Je me demande si l’on ne pourrait pas peaufiner cette méthode. Par exemple : le dirigeant de chaque camp sélectionne seulement les membres de l’équipe adverse. Cela pourrait s’avérer intéressant.
Cependant une autre formule serait de faire sélectionner les membres des deux équipes par la mafia des paris. Cela maximiserait les profits dans la logique des forces du marché moderne.
SÉRIEUSEMENT, LA prétention de Nétanyahou d’avoir le droit d’intervenir dans la constitution du gouvernement palestinien est plutôt surprenante.
Tous les partis politiques palestiniens importants se sont mis d’accord sur une nouvelle coalition de gouvernement. Il s’agit d’une coalition négative : tous les partis sont d’accord pour qu’aucun de leurs membres ne soit au gouvernement. Le gouvernement est constitué de “techniciens” sans appartenance partisane. Je ne connais pratiquement aucun d’eux.
Nétanyahou devrait être heureux. Il ne comprend aucun membre de l’abominable Hamas, terroriste et antisémite.
Mais c’est alors que le cerveau fertile de Nétanyahou a inventé une nouvelle astuce. C’est vrai, il n’y a aucun membre du Hamas au gouvernement. Mais le gouvernement est soutenu par le Hamas.
Terrible ! Intolérable ! Si le Hamas “soutient” quelqu’un, ce doit sûrement être un kamikaze, un tueur de Juif, et, bien entendu, un antisémite (bien que lui-même sémite).
Donc : un tel gouvernement doit être boycotté, non seulement par Israël mais par l’ensemble du monde civilisé.
Si l’Europe, ou même les États-Unis, ne sont pas d’accord, eh bien, c’est bien la preuve qu’ils sont un ramassis de foutus antisémites, tous autant qu’ils sont !
UNE VIEILLE interrogation juive demande, à moitié en plaisantant à moitié sérieusement : “Est-ce que c’est bon pour les Juifs ?”
Qu’il s’agisse d’un tremblement de terre en Alaska ou d’une inondation en Chine, la question surgit invariablement. Bon ou mauvais ?
Un événement qui nous touche de bien plus près, comme la constitution d’un gouvernement palestinien d’unité, pose la question de façon bien plus immédiate.
Ce n’est pas une question nouvelle dans ce contexte. Déjà au début des années 1950 deux dirigeants importants en discutèrent.
David Ben-Gourion ne croyait pas à la paix. Il était convaincu que “les Arabes” ne nous accepteraient jamais dans la région. De son point de vue le conflit durerait pendant de nombreuses générations, sinon toujours.
S’il vous plaît, ne faites pas appel à des citations pour démontrer le contraire. Il y en a des tas. Les historiens les adorent. Mais les citations d’hommes d’État sont presque sans valeur. Elles sont tout au plus le reflet des besoins du moment pour atteindre un objectif provisoire.
Ce sont les actions qui comptent, et les actions de Ben-Gourion ne laissent aucune place au doute. À chaque étape il a pris ce qu’il pouvait prendre, dans l’attente d’une nouvelle occasion pour obtenir davantage. Aucune paix.
Comme il était convaincu que les Arabes, et en particulier les Palestiniens, resteraient nos ennemis pour toujours, la conclusion logique était de faire tout ce qui était possible pour les affaiblir. Et la meilleure façon était de créer chez eux une scission. Diviser pour régner.
Ben-Gourion a fait tout ce qui était possible pour diviser le monde arabe. Lorsque Gamal Abd-al-Nasser entra en scène avec son message panarabe, Ben-Gourion sabota ses efforts à chaque étape. Il aggrava le conflit par ses “attaques en représailles” derrière la frontière et, en 1956, il envahit l’Égypte avec la complicité des deux affreuses puissances coloniales, la France et la Grande-Bretagne.
Son adversaire intellectuel était Nahum Goldmann, alors président de l’Organisation Sioniste Mondiale. Lui croyait tout le contraire. Les Arabes, affirmait-il, ne nous reconnaîtrons que s’ils sont unis et se sentent forts. Par conséquent, toute division au sein du monde arabe était “mauvaise pour les Juifs”.
(Goldman, par ailleurs, voulait que nous nous tenions à l’écart de la Guerre Froide pour faire d’Israël “la Suisse du Moyen-Orient”.) À cet égard, il n’y a guère de différence entre Ben-Gourion et l’ensemble de ses successeurs. La différence entre Ben-Gourion et Nétanyahou est celle entre un petit géant et un grand nain.
Je n’ai pas besoin de dire que j’étais tout à fait dans la ligne de Goldman. Mon magazine a bien accueilli la révolution égyptienne de 1952, s’est opposé vigoureusement à la guerre du Sinaï et a apporté son soutien à la ligne panarabe.
LA QUESTION FONDAMENTALE était, bien sûr, de savoir si l’on voulait vraiment la paix. La paix était-elle “bonne pour les Juifs” ? Ben-Gourion ne le pensait évidemment pas. Goldman oui.
