Le 12 juin, à la veille des élections européennes, à l’initiative du Collectif judéo-arabe et citoyen pour la paix de Strasbourg, a été lancé l’« Appel de Strasbourg pour une paix juste et durable entre Palestiniens et Israéliens ». Ce jour, nous défilions dans cette ville pour manifester notre pleine adhésion à cet appel.
La nature même des initiateurs de l’Appel - un collectif citoyen multiculturel né en avril 2002 et soutenu par près de 800 signatures locales -, leur conviction qu’il n’y a pas d’autre voie que la pression de l’opinion publique européenne pour changer la donne au Proche-Orient, leur certitude que le droit international est la seule alternative rationnelle à la guerre et au terrorisme et qu’ en établissant avec les parlementaires européens un partenariat solide il est possible d’influencer le cours institutionnel, tout cela fait de l’Appel de Strasbourg un événement politique.
Trois semaines après, l’avis de la CIJ déclarant
le Mur illégal vient apporter un formidable surcroît de
légitimité à cette démarche citoyenne européenne.
Il n’y a plus de justification pour l’Europe de ne pas agir en utilisant les moyens de pression économiques et politiques dont elle dispose pour arrêter le pyromane Ariel Sharon et ses amis. Tout le monde sait que seule une position énergique européenne peut empêcher le conflit israélo-palestinien de se transformer en tragédie de dimension historique. Chaque citoyen européen est devant ses responsabilités. Nos amis de Strasbourg ont pris les leurs.
Entretien avec Michel Flament
Coordinateur de « l’Appel de Strasbourg »
PLP : Quelles sont les origines de la « coordination de l’appel de Strasbourg » ?
Michel Flament : Le 12 juin 2004, veille des élections européennes, à l’instigation du « Collectif judéo-arabe et citoyen pour la paix » se sont réunies, à Strasbourg, autour de Leila Shahid et Michel Warschawski, environ 500 personnes ou associations répondant à « l’Appel de Strasbourg pour une paix juste et durable entre Palestiniens et Israéliens ».
L’Appel avait auparavant été signé par plus de 550 personnalités et associations de 22 pays différents d’Europe, d’Amérique du Sud, d’Amérique du Nord et du Moyen-Orient. Parmi les signataires, de nombreux élus dont 16 députés européens.
Au soir d’une manifestation publique très réussie, il fut décidé par les organisateurs de donner une suite à cette journée de solidarité et, dès le surlendemain, les principaux participants locaux à l’organisation de la manifestation se réunirent pour déterminer par quelle forme d’action concrète cette décision allait pouvoir se traduire.
Ce cercle élargi de structures, fort de l’appui des signataires de l’Appel, décida alors de se constituer en « Coordination de l’Appel de Strasbourg » (CAS) et de poursuivre sa démarche.
PLP : Quels en sont les objectifs ? Quelles en ont été les premières actions ?
M.F. : Les objectifs étaient de réunir, sous le sigle de la CAS, le maximum de composantes actives de la société civile européenne afin d’exercer sur les pouvoirs constitués, qu’ils soient nationaux ou internationaux, la pression nécessaire en vue de l’atteinte de l’objet initial de l’Appel de Strasbourg : une paix juste et durable entre Palestiniens et Israéliens.
Pour atteindre ces objectifs, l’été fut mis à profit pour dialoguer ou rencontrer, dans la plupart des pays européens, des signataires de l’Appel qui furent chargés de prendre contact avec leurs élus nationaux et les eurodéputés nouvellement élus afin de les informer de l’existence de la Coordination, de son poids, de ses objectifs et de sa détermination à assurer un suivi permanent de l’action de chaque élu dans ce domaine précis de politique internationale.
Certaines organisations signataires, comme l’AFPS en France, avaient d’ailleurs déjà pris cette initiative dès le printemps 2004 et il fut ainsi possible très rapidement de se rendre compte et de la pertinence de la démarche et de la transversalité politique des prises de position des élus.
PLP : Comment avez-vous établi des relations avec le Parlement européen nouvellement élu ?
M.F. : Les relations entre les associations locales de Strasbourg et le Parlement européen sont anciennes et suivies et il était fréquent que des parlementaires européens, en session mensuelle à Strasbourg, assistent à nos réunions, soirées-débats, voire manifestations et y prennent la parole. Réciproquement, lors des sessions du Parlement, il était tout aussi fréquent que les associations strasbourgeoises soient présentes dans l’hémicycle lorsque l’ordre du jour comportait un point sur la situation au Moyen-Orient et plus particulièrement sur le conflit israélo-palestinien.
