La troisième conférence de Bil’in sur la résistance populaire non violente s’est tenue dans le village de Bil’in près de Ramallah, en présence de nombreux responsables et de nombreux citoyens, y compris le Premier ministre Salam Fayyad, représentant du Président Abbas, des membres du Conseil exécutif de l’OLP, des membres du Conseil national palestinien et des représentants de nombreux partis politiques et groupes de la société civile.
Y participaient aussi des délégations internationales de militants pacifistes venus de France, d’Italie, d’Espagne, d’Allemagne, d’Angleterre, du Canada, de Grèce, de Suisse, des Etats-Unis et des Pays bas, en plus de militants de la paix israéliens.
Cette conférence coïncide avec le soixantième anniversaire de la Nakba et le quarantième anniversaire de l’occupation des Territoires palestiniens (la Naksa). Elle se tient alors que les violations israéliennes contre notre peuple s’intensifient. Israël continue à construire le mur d’Apartheid malgré l’opposition internationale et il poursuit la colonisation et la confiscation de la terre palestinienne, particulièrement à Jérusalem occupée, afin de la judaïser et de la couper de son arrière pays palestinien, en violation flagrante du droit international. Israël agit ainsi afin de créer de nouveaux faits sur le terrain et d’empêcher la résolution politique du conflit.
Dans le même temps, Israël poursuit sa politique de ghettoïsation des territoires palestiniens par le biais de barrages routiers, qui se montent actuellement à plus de 590, et de centaines de bouclages, de démolitions de maisons et d’ordres militaires de confiscation de terre, sans parler du blocus injuste imposé aux territoires palestiniens, particulièrement à la bande de Gaza, et des massacres qui accompagnent ces pratiques inhumaines. Tout cela se produit alors que l’on parle de solution politique imminente.
Devant cette réalité douloureuse, les Palestiniens n’ont d’autre option que de continuer à exprimer leur rejet de toutes les pratiques de l’occupation, en y opposant la résistance non violente active.
A l’ouverture de la conférence, nous avons commencé par un message d’accueil du comité organisateur qui pointait que, bien que le soutien des donateurs internationaux au peuple palestinien soit important, on doit lui opposer que l’investissement en Israël a augmenté, passant de 500 millions de dollars en 2002 à 37 milliards en 2007. Ceci en dépit du refus d’Israël de se conformer à l’avis de la Cour internationale de Justice de juillet 2004.
Le Premier ministre Salam Fayyad, représentant le Président Abbas, a souligné combien il est important de soutenir la lutte populaire en Palestine et de la faire connaître afin de faire face aux mesures israéliennes continues contre le peuple palestinien. Fayyad a appelé Israël à accepter un règlement politique juste basé sur la légitimité et le droit internationaux, dans un cadre de paix qui garantisse la stabilité et la sécurité pour les deux peuples dans deux Etats voisins sur les frontières de 1967. Le Premier ministre a également déclaré que la colonisation et la création de faits sur le terrain n’apporteront pas la sécurité à Israël. Il a salué la résistance des comités populaires dans l’ensemble des territoires palestiniens.
Rafiq al-Husseini, Chef de cabinet du Président Abbas, a souligné l’ importance de la lutte populaire et l’émergence de nouvelles façons de résister à l’occupation, affirmant que le chemin de la libération de Jérusalem, de la destruction du mur, du démantèlement des colonies, de la libération des prisonniers palestiniens des geôles israéliennes et de l’obtention des droits du peuple palestinien, passera par Bil’in.
Louisa Morgantini, vice-présidente du Parlement européen, a déclaré que le parlement devait s’attacher à mettre fin à l’occupation et à lever le blocus, comme à relancer les accords signés entre les deux parties. Elle a souligné qu’il est important de se conformer aux résolutions internationales, notamment celles qui s’appliquent à Jérusalem comme capitale pour les deux peuples. Elle a également parlé de la situation tragique de Gaza et exigé la fin du siège.
