De la chancelière allemande, en passant par le candidat aux élections présidentielles américaines. Et le secrétaire général des Nations Unies est en route. Une visite en Israël est devenue un passage obligé pour les sondages étrangers. Si vous n’y êtes pas allé, vous n’avez été nulle part.
Bien sur, on emmène les visiteurs visiter le mémorial de l’Holocauste Yad Vashem, le Mur des lamentations et maintenant il y a aussi une visite de Sderot – le nouveau lieu de pèlerinage. Quelques uns font une visite superficielle à Ramallah ; personne ne va dans la bande de Gaza, et tous n’ont que des louanges pour Israël. Pas un mot de critique sur l’occupation, sur les violentes opérations menées par Israël dans les territoires, sur le siège ou sur le fait d’affamer la population – à l’exception de quelques vagues remarques sur la nécessité de trouver une solution. Israël se sert des évènements de Sderot au maximum, tel un citron qu’il presse pour tout ce qu’il peut en tirer.
L’alliance entre Sderot et l’Holocauste, l’islamophobie internationale et le règne du Hamas à Gaza servent à cela. Israël n’a pas connu un tel succès en terme de politique étrangère depuis les Accords d’Oslo. A en juger par les déclarations faites par nos invités étrangers et par nos hôtes à l’étranger, aucun autre Etat n’est autant aimé que le nôtre. Si l’on juge par les termes de beaucoup d’hommes et de femmes d’Etat qui viennent chez nous, un Etat qui a imposé un siège quasiment sans précédent dans le monde aujourd’hui et qui adopte officiellement une politique d’assassinat, est englobé dans la famille des nations.
Il est bien sur agréable de se réjouir de cette vague d’appui, mais il s’agit d’une illusion. L’opinion publique de la plupart des pays dont les chefs adulent Israël, ne se rallie pas à cela. Israël reste pour eux un Etat que l’on n’approuve pas, proscrit et détesté. Le monde regarde les images de Gaza à la télévision – en comparaison Sderot ressemble à une station balnéaire – et en tire ses propres conclusions. Le sens inné de justice impose que l’on soutienne la lutte pour la liberté des peuples opprimés tels que pour les Tibétains et impose également un soutien pour la lutte de libération des Palestiniens. Le fait qu’il s’agisse d’une lutte entre un David palestinien et un Goliath israélien ne fait que renforcer cette idée. A l’exception des Etats-Unis, le monde est contre nous, en dehors des chefs d’Etats. Nous ne devons donc pas nous fier à cette illusion : l’actuel excès de soutien envers nous n’est pas réel.
De même que croire que l’amitié aveugle et inconditionnelle est une vraie amitié. Le soutien à Israël en tant qu’entreprise juste, apporté par l’Occident, ne doit pas impliquer l’acceptation de tous ses caprices. Le véritable ami d’Israël, celui qui se sent vraiment concerné par son devenir, est celui qui ose exprimer de vives critiques sur la politique d’occupation qu’il mène et qui pose de sérieux risques pour son avenir, et qui prend des mesures pratiques pour l’arrêter. La plupart des chefs d’Etat « amicaux » ne comprennent pas cela.
La position des leaders européens est particulièrement embarrassante. Nous ne parlons pas des Etats-Unis avec son lobby juif et ses lobbys chrétiens, mais plutôt de l’Europe ; elle aussi a perdu sa capacité à agir comme intermédiaire honnête, du type qui permettrait de faire cesser ce conflit qui la met également en danger. Nous avons besoin de l’Europe, la paix a besoin de l’Europe, mais l’Europe officielle se voile les yeux et tombe automatiquement dans la ligne suivie par les Etats-Unis avec un soutien aveugle à Israël et son boycott de Gaza. Angela Merkel qui a été reçue royalement la semaine dernière ici, n’a évoqué aucun sujet de controverse lors de son discours à la Knesset. Ainsi, elle a transformé son discours « historique » en discours creux.
La même attitude a été adoptée par son collègue au sein du leadership européen, le président français Nicolas Sarkozy, lors de la visite en France du président Shimon Pérès. Les drapeaux israéliens qui flottaient le long des Champs Elysées et la présence remarquée et tant discutée d’Israël au Salon du livre de Paris, n’ont pas caché les critiques émises par beaucoup de citoyens français peinés par l’occupation. En n’évoquant pas le siège de Gaza, la privation de nourriture sur Gaza et le meurtre de centaines de ses habitants, les leaders européens ne remplissent pas leurs obligations politiques et morales. Ceux qui croient que seule une intervention internationale honnête pourra mettre fin à l’occupation sont donc désespérés et déçus. Oui, l’Europe, ce continent qui précisément porte des sentiments justifiés de culpabilité face à l’Holocauste des Juifs, aurait dû trouver une autre manière de venir en aide à Israël. Des visites édulcorées et de doux discours ne montrent en réalité qu’irrespect pour Israël – et pour l’opinion publique européenne.
Cette amitié aveugle permet à Israël de faire ce qu’il veut. Ils sont loin les jours où l’installation d’un bungalow dans les territoires ou le moindre assassinat ciblé étaient considérés à l’aune de la critique internationale. Ce temps n’existe plus. Israël a carte blanche pour tuer, détruire et coloniser. Les Etats-Unis ont abandonné depuis longtemps le rôle d’intermédiaire honnête, et maintenant l’Europe suit leurs pas. Comme cela est déprimant : avec des amis comme cela, Israël n’a presque plus besoin d’ennemis.