Une puissante ONG dénonce les « liaisons dangereuses d’Orange » avec une société officiant dans les colonies juives, jugées illégales au regard du droit international.
C’est un rapport confidentiel d’une quarantaine de pages, que « le Parisien » – « Aujourd’hui en France » dévoile en exclusivité. Il devrait créer quelques turbulences en haut lieu chez Orange, et animer l’assemblée générale annuelle du premier opérateur de télécommunications français, qui aura lieu le 27 mai.
Le titre de ce rapport est clair : « Les liaisons dangereuses d’Orange dans les territoires occupés palestiniens ». Ses auteurs ne sont pas de dangereux activistes : le document a été piloté par le Comité catholique contre la faim et pour le développement (CCFD), une puissante ONG reconnue d’utilité publique depuis 1984 et qui bénéficie du statut de consultant auprès de l’ONU.
De quoi s’agit-il ? Orange est engagé dans une relation d’affaires avec la société israélienne Partner Communications Company Ltd, depuis un accord vieux d’une vingtaine d’années, et dont le dernier renouvellement date de 2011. En vertu de cet accord, Partner utilise la marque et l’image d’Orange en échange du paiement d’une redevance – au montant secret. Le hic ? Cette entreprise Partner officie dans les colonies israéliennes implantées dans les territoires palestiniens occupées (TPO), Cisjordanie, Jérusalem-Est et bande de Gaza. « L’entreprise de télécommunications israélienne Partner exerce des activités économiques et réalise des profits dans les colonies israéliennes », fustige en effet le rapport.
L’Etat français montré du doigt
De fait, ces colonies sont illégales au regard du droit international, et c’est là tout le problème. « Partner a construit et possède une centaine d’antennes sur des terres privées palestiniennes confisquées, offre ses services aux colons et à l’armée israélienne, et tire profit des restrictions à l’économie palestinienne. En opérant dans [ces] colonies […] illégales, Partner contribuerait à leur viabilité économique et à leur maintien, et perpétuerait ainsi une situation considérée comme illégale par la communauté internationale. »
Dans ce document, Orange est clairement mis en cause, tout comme… L’Etat français, qui, par le biais de l’Agence des participations de l’Etat (APE) et de la BPI, possède environ 25% du capital de l’entreprise de téléphonie.
L’attaque humanitaire ne s’arrête pas là. En parallèle à la publication de ce rapport, une salve de courriers signés entre autres par la CGT et la Fédération internationale des droits de l’homme (FIDH) ont été adressés au directeur de l’APE, à Emmanuel Macron (ministre de l’Economie) et à son collègue du Quai d’Orsay, Laurent Fabius. Le ministère des Affaires étrangères a officiellement reconnu l’illégalité des colonies israéliennes. Récemment, il a même publié un avis mettant en garde les entreprises contre les risques en termes de droit et d’image associés aux activités économiques dans les TPO. « La France est engagée diplomatiquement en faveur de la création d’un Etat palestinien, soupire-t-on au CCFD. L’Etat actionnaire ne peut par ailleurs soutenir indirectement la colonisation israélienne. »
Au final, les auteurs du rapport recommandent clairement : le gouvernement doit « fournir des indications effectives » pour le « dissuader d’entretenir des relations commerciales » qui impliquent les colonies. Quant à Orange, il « devrait exiger de Partner de ne pas opérer » dans ces mêmes colonies […] En cas d’échec, Orange doit interrompre sa relation d’affaires avec Partner », concluent-ils. Faute d’être entendu, le CCFD n’exclut pas une plainte pénale.
L’AFPS est co-signataire avec CCFD-Terre Solidaire, FIDH (Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme), Al Haq, Confédération Générale du Travail (CGT), Ligue des droits de l’Homme (LDH) et Union Syndicale Solidaires du rapport qui fait l’objet de cet article du Parisien.