Des organisations israéliennes des droits de l’Homme et Mahmoud Abbas, président de l’Autorité palestinienne, ont condamné la décision prise par Israël d’expulser de Jérusalem-Est quatre dirigeants politiques palestiniens élus, d’ici la fin de cette semaine.
Le gouvernement israélien a révoqué leur droit de résidence à Jérusalem-Est il y a quelques semaines, prétendant qu’ils avaient commis un « abus de confiance » en devenant membre d’un « parlement étranger », référence au Conseil législatif palestinien.
Les quatre hommes appartiennent au Hamas et ont été arrêtés quelques mois après avoir participé aux élections nationales palestiniennes de janvier 2006. Ils sont restés en prison jusqu’à récemment comme « atouts dans les négociations » pour la libération du soldat israélien, Gilad Shalit, retenu prisonnier par le Hamas.
Selon des observateurs, la décision d’Israël reflète sa colère devant la place grandissante que prend le Hamas dans les sympathies politiques des 260 000 Palestiniens de Jérusalem, et elle vise à creuser davantage une séparation physique qu’Israël impose entre Jérusalem-Est et la Cisjordanie limitrophe.
Israël n’a pas indiqué vers quel lieu les trois députés et l’ancien ministre palestiniens seront expulsés. La perte de résidence place effectivement les responsables politiques dans une situation d’apatride, et cela en violation du droit international, selon les avocats des droits de l’homme.
Hassan Jabareen, directeur du centre juridique pour la minorité arabe en Israël, Adalah, dit qu’il s’agit d’un « précédent très dangereux ». « C’est la première fois que des Palestiniens de Jérusalem-Est voient leur droit de résidence retirer pour raison de « déloyauté », motif qui pourrait servir à expulser beaucoup d’autres habitants qu’Israël n’aime pas voir à Jérusalem.
« C’est une caractéristique des mesures draconiennes que prennent les régimes sinistres et totalitaires, » dit-il.
Les élections de janvier 2006 au Conseil législatif palestinien, où le Hamas a gagné une majorité des sièges contre son rival, le Fatah, étaient les premières élections nationales auxquelles participait le parti islamique.
Les dirigeants politiques de Jérusalem avaient été autorisés à se présenter mais seulement après que la communauté internationale ait insisté auprès d’Israël pour qu’il respecte les dispositions des accords d’Oslo.
Contrairement aux territoires palestiniens occupés de Cisjordanie et de Gaza, Jérusalem-Est a été annexée à Israël après la guerre de 1967 et ses habitants palestiniens ont reçu le statut de « résidents permanents ». Israël a violé le droit international en construisant d’immenses colonies dans tout Jérusalem-Est, où sont installés aujourd’hui jusqu’à 200 000 juifs.
Après les élections de 2006, le gouvernement de Ehud Olmert a répondu au succès du Hamas à Jérusalem-Est en lançant des procédures de retrait du droit de résidence à trois députés du CLP palestinien : Mohammed Abu Tir, Ahmed Attoun et Mohammed Totah ; et à Khaled Abu Arafeh, qui avait été nommé ministre pour les Affaires de Jérusalem par l’Autorité palestinienne.
Avant que les révocations puissent prendre effet cependant, Israël les avait arrêtés il y a quatre ans, ainsi qu’une dizaine d’autres parlementaires du Hamas, en représailles à la capture du sergent Shalit.
Depuis leur récente libération, les quatre dirigeants se sont vu confisquer leur carte d’identité et sommer de quitter la ville sous un mois.
Mr Abu Tir, 60 ans, était censé partir le 19 juin mais il avait jusqu’ici échappé à l’expulsion. « Je ne quitte pas volontiers l’endroit où ma famille vit depuis plus de 500 ans » déclarait-il la semaine dernière.
La date limite pour les trois autres expire samedi 3 juillet.
De façon très inhabituelle, la situation difficile des dirigeants Hamas a recueilli le soutien de Mr Abbas, lequel dirige aussi le Fatah et a cherché à faire tomber le pouvoir du Hamas dans la bande de Gaza.
Qualifiant ces expulsions de « plus gros obstacles placés sur le chemin de la paix », Mr Abbas a promis de faire pression sur les Etats-Unis pour faire infirmer la décision d’Israël.
Lors d’une rencontre avec trois de ces dirigeants Hamas la semaine dernière, il a déclaré : « Nous ne pouvons pas rester les bras croisés pendant que des gens se font expulser de leur patrie, ce que nous considérons comme un crime ». Mr Abbas aurait manifesté la crainte qu’Israël veuille ainsi créer un précédent pour pouvoir expulser des milliers de Palestiniens de leur ville.