Mairead Maguire, militante irlandaise, prix Nobel, a accusé Israël de dénier aux Palestiniens leurs droits élémentaires et affirmé que la politique israélienne menait à la perpétuation d’un Etat basé sur le racisme et à la création de faits sur le terrain.
L’ancien président des Etats-Unis, Jimmy Carter, a adressé une lettre aux participants, où il déclarait :"vous prouvez qu’on ne peut détruire le rêve palestinien dans le silence."
Carter a affirmé que la poursuite de la politique israélienne de confiscation de terre est l’un des obstacles principaux sur le chemin de la paix.
Nasser Al Qudwa, président de l’Institut Yasser Arafat, a déclaré q’il ne peut y avoir de paix sous un gouvernement d’occupation qui construit des colonies.
La conférence a reçu un message vidéo de soutien de l’ancien directeur général de l’UNESCO, Federico Mayor Zaragoza. Les Israéliens et les militants de la solidarité internationale ont aussi apporté des contributions. Tous les partis nationaux palestiniens qui participaient à la conférence ont insisté sur l’importance de la résistance populaire et sur son efficacité stratégique, comme pendant la première Intifada.
Les discours ont montré l’expérience récente de Bil’in en exemple de résistance populaire non violente de façons diverses, y compris son aspect populaire et légal. La conférence n’était pas limitée à Bil’in, mais étendue à d’autres lieux en Palestine.
La Conférence est tombée d’accord sur les points suivants :
Au niveau palestinien :
1. L’unité nationale palestinienne est essentielle pour établir un Etat palestinien.
2. Appeler les institutions palestiniennes, de la présidence et du gouvernement, à s’engager à travailler sérieusement afin de mettre en oeuvre l’avis de la CIJ contre le mur d’apartheid et la résolution de l’Assemblée générale des Nations unies qui a suivi.
3. Appeler tous les organismes palestiniens à soutenir la résistance populaire non violente et à affirmer des positions politiques fermes contre la construction du mur, les colonies et la judaïsation de Jérusalem.
4. Appeler tous les groupes nationaux à mettre la résistance populaire non violente en tête de leurs programmes respectifs, en commençant par le boycott pour arriver à leur pleine participation à l’action directe.
5. Continuer à soutenir la lutte populaire des Palestiniens comme l’un des principaux outils stratégiques, basé sur une expérience réussie de résistance au mur et sur l’héritage de la lutte palestinienne, y compris la première Intifada.
Au niveau israélien :
1. Renforcer les relations avec les mouvements pacifistes israéliens qui prennent part à notre combat contre le système d’occupation.
2. Rejeter toute forme de normalisation avec l’occupation, ses institutions et son personnel.
Au niveau international :
1. Renforcer les relations avec les militants de la solidarité internationale et mobiliser davantage de militants pour la paix et la justice afin de soutenir la cause palestinienne.
2. Appeler les organisations, syndicats, associations et groupes de la société civile et les militants internationaux de la paix à faire ce qui suit :
– a. Promouvoir le discours palestinien afin de contrer la propagande israélienne
– b. Promouvoir le boycott, le désinvestissement et les sanctions ; demander à tous les mouvements, organismes et associations de solidarité internationale de faire campagne pour un boycott qui comporte le retrait des investissements d’Israël de même que l’application de sanctions économiques, en particulier l’Accord d’Association commercial entre l’UE et Israël
– c. Faire pression sur les organisations internationales officielles, particulièrement les gouvernements européens, l’Union européenne, le Japon et les Etats-unis, afin qu’ils repoussent les demandes d’Israël qui souhaite de meilleures relations avec eux, tant qu’Israël ne se conformera pas à ses obligations internationales légales, dont la Quatrième Convention de Genève, et ne cessera pas ses violations contre le peuple palestinien.
Bil’in, 6 juin 2008