La Cisjordanie brûle
Mais [à la mi-septembre] où se trouvait Mahmoud Abbas [le président de l’OLP et de l’Autorité palestinienne (AP)] ? En Inde, en visite officielle. La distance entre New Delhi et Ramallah est le symbole cruel de la relation aliénée entre le président de l’OLP – cette organisation qui se voit comme “le représentant unique et légal du peuple palestinien” – et ce peuple qu’elle prétend représenter.Autre résumé troublant de cette aliénation : face à la Mouqataa [le complexe présidentiel] étincelante s’étend une petite pelouse élégante. En son centre, une fontaine. La fontaine ne fonctionne plus depuis belle lurette. Mais, jour après jour, un petit gicleur veille à l’entretien de la pelouse, alors que, chaque été, à cause des quotas imposés par Israël sur la consommation d’eau potable, des centaines de milliers de Palestiniens subissent des pénuries d’eau.Parmi les proches de Mahmoud Abbas, certains lui ont sans doute conseillé de partir en voyage l’esprit serein. Après tout, la Cisjordanie ne brûlait pas vraiment. Preuve que tout était sous contrôle, le discours officiel a d’abord soutenu chaleureusement les manifestations contre le coût de la vie, des manifestations qualifiées de “non politiques”. Entendez : elles ne menaçaient pas le pouvoir. Mais, après que la façade de l’hôtel de ville d’Hébron a été caillassée, que les accès des principaux camps de réfugiés ont vu se multiplier les incendies de pneus et qu’à Naplouse des manifestants ont envahi l’immeuble de la police, on n’a pas tardé à pointer du doigt des “éléments étrangers”. Or les Palestiniens de Cisjordanie parlent désormais de l’AP comme d’un pouvoir étranger. Ou d’une réoccupation.
Les inégalités se creusent
L’AP à peine installée [en septembre 1995], ses dirigeants se sont crus introduits dans la “cour des grands” des Etats souverains en s’enrichissant et en entretenant des lignées de hauts fonctionnaires. Tout cela sous les auspices d’un occupant israélien qui conditionnait l’octroi de permis [de voyage] à l’acceptation par l’AP d’un statut de sous-traitant en matière de sécurité. En 2006, l’AP et l’OLP subirent un sérieux revers en perdant les élections législatives, mais ne tirèrent aucune leçon de cet échec. Après avoir coopéré avec les Occidentaux pour évincer le Hamas, l’AP lança des réformes institutionnelles et fiscales avant tout destinées à s’assurer les bonnes grâces des Etats donateurs. Dans cette phase de “construction des institutions de l’Etat”, les inégalités se creusèrent davantage au sein de la société palestinienne. Néanmoins, une part non négligeable de la population cisjordanienne accorda un dernier crédit limité à l’AP, dans l’espoir que l’Occident forcerait Israël à respecter les résolutions de l’ONU en édifiant un Etat palestinien.
Les Palestiniens abandonnés
Mais l’Occident n’a pas fait pression sur Israël. Et, avec la crise économique mondiale, il n’est plus en mesure de compenser les pertes causées à l’économie palestinienne par la mainmise israélienne. Pourtant, l’AP s’accroche toujours à une ligne diplomatique qui n’a pas mis un terme à l’occupation israélienne, tandis qu’elle s’abstient d’élaborer des réformes économiques susceptibles de réduire les inégalités les plus criantes. La population palestinienne est abandonnée à elle-même face à une crise sans précédent et à des dirigeants dont les seuls engagements tenus ont été ceux pris envers les services de sécurité israéliens.