Hatem Abdel Kader, ministre Fatah actuel des Affaires de Jérusalem, a été prévenu ce mois-ci par le Shin Bet, la police secrète d’Israël, que son droit de résidence lui serait retiré s’il continuait ses activités politiques dans la ville.
Selon Yigal Palmor, porte-parole du ministère des Affaires étrangères israélien, Israël allait rendre public un « avertissement très clair au Hamas et à tous ceux qui encouragent le terrorisme », qu’ils auront à faire face à un violent « retour de bâton ».
Les avocats des quatre responsables Hamas avaient déposé un recours devant la Cour suprême israélienne ce mois-ci pour bloquer les expulsions jusqu’à ce qu’ils puissent être entendus au fond sur le droit de résidence de ces hommes. La semaine dernière cependant, la Cour a refusé de suspendre ce qu’elle appelle les « déportations », arguant qu’elle allait rendre une décision à une date ultérieure.
Mr Jabareen, dont l’organisation Adalah apporte son soutien juridique aux dirigeants Hamas, se dit « surpris » par la position de la Cour, car dans des cas précédents d’expulsions, une injonction avait été rendue avant que les expulsions ne soient effectives.
Et d’ajouter : « En droit international, une puissance occupante ne peut exiger de loyauté de la part du peuple qu’elle occupe. Les Palestiniens de Jérusalem-Est sont, en droit, des "personnes occupées" et ils ne peuvent être expulsés. »
Israël fonde sa décision sur la loi de 1952 relative à l’Entrée en Israël, loi qui définit le processus de naturalisation des non juifs. Elle permet au ministère de l’Intérieur de retirer la citoyenneté et le droit de résidence dans certains cas.
« L’objectif de cette loi est de superviser l’entrée des étrangers en Israël, » dit Mr Jabareen. « Mais les Palestiniens de Jérusalem-Est ne sont pas entrés en Israël, c’est Israël qui est entré dans Jérusalem-Est en l’occupant en 1967. »
La révocation du droit de résidence de ces dirigeants politiques intervient dans la foulée après une augmentation rapide du nombre de Palestiniens à être dépouillés du droit de résidence à Jérusalem pour d’autres motifs, généralement parce qu’Israël prétend que la ville n’est plus au « centre de leur vie », spécialement dans le cas de résidents partis étudier ou travailler à l’étranger.
En 2008, plus de 4 500 Palestiniens ont perdu leur droit de résider à Jérusalem, d’après les chiffres du ministère de l’intérieur israélien. Leur nombre n’a pas cessé d’augmenter depuis 1995 où 91 Palestiniens avaient été privés de ce droit. Selon Israël, au total ce sont 13 000 Palestiniens qui ont eu leur droit de résidence retiré depuis 1967.
La perte de ce droit est considérée par les Palestiniens comme rentrant dans une stratégie plus vaste d’Israël visant à affaiblir leur emprise sur Jérusalem-Est et ses lieux saints.
Israël a construit des portions de son mur de séparation à travers les quartiers palestiniens de Jérusalem, coupant quelque 60 000 habitants palestiniens de leur ville.
Il a également fermé toutes les institutions politiques palestiniennes de Jérusalem affiliées à des mouvements nationaux palestiniens, et interdit toute initiative – dont un festival de littérature l’année dernière – car il prétend qu’elles sont financées par l’argent de l’Autorité palestinienne.
La semaine dernière, la police a imposé la fermeture du bureau politique du Hamas près de la Vieille Ville. Yuval Diskin, directeur du Shin Bet, avait auparavant accusé le Hamas de tenter d’acquérir une propriété dans Jérusalem.
Début 2006, peu avant leur arrestation, Mrs Abu Tir et Abu Arafeh avaient révélé avoir établi une liaison diplomatique avec plusieurs rabbins israéliens éminents pour négocier la libération du sergent Shalit, et les termes d’un possible accord de paix. Les discussions avaient été mises en échec par leur arrestation.
Dans une même démarche, les officiels israéliens ont également menacé de retirer la citoyenneté de dirigeants palestiniens d’Israël, notamment de Haneen Zoubi, la députée israélienne à la Knesset qui était à bord d’un navire de la flottille humanitaire pour Gaza, le mois dernier, que les commandos israéliens ont pris d’assaut, tuant neuf passagers.