Nous n’allons pas discuter éternellement », aurait dit Barack Obama à son interlocuteur, selon la correspondante à Jérusalem du New York Times, ajoutant que les parties ne devaient pas « créer une situation dans laquelle les discussions deviennent une excuse pour l’inaction ». D’ailleurs, Aaron David Miller, l’ex- négociateur américain au Proche-Orient sous six secrétaires d’Etat dont James Baker, Madeleine Albright et Colin Powell, a usé d’une formule choc, selon le quotidien : « Le président « Yes We Can » s’est assis aux côtés du premier ministre « No You Won’t » [« Non, vous ne le pourrez pas »].
Et dans la presse israélienne ? Le Yediot Aharonot (à droite), publie un éditorial intitulé « Ils se sont mis d’accord sur leur désaccord », estimant qu’après avoir entendu Obama lui expliquer les desiderata de son administration, Netanyahou « pourra peut-être tenter de contourner la nouvelle position américaine mais pas la tendance générale ». Pour Kol Israel, le service public radiophonique, « Barack Obama n’a pas de sentiment particulier envers Israël [sous-entendu : contrairement à George Bush]et il souhaite de meilleures relations avec le monde arabe. Il n’est pas hostile à Israël, mais il a une vision stratégique globale incluant un rééquilibrage des relations entre les Etats-Unis et le monde musulman. Netanyahou et son entourage l’ont bien compris, qui devront s’en accommoder même si cela ne leur plaît guère. »
Enfin, le Maariv (à droite) constate que « Netanyahou a fait un geste envers Obama en parlant de deux peuples vivant en paix », mais qu’il a refusé de parler de « deux Etats ». Subtile nuance. C’est sa méthode, mais « il n’est pas sûr qu’elle fonctionne auprès des Américains ». Et de poursuivre : « Qu’est-ce qui différencie Netanyahou d’Ehoud Olmert, de Tzipi Livni, d’Ariel Sharon et d’Ehoud Barak ? Ils ont tous évoqué l’Etat palestinien mais ils n’ont rien fait pour le créer, ce qui ne les a pas empêchés de bénéficier du soutien de la communauté internationale. Netanyahou, lui, ne parle pas de cet Etat, ce qui explique pourquoi il s’en prend plein la figure… »