L’affrontement avec l’armée a été évité. Les 40 familles juives résidant dans l’avant-poste d’Amona, en Cisjordanie, ont fini par accepter, dimanche 18 décembre, une ultime proposition très généreuse du gouvernement pour être relogés. A une semaine de la date butoir à laquelle la colonie sauvage – illégale, même au regard du droit israélien – devait être évacuée, la crainte de violences lors du démantèlement d’Amona a conduit Benyamin Nétanyahou à des efforts extravagants, pour ne pas s’aliéner la base nationale religieuse.
La tension était montée de plusieurs crans ces derniers jours, tandis que des centaines de jeunes avaient afflué sur la colline, située au-dessus de la colonie d’Ofra, pour veiller sur les maisons mobiles. Vendredi, dans un message vidéo posté sur sa page Facebook, M. Nétanyahou s’était adressé aux familles de l’avant-poste, et plus largement aux quelque 380 000 colons juifs vivant en Cisjordanie. « Chers résidents d’Amona, mon cœur est avec vous », avait-il déclaré. M. Nétanyahou a voulu rappeler les efforts consentis pour aboutir à une issue non violente. « Nous avons consacré des jours et des nuits à cela, des dizaines de discussions, nous avons imaginé des solutions créatives, non conventionnelles, mais hélas ces suggestions n’ont pas été acceptées », avait-il reconnu à ce moment-là.
Tractations de la dernière chance
Le premier compromis qui avait été négocié au sein du gouvernement, puis avec le procureur général Avichai Mandelblit, consistait à déplacer les maisons mobiles sur quatre autres lots de terrains, considérés comme abandonnés, situés non loin du périmètre actuel d’Amona, pour une durée de deux ans. Lors de cette période, les autorités s’engageaient à trouver une solution définitive, en créant une nouvelle colonie. Mais après de longs palabres, les habitants ont refusé de croire à ces promesses. Des s de la dernière chance ont donc eu lieu.
Dimanche, les habitants de l’avant-poste se sont réunis pour étudier la nouvelle offre des autorités, et l’accepter au cours d’un vote : ce ne sont plus 12, mais 24 familles qui seront juste déplacées de quelques dizaines de mètres. Pendant ce temps, en ouverture du conseil des ministres, Benyamin Nétanyahou clamait son « amour » des colonies, qui justifiait tous les efforts entrepris. Il estimait qu’il avait « fait le maximum », avec Naftali Bennett, le leader du parti extrémiste le Foyer juif, pour trouver une solution. Mais le feuilleton est loin de sa conclusion, sur le plan judiciaire.
La Haute cour de justice doit se prononcer sur un délai supplémentaire d’un mois, au-delà de la date butoir du 25 décembre, nécessaire pour organiser le déménagement. Or selon l’ONG Yesh Din, qui assiste les familles palestiniennes dépossédées à Amona, la solution trouvée est « illégale, immorale et déraisonnable » car l’un des lots retenus pour accueillir les familles a un propriétaire privé palestinien.
Dans son message aux colons, M. Nétanyahou a promis que de nombreuses constructions arabes illégales en Israël seraient massivement détruites dans les prochains jours. Le premier ministre voulait éviter tout affrontement entre les jeunes colons et l’armée pour des raisons sécuritaires et politiques. Un précédent a motivé tous ses efforts. Le 1er février 2006, des violences spectaculaires ont émaillé une intervention militaire et policière dans ce même avant-poste d’Amona, en vue de la destruction de neuf maisons. Près de 200 personnes, dont plusieurs députés venus en soutien, avaient été blessées.
Des avant-postes aux colonies
Cet épisode marqua tellement les esprits, six mois après l’évacuation de 8 000 colons de la bande de Gaza, qu’aucune autre opération de cette envergure ne fut conduite pas la suite. Pourtant, en 2005, dans un rapport commandé par le gouvernement d’Ariel Sharon, l’avocate Talia Sasson avait prôné l’éradication des avant-postes. M. Sharon avait promis de suivre la recommandation du rapport, mais n’en fit rien. Au contraire : depuis, près d’un tiers des avant-postes, sur la centaine qui existent, ont été légalisés ou sont en voie de l’être, reclassés comme simples quartiers excentrés de colonies existantes. Amona n’est qu’une micro-histoire à la résonance hors norme. Le tableau d’ensemble, lui, montre une avancée constante des idées de la droite nationale religieuse.
Celle-ci prône l’annexion pure et simple, à terme, de la zone C, qui représente 60 % de la Cisjordanie. L’étape intermédiaire est l’adoption éventuelle par la Knesset d’un projet de loi qui marquerait une rupture historique. En proposant de légaliser tous les avant-postes, la droite - avec le consentement silencieux de M. Nétanyahou – tente pour la première fois depuis 50 ans de légiférer au sujet des terres occupées. Or depuis 1967, ce sont les ordres militaires qui s’appliquent en Cisjordanie. Le projet de loi a déjà été adopté en première lecture. Son examen suivant est pour l’heure ajourné. Benyamin Nétanyahou tient à éviter ce choc tant que Barack Obama n’a pas quitté la Maison Blanche, pour ne pas l’encourager à une ultime initiative diplomatique inconfortable pour Israël.
Sur le chemin des députés se dresse la Haute cour de justice, qui n’a pourtant pas été un farouche adversaire de la colonisation. Mais ses magistrats considèrent qu’un pas grave serait franchi avec ce projet de loi, exposant même ses initiateurs à des poursuites internationales. Leur rejet de ce texte est presque une certitude, selon les experts. La question est d’autant plus cruciale et urgente que près de 2 000 habitations ou structures commerciales, bâties sur des terrains privés appartenant à des Palestiniens, seraient concernées par une démolition si les critères d’Amona étaient appliqués rigoureusement partout. A commencer par une dizaine de maisons dans la colonie voisine d’Ofra, dès janvier.