A sa tête, Ayman Odeh, fils de maçon devenu avocat, a décroché son premier mandat. Il a réussi à coaliser des juifs et des Arabes, des communistes, des islamistes et des nationalistes arabes. Maintenir la cohésion de cet attelage inédit fait partie de ses prochains défis.
"Les espoirs suscités"
Peu avant les élections, ce père de trois garçons confiait à l’AFP porter sur ses épaules "une responsabilité exceptionnelle" face aux "espoirs suscités" chez les Arabes israéliens.
Le jour de son entrée au Parlement, il le rejoindra symboliquement à pied... en partant du désert du Néguev où il lutte depuis des années pour la reconnaissance par l’Etat de 40 villages bédouins, a-t-il annoncé. Une façon de plus de "sensibiliser tous les Israéliens" car, dit-il, "si le camp de le démocratie faiblit, le fascisme fera des victimes et les premières, ce seront les Arabes".
Chouchou des médias
Chouchou des médias israéliens et des Arabes israéliens dont les élus étaient jusqu’alors plus connus pour leurs coups d’éclat que pour leurs succès électoraux, il est l’anti-Haneen Zoabi, sa colistière, qui n’hésite pas à quitter la Knesset quand retentit l’hymne israélien.
Ayman Odeh, visage carré et tignasse noire, est l’homme du dialogue, celui qui milite pour que juifs et Arabes travaillent ensemble pour l’égalité. Sur les plateaux de télévision qu’il écume, il ne se départit jamais de son calme, même face à l’ultra-nationaliste Avigdor Lieberman, qui a proposé de "couper à la hache la tête" des Arabes israéliens qui ne seraient pas loyaux à Israël.
Les journalistes israéliens évoquent un orateur et un politique habile. Quand il a commencé il y a quelques années à sillonner le pays pour convaincre les Arabes israéliens de refuser le service militaire, le quotidien Haaretz saluait "la campagne arabe la mieux organisée jamais menée en Israël".
Jouant le jeu, cet homme au menton barré d’une fossette prononcée n’hésite pas à mettre en scène la famille qu’il forme avec la gynécologue Nardine Aasleh, dont le frère a été tué adolescent par la police israélienne en pleine deuxième Intifada.
Le matin du vote, le quotidien à grand tirage Yediot Aharonot publiait un texte de son jeune fils Tayeb en hébreu et en arabe.
L’amour du pays
"Quand j’étais petit, je pensais que mon papa (Ayman) était maçon parce qu’il était contre les destructions de maisons, mais plus tard j’ai compris que c’était un avocat qui aime défendre les pauvres", écrivait-il au-dessus d’une photo dans les bras de son père.
"Quand il a du temps, il m’emmène voir la montagne et la nature parce que j’aime beaucoup, beaucoup, mon pays", poursuivait ce petit-fils de Palestiniens restés sur leur terre à la création d’Israël en 1948.
Son amour du pays et de la politique, Ayman Odeh affirme les puiser dans son enfance, bercée par l’épopée de l’Organisation de libération de la Palestine (OLP) en exil : l’invasion israélienne du Liban en 1982, la première Intifada lancée en 1987. "A la maison, dit-il, on ne parlait que de ces évènements, de même que dans la presse qui a forgé mes convictions".
Au lycée, cet enfant de Haïfa, la grande ville mixte d’Israël, devient chef du conseil des lycéens, ce qui lui vaut l’ouverture d’un dossier au Shin Beth, la sécurité intérieure, qui l’a arrêté plusieurs fois.
Impossible de l’emporter "contre le fascisme et le racisme" sans les citoyens juifs d’Israël, dit-il. L’idée s’est ancrée en lui à Haïfa où il a appris à s’adresser aux publics arabe et juif, dit-il. Elu municipal de 1998 à 2003, il a réussi à faire arabiser les noms de dizaines de rues.
Un héritage sur lequel cet admirateur de la diva arabe Oum Kalsoum et de Mahmoud Darwich, le poète de la cause palestinienne, ne transige pas.