Cette proximité géographique avec l’institution crée des liens et ce sont ces liens et une réflexion commune qui ont servi de déclencheur à la création d’une sorte de partenariat entre la société civile, partiellement représentée par la « Coordination de l’Appel de Strasbourg » et un certain nombre de parlementaires décidés à dynamiser l’action du Parlement qui, par ailleurs, avait déjà pris une importante décision (suspension de l’accord d’association Union Européenne-Israël jusqu’à un retour au respect des droits humains) malheureusement non entérinée, en son temps, par le Conseil des ministres de l’Europe des Quinze.
PLP : Quel premier bilan faites-vous de votre travail ? Quel accueil vous a été réservé ? Quels sont les obstacles et les problèmes que vous avez rencontrés ?
M.F. : Le bilan est, à ce jour, très positif pour l’ensemble des partenaires et ceci notamment suite à l’étroite collaboration entre la CAS et la Coordination européenne des comités pour la Palestine (CECP) qui coordonne au niveau européen les ONG pour la Palestine et qui, à Bruxelles, lorsque le Parlement y siège - et c’est là qu’il est le plus présent - joue le même rôle que la CAS à Strasbourg.
La création d’un site internet en dix langues (http//www.eutopic.net/coordination), actualisé quotidiennement, constitue aussi un élément capital de la dynamique informative, consultative et décisionnelle.
La présence à Strasbourg de nombreux militants venant de diverses associations et engagés activement soit dans le Collectif judéo-arabe (rôle régional) soit dans la CAS (rôle international), et parfois dans les deux, permet un travail suivi et rassemblant des compétences diversifiées et complémentaires. La CAS est le fruit d’un travail d’équipe et entend bien se développer dans cet esprit.
Les problèmes rencontrés jusqu’à présent (locaux, secrétariat, permanents) ont pu être résolus du fait du nombre de personnes disponibles ou acceptant de consacrer une partie significative de leur temps à la réalisation des objectifs, ainsi qu’à l’accueil d’associations partenaires disposant d’infrastructures gracieusement mises à disposition.
PLP : Quelle articulation faites-vous avec les mouvements français et européen de solidarité avec le peuple palestinien ? Quelle spécificité entendez-vous apporter à ce mouvement ?
M.F. : Etant nous-même désormais, de par nos composantes signataires, un mouvement européen, nous avons, me semble-t-il, deux spécificités que nous souhaitons assumer :
– coopérer - c’est en cours - de plus en plus avec d’autres composantes de la société civile européenne proches des citoyens (syndicats, collectivités locales...), afin d’arriver à une masse critique suffisante pour peser d’un poids significatif sur les décideurs politiques par l’intermédiaire des composantes de la CAS dans les différents pays européens.
– renforcer - et c’est en cours également - nos liens avec de plus en plus de parlementaires européens qui, dans l’assemblée récemment renouvelée, sur la problématique qui nous concerne, à savoir le conflit israélo-palestinien, souhaitent peu ou prou s’affranchir de la sacro-sainte, anti-démocratique et combien négative « discipline de groupe ». Il s’agit moins ici d’exercer des pressions que d’agir dans le cadre d’un partenariat et d’une action solidaire en vue de l’objet commun poursuivi qui est celui de l’Appel de Strasbourg du 12 juin 2004.
Quant à l’articulation de notre action avec celles menées par d’autres mouvements français ou européens, il va de soi que, dans la mesure où les objectifs clairs et parfaitement définis sont communs, même si les priorités ne sont pas forcément listées dans le même ordre chez tous, les complémentarités doivent s’exercer pleinement et hors de toute notion de compétitivité. Nous partons ensuite du principe que toute faille entre les organisations, pour quelque raison que ce soit, constitue une atteinte à l’objectif commun poursuivi et au peuple palestinien en particulier et qu’il faut tout faire pour y remédier dans les plus brefs délais et cela collectivement.
La Coordination de l’Appel de Strasbourg se veut une structure ouverte, conviviale et efficace, capable de mener des projets à long terme mais aussi de réagir quasi instantanément à des événements ou informations qui, malheureusement, jonchent le chemin épineux sur lequel nous nous sommes engagés.
Propos recueillis par
Bernard Ravenel