Pourtant ces deux jeunes gens ont deux points communs : ils possèdent la nationalité française et ils sont emprisonnés au Proche Orient.
Là s’arrête la comparaison.
En effet, Guilad Shalit, binational franco-israélien et soldat dans l’armée de l’État hébreux, a été capturé à Gaza par un groupe de la résistance palestinienne alors qu’il était en uniforme, qu’il portait des armes et qu’il était dans un véhicule blindé. Qualifié d’otage par les médias, il a immédiatement reçu le soutien total de la diplomatie française qui a engagé toutes les démarches possibles pour sa libération. Nicolas Sarkozy lui-même est monté au créneau. En juillet dernier, alors qu’il saluait la libération d’Ingrid Bétancourt, il a réaffirmé devant les caméras sa détermination à faire libérer « l’autre otage français, le soldat Gilad Shalit » et a reçu, peu après, la famille de celui-ci à l’Élysée.
Salah Hamouri, binational franco-palestinien de religion catholique et étudiant à Jérusalem, a été arrêté par la police israélienne, gardé trois ans en préventive puis condamné à sept années de prison. La diplomatie française a refusé de s’intéresser à son cas (Bernard Kouchner a, par exemple, déclaré à l’Assemblée nationale à un parlementaire qui l’interrogeait que sa libération n’était pas « nécessaire ») et Nicolas Sarkozy n’a pas daigné accorder une audience à sa mère ni répondre aux lettres angoissées qu’elle lui a adressées.
Une telle différence de traitement ne peut que choquer, comme ne peut que choquer le silence assourdissant des grands médias français sur le scandale de l’affaire Salah Hamouri.
De quel crime est coupable ce jeune homme ? Uniquement d’être un nationaliste palestinien, issu de la classe aisée (son père est restaurateur, sa mère enseignante), et de ne pas accepter l’occupation de sa patrie…
C’est la troisième fois que Salah Hamouri est emprisonné. La première fois il avait seize ans : il a passé quatre mois derrière les barreaux pour avoir collé des affiches politiques. Puis il a été arrêté une seconde fois, à dix-huit ans, sans savoir pourquoi. Il est alors resté en rétention administrative pendant cinq mois sans jamais être informé de la raison de son arrestation et de sa détention. Enfin, il a été arrêté il y a trois ans et demi.
Ce jour-là, le 13 mars 2005, il se rendait en voiture avec des amis à Ramallah. A un poste de contrôle où il présente ses papiers, il est arrêté sans aucune explication. Il est conduit aussitôt en prison.
Salah Hamouri ne sait pas pourquoi il est arrêté. Puis les accusations lui sont dévoilées. Trois mois exactement avant son arrestation, il est passé de nuit, en voiture, devant la maison sous surveillance électronique d’un rabbin particulièrement extrémiste dans sa haine des arabes, Yossef Ovadia. Pour ce seul fait, il est accusé de « complot » contre ledit rabbin. Cela, alors qu’il n’y a eu aucun acte d’aucune sorte de Salah Hamouri contre Yossef Ovadia et alors que sa maison a été fouillée de fond en comble et que rien n’a été trouvé qui pourrait alimenter une seconde cette thèse. En réalité, le franco-palestinien est soupçonné de « complot » uniquement parce qu’il est membre d’une association de jeunesse réputée proche du Front populaire pour la libération de la Palestine. L’accusation est la suivante : « puisque Salah est membre du FPLP (ce qui n’est pas le cas) il projetait forcément un complot contre le rabbin, s’il est passé en voiture devant sa maison c’était pour le préparer ». Telle était la charge qui était retenue contre lui, une charge qui lui a valu d’être condamné à sept ans de prison fermes.
Si l’on résume, Salah Hamouri est emprisonné pour avoir été soupçonné d’avoir eu l’intention non suivie d’effet de commettre un attentat ! Un fait illustre la partialité, dans cette affaire, de la justice israélienne : au moment même où Hamouri était condamné à ses sept années de bagne, des extrémistes juifs était arrêtés pour avoir projeté de faire exploser la Mosquée al-Aqsa à Jérusalem, ce qui aurait déclenché une véritable insurrection et une nouvelle intifada. Quarante-cinq jours plus tard, ils étaient relâchés sans procès et rentraient tranquillement chez eux…
Il n’est pas inutile de rappeler que Salah Hamouri n’est pas le seul Palestinien détenu en Israël et que, depuis 1967, plus de sept cent mille d’entre eux, soit l’équivalent de 25% de la population palestinienne, ont été emprisonnés. Actuellement, plus de dix mille hommes, femmes et enfants, croupissent dans les prisons de l’État hébreux, sans reconnaissance de leur statut de prisonnier d’opinion. Il s’agit de militants politiques, d’éducateurs, d’animateurs culturels, de personnes qui se sont opposées à l’annexion de leurs terres, etc.
Mais les défenseurs des droits de l’Homme peuvent dormir tranquille, chacun sait bien qu’Israël est « la seule démocratie au Proche-Orient » !