« L’ère des voyous est révolue », proclame le gouverneur Jamal al-Mouhaissen, qui a pris ses fonctions il y a quatre mois dans la ville de 150 000 habitants, la plus touchée par l’insécurité régnant en Cisjordanie.
Profitant du déclin des services de sécurité, affaiblis par les multiples opérations militaires israéliennes depuis le début de l’intifada en 2000, des gangs, dont certains se réclament des mouvements nationalistes, y sévissaient en toute impunité. Crimes, rackets et règlements de comptes ont fait sombrer la ville dans la peur et le chaos.
« Aujourd’hui, nous contrôlons la sécurité à Naplouse. La loi s’appliquera à tout le monde. Personne n’est au-dessus de la loi », tonne M. Mouhaissen, cheveux blancs et lunettes vissées sur le nez.
Derrière une apparence frêle, l’homme, âgé de 58 ans, cache une volonté d’acier. « Le chaos sécuritaire en Cisjordanie est comme un serpent dont Naplouse est la tête. Si on coupe la tête, on tue le serpent », lance-t-il.
Naplouse est la première étape d’un plan de l’Autorité palestinienne pour ramener le calme en Cisjordanie, avant la conférence sur le conflit israélo-palestinien prévue fin novembre aux État-Unis.
Le plan, lancé il y a quatre mois, commence à porter ses fruits à Naplouse, où 300 policiers supplémentaires se sont déployés début novembre. Les hommes armés qui faisaient régner la terreur ont déserté les rues, remplacés par des policiers en uniforme. Une armée de camelots qui congestionnait le Dawar, le principal rond-point en centre-ville, l’a rendu aux automobilistes.
Scène inhabituelle il y a encore quelques mois, les voitures s’arrêtent au feu rouge. Ce geste dérangeait tellement les fauteurs de troubles que l’un d’eux, à bord d’un véhicule volé, avait détruit à l’arme automatique un feu de signalisation que quelques automobilistes avaient jugé bon de respecter.
Selon le gouverneur, pas moins de 185 voitures volées en Israël ont été saisies ces quatre derniers mois et détruites. « Aujourd’hui, personne n’ose conduire une voiture volée », se félicite-il.
M. Mouhaissen accuse Israël de « perturber » le plan en poursuivant ses incursions militaires dans la ville. « Israël veut utiliser l’absence de sécurité comme prétexte pour ne pas remplir ses engagements », affirme-t-il.
En janvier, Samer al-Qotoub, qui tient une librairie en centre-ville, avait été roué de coups par des marchands ambulants dont les étals bloquaient l’entrée de son magasin. « Les policiers sont restés les bras croisés », se rappelle-t-il. « Aujourd’hui Naplouse redevient ce qu’elle était. Pendant sept ans, la police a failli à son devoir et nous a laissés seuls face aux gangs », dit-il. Après des années de marasme, les affaires reprennent petit à petit. « Avant, les gens avaient le choix entre dépenser pour manger ou dépenser pour lire. Manger était la priorité », explique M. Qotoub, 48 ans.
À quelques rues de là, la pâtisserie Damas grouille de clients. Un serveur déverse du sirop chaud à la louche sur un plateau de knafeh, un gâteau à base de fromage très prisé des Palestiniens. Tout en se félicitant de l’ordre retrouvé, le propriétaire, Ayman Tammam, 40 ans, affirme que son commerce n’avait pas trop pâti pendant les années de chaos. « Le knafeh, vous savez, on s’en passe difficilement », dit-il.