Ils auront tergiversé jusqu’à la dernière minute, enchaînant les conciliabules tout le week-end, soupesant les conséquences et l’ampleur de leur transgression. Mais finalement, les leaders de la Liste arabe unie – coalition des quatre grandes formations des Palestiniens d’Israël – ont tranché.
« Nous allons faire l’histoire aujourd’hui : nous allons faire ce qui est nécessaire pour renverser [Benyamin] Nétanyahou », a résumé Ahmad Tibi, numéro 2 de la liste. Soit recommander la nomination de l’ex-chef d’état-major Benny Gantz comme Premier ministre au Président Reuven Rivlin, qui a la charge de décider qui, de Gantz ou Nétanyahou, tentera le premier de former un gouvernement.
En l’état, aucun des deux hommes ne dispose d’une majorité de sièges, même si Gantz compte désormais plus de soutiens que l’actuel Premier ministre, et devrait ainsi avoir la priorité sur Nétanyahou. Ce n’est pas encore le coup de grâce, mais ça y ressemble : c’est la première fois depuis son retour au pouvoir en 2009 que « Bibi » se retrouve dans une telle position. « Cela doit être la fin de sa carrière politique », a souligné Ayman Odeh, le leader de la Liste arabe unie, dans une tribune publiée par le New York Times.
Pour les députés arabes, qui incarnent toutes les nuances idéologiques de leur communauté (du parti marxiste arabo-juif d’Hadash aux nationalistes laïcs, en passant par les islamistes et les héritiers du nassérisme), il n’y avait rien d’évident à se prononcer en faveur de Gantz, l’homme qui mena les troupes de Tsahal à Gaza en 2012 et 2014, et dont le centrisme penche franchement à droite. D’autant plus que, traditionnellement, les partis arabes s’abstiennent systématiquement dans ce genre de situation, à l’exception de leur soutien à Yitzhak Rabin au moment des accords d’Oslo.
Impasse politique
Plus tôt dans l’après-midi, l’ultranationaliste Avigdor Lieberman, le (dé)faiseur de roi annoncé, s’était à nouveau raidi dans sa posture de Sphinx nihiliste, refusant comme prévu de recommander Nétanyahou, « allié aux fanatiques », mais aussi Gantz, qui pourrait « s’asseoir avec la Liste arabe unie, qui sont certainement mes ennemis ». Se faisant, Lieberman prive Gantz d’une majorité, et perpétue l’impasse politique dans laquelle Israël est plongé depuis qu’il a rompu son alliance avec Nétanyahou en avril.
Devant le Président Rivlin, Moshe Ya’alon, l’envoyé de Gantz, a lui aussi tourné le dos aux partis arabes en assurant que son parti cherchait à former une coalition des « partis sionistes incluant le Likoud[de Nétanyahou] », mais débarrassée des « extrémistes ». Pour sa part, Ayman Odeh a exclu toute participation de son parti à un gouvernement Gantz.
L’hypothèse d’un gouvernement d’union nationale a toujours la faveur de Gantz, mais il est peu probable que Nétanyahou soit prêt à se sacrifier pour y donner forme. D’ici là, la rhétorique de la droite est toute trouvée : « Comme nous avions mis en garde, les partis arabes […] qui glorifient les terroristes soutiennent Gantz comme Premier ministre. » Ainsi, le mandat que les députés arabes ont offert à Gantz pourrait se révéler un cadeau empoisonné. S’il échoue dans le temps imparti (quatre semaines) à rassembler une majorité, son rival Nétanyahou aura droit à un tout dernier essai. Probablement infructueux, ce dernier ouvrirait la voie à une troisième élection en un an, et à un dernier lancer de dés pour le Premier ministre en perdition.