Un militant mort, un enfant détenu, une maison démolie. Quoi de neuf encore ?
C’était un jour comme un autre lorsque des milliers de personnes ont participé aux funérailles de Haj Suleiman al-Hathaleen à Umm al-Kheir. Pour Israël, sa communauté est un "nulle part", une autre localité palestinienne à effacer et à remplacer, à étouffer lentement tandis que la colonie voisine - dont les maisons commencent littéralement là où les bidonvilles d’Umm al-Kheir finissent - prospère.
Haj Suleiman était un ardent défenseur de sa communauté. Il était un Palestinien, face à un régime qui travaillait sans relâche à rendre son peuple invisible. Il a été renversé par un camion au service de la police israélienne - la version officielle étant qu’il n’était pas visible par le conducteur. Ils l’ont laissé à son sort, sans lui fournir d’assistance médicale. Il a succombé à ses blessures après deux semaines de lutte entre la vie et la mort.
Pour ses parents, Amal Nakhleh est quelqu’un. Comme il est né prématurément, ils l’ont appelé Amal - espoir - dans l’espoir que leur fils survivrait. Il a survécu.
Pour Israël, Amal n’est qu’un Palestinien de plus, personne. Le fait qu’il ait eu 17 ans au moment de son arrestation et qu’il souffre d’une maladie auto-immune n’y change rien. Cela fait maintenant plus d’un an qu’il est placé en "détention administrative", terme utilisé par Israël pour décrire la routine kafkaïenne consistant à détenir indéfiniment quelqu’un - un inconnu - sans inculpation ni procès. La semaine même où Haj Suleiman a été enterré, Amal a eu 18 ans - alors qu’il était incarcéré. Quelques jours plus tôt, Israël a prolongé sa non-peine pour la quatrième fois.
Pendant des décennies, la famille Salhiye a vécu dans le quartier de Sheikh Jarrah à Jérusalem. Mais ce n’était pas la maison d’origine de la famille : en 1948, lors de la création d’Israël, la famille a été expulsée d’Ein Karem - aujourd’hui un quartier résidentiel artistique dans une autre partie de la ville.
La nuit suivant le jour où Haj Suliman a été enterré, dans un froid glacial, la police des frontières et un bulldozer sont arrivés et n’a pas fallu longtemps pour qu’Israël expulse - une fois de plus - la famille Salhiye de sa maison. Puis le bulldozer a fait son travail.
Ces fragments de vie - et de mort - palestinienne sont rejoints par de nombreux autres. Trois seulement, d’un seul jour. Tant d’autres se sont déroulés ce même jour, et la semaine précédente, et le mois précédant l’année avant la décennie. Et ainsi de suite.
Cette brutalité écrasante n’est pas nouvelle. Elle a un impact sur la vie de chaque Palestinien. La balle ou le bulldozer, le permis refusé ou la cellule de prison prolongée, l’humiliation et la déshumanisation. C’est l’apartheid. La surveillance israélienne de haute technologie mélangée à la violence de bas étage, centrée sur la suprématie juive, l’apartheid.
Bien sûr, Israël niera tout cela. Haj Suliman ? Un accident de voiture qui fait l’objet d’une enquête (cela fait quelques semaines ; le conducteur n’a pas encore été interrogé par la police ; quoi qu’il en soit, Israël blanchit systématiquement presque tous les cas de meurtres de Palestiniens par ses forces de sécurité).
L’incarcération prolongée d’Amal sans procès ? Personne n’a à s’inquiéter, grâce au contrôle judiciaire israélien de classe mondiale (des juges militaires aux juges de la Haute Cour, tous approuvent régulièrement cette mesure draconienne - et bien d’autres - contre les Palestiniens, sans même un semblant de procédure régulière ; les "preuves" restent secrètes, et il est donc impossible, à dessein, de prouver son innocence).
La famille Salhiye ? Selon la loi israélienne, elle ne peut pas récupérer sa maison d’Ein Karem, car elle est palestinienne. Et selon la loi israélienne, les décisions de justice et les interprétations juridiques déformées, de nombreuses autres familles palestiniennes sont destinées à être expulsées de leurs maisons de Jérusalem, pour faire place à des colons juifs.
On a mis les points sur les i, les barres sur les t. Cette brutalité désire se cacher au sein de "l’état de droit". En fait, le fait qu’elle soit ainsi légalisée - et donc tellement célébrée par la propagande israélienne - ne fait que rendre ce système plus horrible.
Ce n’était qu’un jour de plus dans les efforts arrogants, immoraux et brutaux d’Israël pour effacer l’identité, la vie et la dignité des Palestiniens. Pourtant, Umm al-Kheir est un lieu. Et Amal Nakhleh est en vie, comme ses parents l’avaient espéré lorsqu’il est né trois mois avant terme. Et la famille Salhiye n’a pas oublié Ein Karem.
Ce n’était qu’un jour comme les autres. Il est difficile de contenir la rage ou de retenir les larmes. Combien de jours de ce genre faudra-t-il encore ?
Traduction : AFPS