C’est un rapport resté jusque-là confidentiel. Il émane des chefs de mission de l’Union européenne à Jérusalem et est sans concession quant à la politique menée par Israël à Jérusalem-Est et, plus largement les conséquences pour la stabilité de la région. On peut ainsi lire dans ce document daté du 15 décembre 2008 (quelques jours donc avant l’offensive meurtrière sur la bande de Gaza) qu’Israël a accéléré ses plans concernant Jérusalem-Est. « Les actions d’Israël dans et autour de Jérusalem constituent un des défis les plus sérieux pour le processus de paix », est-il noté. Tout en reconnaissant les préoccupations légitimes d’Israël pour sa sécurité, les diplomates européens soulignent que « beaucoup de ses activités illégales en cours dans et autour de la ville ont des justifications sécuritaires limitées ».
un dur impact humanitaire
Toujours selon ce document, les démolitions sont « illégales au regard du droit international, n’ont aucune justification évidente, ont un dur impact humanitaire et renforcent l’amertume et l’extrémisme ». Si les Palestiniens représentent 34 % de la population totale de Jérusalem (un chiffre qui va en diminuant, Israël cherchant ainsi à délégitimer la revendication palestinienne sur Jérusalem-Est capitale de leur État), la municipalité n’alloue que 5 à 10 % de son budget pour les services à ces mêmes Palestiniens. Il s’agit tout simplement de « poursuivre activement l’annexion illégale » de Jérusalem-Est. Le rapport enfonce un peu plus le clou : « La politique israélienne quotidienne du fait accompli sur le terrain, incluant les nouvelles colonies, la construction du mur, les politiques de discrimination de constructions de maisons, les démolitions d’habitations, le régime de permis restrictif et la fermeture continue des institutions palestiniennes dans la ville, entrave le développement urbain palestinien et sépare Jérusalem-Est du reste de la Cisjordanie. »
Un rapport évidemment salutaire, établi par des diplomates chevronnés qui se sentent liés au droit international mais aussi aux différentes déclarations et autres prises de positions de l’Union européenne. Ils rappellent ainsi que « la politique de l’UE concernant Jérusalem est basée sur les principes de la résolution 242 de l’ONU », qu’elle n’a jamais reconnu l’annexion de Jérusalem en 1967 pas plus que la loi israélienne faisant de la ville la capitale « une et indivisible » d’Israël, et que la convention de Genève dénie le droit à une force occupante d’étendre sa juridiction aux territoires occupés (ce qui montre que la condamnation du Franco-Palestinien Salah Hamouri est totalement illégale aux yeux de l’UE et donc de la France).
ne pas gêner Israël
Les craintes existent pourtant que ce rapport ne soit pas officialisé. Cela avait déjà été le cas en novembre 2005. Les ministres des Affaires étrangères de l’UE en avaient décidé ainsi, pour ne pas gêner Israël ! Pourtant l’Union européenne, totalement impliquée, en tout cas sur le papier, dans la résolution du conflit israélo-palestinien, a des responsabilités politiques, économiques mais aussi morales vis-à-vis du Proche-Orient. Sans remonter jusqu’aux accords Sykes-Picot de 1916, qui avalisaient le dépeçage de l’Empire ottoman par la France et la Grande-Bretagne, rappelons que l’UE est membre du quartet (avec les États-Unis, la Russie et l’ONU) parrain de la feuille de route établissant des clauses à respecter par chacune des parties. L’une d’elles concerne justement la colonisation de la Cisjordanie et Jérusalem-Est. Pourtant l’UE ne fait rien. Le Parlement européen avait demandé le report du rehaussement des relations Israël-UE en s’appuyant sur le non-respect des droits de l’homme (offensive à Gaza de décembre-janvier). Mais les ministres des Affaires étrangères ont, une fois de plus, décidé du contraire alors qu’après la victoire du Hamas aux élections palestiniennes l’UE avait immédiatement puni les Palestiniens.
Le rôle de l’Union européenne pourrait, pourtant, être décisif. Premier bailleur de fonds de l’Autorité palestinienne, principal partenaire commercial d’Israël avec un accord d’association particulièrement avantageux pour ce dernier, l’Europe a les capacités d’influer directement sur le processus de paix. Comme le souligne Patrick Le Hyaric, tête de la liste du Front de gauche en Île-de-France pour les prochaines élections européennes, « l’article 2 de l’accord d’association précise que celui-ci est caduc dès lors qu’il y a atteinte aux droits de l’homme. Si l’UE est logique avec ses propres règles, elle romprait momentanément l’accord afin de faire pression ». Encore faut-il avoir une volonté politique réelle et originale, indépendante de la stratégie américaine, ne craignant pas de dénoncer les atteintes au droit international comme aux droits de l’homme.
La France, jusque-là, avait su faire entendre une autre voix. Avec Nicolas Sarkozy, qui se veut européen jusqu’au bout des ongles, c’est plutôt l’hymne de l’OTAN qui retentit avec à la baguette le Pentagone. Il ne s’agit plus alors que d’intérêts stratégiques et commerciaux. Rien à voir avec l’avenir harmonieux de deux peuples. « Cette politique israélienne remet en cause l’existence même d’un État palestinien en séparant Jérusalem-Est de la Cisjordanie », dénonce Le Hyaric. « C’est pourquoi il convient de changer la majorité du Parlement européen et de renforcer le pôle du Front de gauche. Car c’est la garantie d’un engagement sans discontinuer pour le respect de la parole de l’UE. »