Sur son lit d’hôpital à Gaza, Mohammad montre son corps couvert d’ecchymoses et des pieds enflés et bleuâtres. « Des hommes de la force exécutive du Hamas sont venus chez moi et m’ont battu », dit cet officier de la Sûreté nationale, fidèle au parti palestinien Fateh.
Le récit de Mohammad vient alimenter les accusations d’exactions et d’arrestations arbitraires commises par le mouvement islamiste Hamas, désormais maître de la bande de Gaza après avoir mis en déroute le 15 juin les membres des services de sécurité dominés par le Fateh du président Mahmoud Abbas.
Mohammad, craignant des représailles, refuse d’abord de parler, mais finit par se confier, sans dévoiler son patronyme. « Ils ont menacé de me tuer si je parlais à des journalistes », assure-t-il.
Lundi matin, dit-il, des hommes de la police du Hamas, la force exécutive, ont fait irruption chez lui, dans le quartier Sabra de Gaza. « Ils sont venus pour chercher des armes et ont fouillé la maison. Mais je n’en ai pas chez moi. Ils m’ont ensuite attaché à une chaise, m’ont mis un sac sur la tête et m’ont battu avec leurs armes et des bâtons. Ils m’ont traité d’apostat membre du Fateh », dit-il.
Le directeur de l’hôpital al-Chifa, Joumaa al-Saqqa, visite les patients entassés dans des pièces décrépites. Nombreux sont ceux qui ont été blessés lors des combats sanglants qui ont précédé la chute de la bande de Gaza aux mains du Hamas.
« Tous les jours, on a un ou deux cas qui arrivent à l’hôpital. Ils affirment être des membres des services de sécurité ou avoir des liens avec le Fateh. Certains portent des traces de coups, d’autres sont blessés par balles dans les jambes », explique le médecin.
La force exécutive nie toute exaction. « Nous démentons catégoriquement avoir recours à ces méthodes. Nous arrêtons uniquement ceux qui refusent de rendre leurs armes », assure Islam Chahwane, son porte-parole. « S’il y a des abus de la part de nos hommes, nous enquêterons et jugerons les coupables », a-t-il néanmoins ajouté.
Mercredi, le directeur adjoint de la télévision officielle palestinienne a eu toutefois droit à une visite de la force exécutive qui a fouillé son appartement dans le quartier de Tal al-Hawa (colline du vent), rebaptisée Tal al-Islam, la colline de l’Islam, par le Hamas. « Quatre hommes sont venus chercher des armes chez moi, mais ils savent que je n’en possède pas. Ils ont saisi mon téléphone et ma voiture », dit Mohammad al-Dahoudi, d’une voix encore tremblante.
Le centre al-Mizan pour la protection des droits de l’homme affirme que des « actions illégales se produisent à Gaza ». « Certains disent qu’ils ont été victimes de mauvais traitements. Il y a des arrestations, des gens sont emmenés pour des interrogatoires », indique son directeur Issam Younès. Cependant, souligne-t-il, « il est très difficile d’avoir des informations précises, car beaucoup ont peur de parler et on ne peut pas visiter les prisons. Nous avons demandé à deux reprises de visiter al-Machtal », un ancien quartier général des renseignements qui fait office de centre de détention. Mais « le Hamas a refusé », selon lui.
Un Palestinien soupçonné de collaboration avec Israël est d’ailleurs décédé dans des circonstances mystérieuses dans une prison administrée par le Hamas à Gaza, a annoncé hier une association de défense des droits de l’homme.
Ezzedine Abou Safia, le responsable en charge de l’administration au Parlement à Gaza, a également été arrêté mardi à l’aube à son domicile et emmené à al-Machtal. « Des hommes armés des Brigades Ezzedine al-Qassam (la branche armée du Hamas) m’ont emmené hier matin à al-Machtal pour, m’ont-ils dit, un interrogatoire », affirme-t-il. « Ils pensent que j’ai incité les fonctionnaires à ne pas respecter les jours de repos hebdomadaire. »
Le repos hebdomadaire est un sujet de querelle, le Hamas l’ayant fixé au jeudi et vendredi alors que le gouvernement d’urgence contesté par les islamistes a opté pour le vendredi et samedi. « Les Qassam [1] n’ont pas le droit de s’ingérer dans les affaires du Parlement. Ils détruisent la démocratie et violent les droits de l’homme », s’emporte-t-il.