Le discours d’Obama au Caire nous apparaît, au premier abord, inévitablement décevant car il ne comporte rien de nouveau sur l’essentiel (la question de Palestine) et ne propose aucune initiative américaine ou internationale sur cette question.
Après ce discours, il faut donc maintenant des actes et des initiatives. L’Autorité palestinienne l’a souligné (avec les formes). Cela doit concerner les Etats-Unis mais aussi les Européens, la France, le monde arabe...
C’est précisément parce que le discours d’Obama appelle des actes et des initiatives que la responsabilité de l’Europe et de la France est d’autant plus grande : elles doivent aussi s’engager concrètement, faire des propositions pour un règlement nécessairement multilatéral. On ne doit plus laisser Palestiniens et Israéliens négocier seuls face à face dans le rapport des forces actuel.
Il faut porter jugement sur l’ensemble du discours.
A. Obama s’est adressé aux musulmans du monde.
Il l’avait annoncé. Le discours, effectivement, surprend un peu. Obama cite 5 fois le Saint Coran, il parle de la bible, du Talmud... Là où on attendait une adresse politique au monde arabe, on a une intervention très centrée sur les valeurs religieuses, le dialogue des religions... Il se fait applaudir sur cette approche.
Concernant la question de Palestine, son discours a tendance à traiter Israéliens et Palestiniens à égalité, c’est-à-dire en soulignant les responsabilités des uns et des autres. Mais le langage utilisé pour parler des Palestiniens a changé de registre par rapport à Bush : « humiliations quotidiennes » ; « occupation » ; « la situation du peuple palestinien est intolérable » ; « il est temps d’arrêter la colonisation »... Ce discours et ces mots indisposent les Israéliens. Les Palestiniens s’en sont félicités, sans excès, mais nettement. Les autorités israéliennes ont manifestement du mal à accepter cette nouvelle expression américaine.
Ce discours de référence est en effet bien différent d’un autre discours de référence, tout aussi symbolique, prononcé par G. Bush à Washington le 24 juin 2002. Dans ce discours, Bush annonçait que « les Etats-Unis d’Amérique soutiendront la création d’un Etat palestinien... ». Mais c’était sous conditions et ce discours très dur était aussi consacré à la délégitimation, à la criminalisation de Yasser Arafat et à un appel à un « nouveau leadership » palestinien.
Bush avait défini publiquement, avec Sharon, cette nouvelle ligne (un Etat palestinien mais à nos conditions et sans Arafat et les droits qu’ il symbolise...) lors d’une rencontre à la Maison Blanche le 7 janvier 2002. Il en a résulté la résolution 1397 (2002), qui fait référence, du Conseil de Sécurité actant la « vision d’une région dans laquelle Israël et la Palestine vivent côte à côte, à l’intérieur des frontières reconnues et sûres ».
Depuis, l’exigence d’un Etat palestinien n’est plus niée que par une partie de la droite -dont Netanyahou et le Likoud- et par l’extrême droite israélienne. Il y a donc 2 problèmes posés : l’effondrement du processus de paix à partir 2000, qui a renvoyé la question même de l’ Etat palestinien. Et la nature de cet Etat : un Etat pleinement souverain, dans des frontières légitimes et correspondant au droit international, dans le respect des résolutions de l’ ONU, ou bien un Etat avec une souveraineté limitée, sous contrôle israélien, sans Jérusalem-Est, morcelé par des colonies... etc (= ce que propose Netanyahou)...
Quel sera le choix d’Obama ? Pour l’instant, il établit les contacts, prend les positions des parties en cause. Il renvoie Mitchell préparer les négociations.
B. Obama ne cherche pas une solution juste et durable pour la question de Palestine en elle-même.
Les Etats-Unis, aujourd’hui comme hier, définissent une stratégie globale. Et celle que définit Obama est profondément différente de celle de Bush. Les Etats Unis ont besoin de résoudre à leur façon la crise irakienne (retrait d’ici 2012, stabilisation...), la crise afghane et pakistanaise (intervention militaire renforcée), l’enjeu du nucléaire iranien (empêcher la maîtrise du nucléaire militaire par Téhéran, et dialogue avec les dirigeants iraniens), l’enjeu syro-libanais (contrer l’influence iranienne, syrienne au Liban et en Palestine à travers le Hezbollah et le Hamas)... Pour tout cela (et tout cela est lié), des pas en avant réels sont indispensables dans la voie d’une réponse à la question de Palestine. Il faut à Obama regagner du crédit dans le monde arabe mais sans perdre l’allié stratégique israélien. Celui-ci est aujourd’hui en difficulté politique car obligé de choisir entre suivre Obama et déclencher une crise politique interne, ou bien contrer Obama et être en crise avec Washington, son principal allié et soutien politique, militaire et financier...
On peut donc dire qu’il y a une nouvelle donne au Proche-Orient. Cela impose à la France et aux Européens beaucoup plus d’initiative et d’engagement politique. Pour l’instant, on en est loin.
(ajout au 15 juin 2009)
Dans son discours du dimanche 14 juin, Netanyahou rappelle qu’il est favorable à un Etat palestinien démilitarisé, sous contrôle sécuritaire total d’Israël. Il pose une condition difficile à accepter pour les Palestiniens : reconnaître qu’Israël est « la patrie nationale du peuple juif ». 20% de la population israélienne est non-juive (essentiellement palestinienne musulmane) ce qui pose un problème en soi. Exiger de reconnaître Israël comme Etat du peuple juif c’est exiger le droit à l’installation de l’ensemble des juifs du monde, c’est-à-dire une sorte de droit au retour que Netanyahou refuse aux Palestiniens.
En outre, il rappelle aussi que Jérusalem devra rester la capitale unie d’Israël...
Obama acte tactiquement le fait que Netanyahou accepte un Etat palestinien car il veut amener progressivement ses alliés israéliens sur ses propres options, sans rupture. Mais nul ne peut être dupe. D’autant que le discours de Netanyahou va au-delà des précédentes remarques.
Netanyahou ne parle à aucun moment de l’occupation, des résolutions de l’ONU et du droit international. Il pose la question : « quelle est la racine du conflit ? » Pour lui, seul existe le droit historique du peuple juif à s’installer sur cette terre, et la racine du conflit c’est pour lui, l’hostilité permanente, depuis 1948, des arabes et des Palestiniens à l’Etat israélien. Il renverse la responsabilité.
Enfin, il a cette formule inacceptable sur le fond : « La vérité c’est que dans l’espace de notre patrie, au coeur de notre patrie juive, vit maintenant une large population de Palestiniens ». Ce qui veut dire clairement que l’ensemble des territoires occupés font partie de cette « patrie juive » qu’est l’Etat d’Israël.
Tout ceci explique que l’Autorité palestinienne ait nettement rejeté le discours de Netanyahou. Le Porte-parole du Président Abbas a dit : « Ce discours torpille toutes les initiatives de paix dans la région ». En vérité, Netanyahou, au-delà de quelques habiletés de langage, n’a rien changé sur le fond de sa position.