Nous réalisons, même sans avoir été témoin d’aucun événement dramatique, ni être allé dans aucun des endroits les plus ravagés comme Gaza ou les camps de réfugiés, que nous n’avions pas perçu, depuis Paris, l’intensité de la guerre continue que l’Etat d’Israël mène au peuple Palestinien.
Nous pensions que la phase de conquête était terminée, avec la renonciation au Grand Israël. Or la conquête continue. Ce qui, avant, pouvait être compris comme une affirmation idéologique, devient sur place évident.
Michel Warschavski, lors du circuit autour de Jérusalem, avant la conférence, puis Ilan Pape, dans son intervention à Bil’in, ont bien montré qu’Israël poursuivait très précisément les mêmes objectifs et la même stratégie depuis le début du mouvement sioniste : cantonner puis refouler le peuple palestinien en lui rendant la vie impossible.
L’intervention de Michel Warschawski, aura été de loin le moment le plus convaincant, tant pour comprendre le combat pour Jérusalem, le mur, le tramway, les stratégies de refoulement des Palestiniens que pour identifier le projet Israélien. L’incursion à Hébron dans le quartier Tal el Romaïda, ancien centre de la ville avant 1967 , nous a fait comprendre comment le harcèlement quotidien peut amener des Palestiniens à quitter leur maison en laissant le champ libre aux colons.
Michel Warschawski a bien expliqué la différence entre : - la stratégie menée à Jérusalem où l’objectif démographique est d’amener la population Arabe à moins de 20% de la population de l’agglomération (et Robert Kissous [1] a bien rappelé qu’il n’y aurait pas d’Etat Palestinien si cet objectif était atteint), - et la stratégie menée dans les « Territoires » où, loin de tout objectif démographique, il s’agit de renforcer la maîtrise totale (totalitaire ?) du territoire tout en maintenant la grande masse de la population Palestinienne, privée de tous ses droits, sans aucune maîtrise sur sa vie quotidienne. L’expression de « prison à ciel ouvert » que nous trouvions un peu excessive, devient concrète sur place.
Le projet israélien combine l’idéologie du nationalisme du XIXème siècle et celle du Ghetto :
– 1) Etre seul sur son territoire, entre soi, sans étrangers, protégé par le mur.
– 2) Hors du mur, recréer une société communautariste, comme dans les Empires ottomans, tsariste ou Austro-Hongrois. L’empire a le monopole des armes et délègue à des autorités communautaires l’autorité sur leur communauté dominée mais pas la souveraineté sur un territoire, avec le soin de maintenir l’ordre et de réprimer toutes les résistances.
Israël n’est pas prêt à accepter un état palestinien souverain. Il crée pour l’Autorité Palestinienne une situation qui ressemble à celle qui est décrite au mémorial de la Shoah à Yad Vashem avec l’autorité juive gérant le Ghetto sous l’occupation.
Le mur est perçu en France comme un instrument qui assure une certaine sécurité aux israéliens au prix d’une séparation (en néerlandais : Apartheid). Mais il doit être vu comme l’élément d’un système :
– 1) avec l’occupation, avec les barrages et les check-points ( les chiffres donnés étaient compris entre 370 et 600 dans un espace équivalent à 2 petits départements français)
– 2) avec toutes les mesures administratives (permis nécessaires pour circuler, privation arbitraire de papiers, etc.)
– 3) avec la présence des colons religieux, francs tireurs qui ont tous les droits.
Le mur est un instrument d’émiettement du peuple palestinien, d’étranglement économique en empêchant les Palestiniens d’aller travailler et d’aller vendre leurs produits ou s’approvisionner. A l’intérieur du mur et hors du mur : les Israéliens se pensent à l’intérieur d’un mur qui les protège et voient les palestiniens dehors, dans les ténèbres, alors que les Palestiniens se voient à l’intérieur d’un mur qui les enferme lorsqu’ils sont dedans mais qui peut les empêcher de rentrer chez eux lorsqu’ils sont dehors.
Le tramway : à Paris, c’est un outil pour relier en limitant la place de la voiture dans la ville, à Jérusalem, un instrument qui structure l’agglomération sous domination Israélienne.
Nous avons été surpris de l’importance que les Palestiniens lui accordaient comme symbolisant la réalité de la politique française.
L’occupation : nous ne la percevions que d’un point de vue militaire : présence de l’armée pour assurer la sécurité et la répression des actions armées.
Le mot ne rend pas compte de l’arbitraire qui donne tous les droits aux soldats, de l’action continue pour étouffer le peuple palestinien. La gestion du territoire est entièrement entre les mains d’Israël qui utilise les plans d’urbanisme pour confiner les Palestiniens et les pousser à partir.
Ils détruisent les maisons construites sans l’autorisation que bien sûr ils n’accordent jamais. Nous avons aussi été impressionnés par la visite, près du camp de Shuafat, d’une maison qui avait été détruite cinq fois.
Devant l’évidence de cette guerre menée par Israël, il est honteux que les instances européennes s’associent au boycott et au blocus de la Palestine.
Communication : comment faire passer le message ? C’est le point que nous devrions travailler. Le problème a été abordé pendant la conférence de Bil’in tant du point de vue du contenu, par le délégué palestino-américain, que du point de vue de la constitution d’un groupe de pression pour avoir accès aux grands réseaux d’information, par le ministre de l’Information, Mustapha Barghouti, dont nous devrions travailler les propositions.
Même la manifestation finale de la conférence devrait être revue du point de vue de la communication.
Seul motif d’optimisme, la qualité humaine des militants Palestiniens que nous avons rencontrés.