Siham Barghouthi, la première, a dressé un tableau très contrasté de leur
situation. Dans son discours, se mêlent, imbriquées, la guerre et la vie de tous les jours.
Elle devait expliquer d’abord que la célébration du 8 mars 2007, toute proche, avait été une manifestation contre l’occupation des territoires et pour la revendication de Jérusalem Est comme capitale du futur Etat palestinien.
A ses yeux, la construction du mur qui entoure la ville constitue « une violation des droits de l’Homme comme des droits des femmes, qui font partie des droits de l’Homme ». Elle s’est réjouie que du côté israélien des femmes soient présentes aux barrages militaires et soutiennent leur combat pour que Jérusalem soit la capitale des deux Etats. Le 8 mars dernier, les femmes ont aussi appelé à la levée du siège économique imposé aux Palestiniens depuis la victoire du Hamas aux élections de 2006, ce qui a fortement aggravé leur niveau de pauvreté. Mais cette
célébration fut aussi l’occasion pour les femmes de faire des pétitions pour la paix sociale à l’intérieur des territoires, pour mettre un terme aux luttes intestines et à l’insécurité dont elles sont les principales victimes.
De façon plus générale, Siham Barghouthi a évoqué les multiples rôles
que jouent les femmes palestiniennes, conduisant à la fois des actions pour l’émergence d’un Etat palestinien et pour obtenir des lois pour protéger les familles et réprimer les violences faites aux femmes.
Pour Siham Barghouthi, la fin de l’occupation et un Etat indépendant sont les conditions pour que les Palestiniennes puissent s’opposer aux discriminations politiques, économiques, sociales et culturelles qui leur sont imposées. « Les femmes palestiniennes, a-telle expliqué, qui font partie du monde arabe, sont confrontées à une culture dont elles ont hérité. Comment les organisations de femmes palestiniennes
peuvent-elles changer cette culture, au nom de laquelle les hommes contrôlent tout ? Elles sont en permanence à la recherche de l’équilibre entre le droit national et les droits des femmes, alors que les hommes ne sont préoccupés que du droit national. Je pense que pour qu’elles puissent lutter pour les droits des femmes, il faut qu’elles soient actives et que la société les respecte pour les actions qu’elles mènent pour l’émergence des droits nationaux ».
Pour autant, un tel projet n’est pas simple à réaliser, même si la participation des femmes à la vie publique et politique ne reflète pas, selon Siham Barghouthi, l’importance de leur lutte pour l’indépendance.
En 2006, le pourcentage de femmes à l’Assemblée palestinienne s’élevait à 12,9% contre 5,7% en 1996. Il était de 17% au niveau des assemblées locales en 2005 contre 5,7% en 1996. Cette progression significative entre 1996 et 2006 de la participation des Palestiniennes aux prises de
décision4 s’est développée parce que, selon l’oratrice, la perspective de la liberté et d’un Etat se profilait.
Depuis 2006, le ministère de la Condition féminine et des Affaires sociales qui existait au sein du cabinet de l’Autorité palestinienne a été élargi par le Hamas aux politiques de développement dans leur ensemble.
Sur le plan économique, la participation des femmes au monde du travail
en 2006, selon le Centre de statistiques palestinien, était de 40,5% en moyenne (70,7% en Cisjordanie, 8% dans la bande de Gaza). Le niveau le plus élevé de la présence des femmes se situe dans les secteurs de l’agriculture et de la pêche (41,4%), suivis par les secteurs de l’enseignement (28,8%) et de la santé (6,4%) [(Note de la Fondation Jean Jaurès]].
Un système de quotas, voté après une longue lutte des femmes, figure dans la loi électorale depuis 2005. En 2004, une campagne a été engagée pour substituer un scrutin de liste au scrutin uninominal
actuel.
Le nombre de femmes qui travaillent dans le secteur informel, non pris en compte dans les statistiques officielles, a augmenté au cours des dernières années. De nombreuses femmes ont créé de petites entreprises génératrices de revenus, tirant avantage de métiers sans investissements, comme l’alimentation et la couture, pour empêcher leur famille de sombrer dans la pauvreté.
Sur le plan du chômage, l’écart entre les hommes et les femmes varie en
fonction du niveau d’éducation : important pour le niveau d’éducation le moins élevé, il est faible pour le niveau secondaire et presque inexistant pour le niveau d’éducation supérieure. Comme dans d’autres pays, les discriminations dans l’emploi sont très fortes. Les femmes éduquées sont concentrées dans la fonction publique alors que les femmes non éduquées le sont dans le secteur privé. Parce qu’elles occupent des emplois du bas de l’échelle, le salaire moyen des femmes est le tiers de celui des hommes.
Dans le domaine social, le pourcentage de foyers dirigés par des femmes dans les territoires palestiniens représente 7,9% du nombre total des foyers (8% en Cisjordanie et 7% dans la bande de Gaza). Ces foyers sont les plus pauvres.
On constate aussi une forte violence domestique. En 2005, 15,5% des femmes avaient été victimes de violences sexuelles. Sur ce sujet aussi, des organisations féminines se rassemblent pour faire entendre leur voix et pour enrayer cette violence.
Siham Barghouthi évoque aussi la question, selon elle peut-être propre à la société arabe, des crimes d’honneur. Les organisations féminines ont fait une proposition pour changer la loi sur ces crimes et pour que la loi jordanienne s’applique.
Les défis que doivent relever les femmes palestiniennes sont énormes, conclut-elle : à la fois lutter pour la paix pour changer leur statut, lutter contre la pauvreté et les violences, lutter pour la hausse du pouvoir d’achat. La responsabilité des mouvements féminins est très élevée.
A ses yeux, la paix est la clé pour que les Palestiniennes se battent pour l’égalité de leurs droits et changent leur condition sur le terrain.
Khuloud Dajani devait compléter ce tableau en demi-teinte en rappelant d’abord que les rapports de l’ONU soulignent l’importance de l’émancipation des femmes pour le développement des pays du Moyen-Orient. Approuvant les propos de Naomi Chazan sur l’importance du rôle des femmes dans tous les secteurs de la vie sociale, notamment dans les processus de paix, elle note cependant que les femmes, même instruites, participent peu à la prise de décision.
L’image de la femme reste dépréciée dans la plupart des pays les moins développés.
Retraçant l’histoire des Palestiniennes depuis le XIXème siècle, Khuloud
Dajani souligne qu’elles ont été impliquées dans les mouvements de libération nationale tout au long des XIXème et XXème siècles, ce qui a contribué à leur attribuer une autorité certaine au Moyen-Orient et « à leur donner de l’assurance et un concept positif de leur moi ».
Les premières, les Palestiniennes ont constitué dès les années 20 des syndicats de femmes. Après la guerre des Six jours en 1967 et au cours des quarante ans qui ont suivi, elles se sont engagées dans les organisations de résistance. Toutefois, si elles sont éduquées, elles ne participent pas assez au marché du travail et restent soumises au système patriarcal traditionnel renforcé par la domination de l’islam.
Aujourd’hui, pour Khuloud Dajani aussi, seuls la fin de l’occupation et un Etat indépendant peuvent permettre d’aller plus loin dans leur émancipation et de faire des femmes palestiniennes des citoyennes
à part entière dotées des mêmes droits que les hommes.
Khuloud Dajani l’affirme : « les femmes ne changent pas. C’est le regard
de la société sur elles qui doit changer… Les droits des femmes incluent non seulement les aspects particuliers du bien-être des femmes mais aussi les droits pour leur libre arbitre ».