Quid de Yitzhak Rabin ?
Je crois que Rabin voulait réellement la paix. Mais il n’a jamais admis complètement l’idée qui est la base essentielle de la paix : un État palestinien à côté d’Israël. S’il avait eu la possibilité de suivre la voie qu’il avait empruntée, il y serait probablement arrivé, mais il a été abattu avant d’en avoir eu la possibilité.
Pourtant c’est Rabin qui a pris la décision fatale de diviser les Palestiniens. Les accords d’Oslo stipulaient sans équivoque que la Cisjordanie et la Bande de Gaza formaient une seule unité territoriale.
Pour le garantir, Israël s’engageait dans les accords à ouvrir quatre “passages sécurisés” entre les deux régions. Sur la route de Jéricho à Gaza, des panneaux en trois langues avaient été mis en place : “Vers Gaza”, etc. Pourtant aucun de ces passages ne fut jamais ouvert.
Aujourd’hui il est difficile de se souvenir que depuis le début de l’occupation, en 1967, jusqu’aux accords d’Oslo en 1993, on se déplaçait librement en Israël/Palestine. Les Palestiniens de Gaza et de Hébron pouvait se rendre librement à Haifa, les Israéliens pouvaient sans difficultés faire leurs courses alimentaires à Naplouse ou à Jéricho. Aussi incroyable que cela paraisse, ce sont les accords d’Oslo qui ont mis fin à ce paradis.
Après Oslo est venu le Mur de Séparation et toutes les autres mesures qui font de la Bande de Gaza et de la Cisjordanie des prisons à ciel ouvert. Le résultat inévitable fut la division.
IL Y A peu d’exemples dans l’histoire d’un État composé de deux territoires ou plus largement séparés. Le plus notable à notre époque fut le Pakistan.
Lors de la partition de l’Inde, de vastes régions musulmanes se trouvaient à l’ouest et à l’est de ce qui est devenu l’Inde. Cela n’a pas marché. Il n’a fallu qu’un petit nombre d’années pour que les Pakistanais Orientaux trouvent insupportable la domination des Pakistanais Occidentaux. Une haine réciproque se développa dans les têtes. Les Orientaux firent sécession avec l’aide de l’Inde pour constituer leur propre État nouveau, le Bangladesh.
Entre les deux régions pakistanaises il y avait une énorme distance avec tout le volume de l’Inde entre elles. Mais entre la Cisjordanie et la Bande de Gaza, la distance n’est que de quelques 40 (quarante) km.
Au début, il y eut quantité de pourparlers pour envisager la façon de couvrir cette distance. De façon tout à fait littérale. Ehoud Barak agita l’idée de construire un pont géant et courut le monde à la recherche d’un modèle. D’autres imaginèrent des autoroutes ou des voies de chemin de fer extraterritoriales. Rien n’a abouti.
Pendant ce temps ce qui devait arriver arriva. Des élections libres furent organisées dans les deux zones, supervisées par Jimmy Carter, et le Hamas l’emporta. Un gouvernement fut formé. Cédant à une énorme pression israélienne, l’Europe et les États-Unis le boycottèrent, et il s’effondra.
Le reste appartient à l’histoire. Une faction du Fatah à Gaza, menée par un collaborateur israélo-américain, tenta de faire un putsch à Gaza. Le Hamas réagit par un autre putsch (si tant est que l’on puisse faire un putsch après avoir gagné une élection) et il prit le pouvoir dans la bande de Gaza. Le Fatah prit le pouvoir en Cisjordanie. Les deux parties se calomniaient réciproquement à la plus grande satisfaction d’Israël et de ses soutiens.
Mais l’histoire a des voies mystérieuses qui lui sont propres. Après quelques duels à coup de canons et de roquettes, Israël attaqua la bande de Gaza et après beaucoup d’effusions de sang, l’Egypte entra en jeu et parvint à un accord (pas une “hudna” qui signifie un armistice, mais une “tahdiya” qui signifie tranquillité). Les deux parties étaient heureuses de travailler ensemble.
Le Hamas prit même des mesures concrètes pour arrêter les attaques des factions plus petites mais plus extrémistes de Gaza. Israël négocia aussi avec le Hamas le retour du soldat israélien Gilad Shalit.
Il semble même que des officiers de l’armée israélienne préfèrent traiter avec le combatif Hamas plutôt qu’avec le Fatah plus modéré, dont le chef, Mahmoud Abbas, s’était fait traiter par Ariel Sharon de “poulet plumé”.
LE PRÉSIDENT JOHNSON a dit un jour qu’il vaut mieux avoir son adversaire dans la tente à cracher au-dehors plutôt que de l’avoir dehors à cracher dans la tente.
L’inclusion est préférable à l’exclusion. Un Hamas assumant la responsabilité d’un Gouvernement d’Unité Palestinien est préférable à un Hamas qui le combattrait. Si vous voulez réellement faire la paix avec le peuple palestinien
IF…
SI…