"Obama poursuit deux objectifs, en acceptant de livrer davantage d’armes à Israël, explique un diplomate du Quai d’Orsay. Il espère que Netanyahou se montrera un peu plus conciliant à l’égard des Palestiniens, et, surtout, il veut amener les dirigeants de Téhéran à en rabattre sur leurs ambitions nucléaires." Un pari d’une rare ambiguïté. Pour éviter que les Israéliens ne s’en prennent aux sites nucléaires iraniens, et ne mettent ainsi le feu à toute la région, Washington prend le risque de leur fournir les moyens nécessaires à ces bombardements. Voilà qui, selon Obama, pourrait convaincre Téhéran de renoncer à fabriquer ses méchantes bombes. Ne reste plus qu’à y croire, à prier Poutine d’user de son influence sur ses amis iraniens, et à prier tout court, à la Maison-Blanche.
Ce plan américain a sans doute été ébauché en mars dernier, quand Barack Obama s’est rendu à Jérusalem avec l’intention de prouver au Premier ministre Netanyahou qu’il était un véritable allié, ce que ce dernier et son équipe de faucons ne cessaient de mettre en doute.
Deux mois plus tard, le 14 juin, le ministre israélien de la Défense, Moshe Yaalon, arrivait à Washington pour y rencontrer le patron du Pentagone, Chuck Hagel, et faire quelques emplettes.
Aucune difficulté financière sur de point. selon les services français de renseignement, Washington avait déjà décidé d’accorder à Israël une aide militaire de 37 milliards de dollars sur une période de quinze ans. Un prêt à un taux très avantageux, en contrepartie d’un engagement à s’équiper en matériel américain.Ce qui ne remet pas en question les 3 milliards que les Etats-unis versent gracieusement chaque année aux Israéliens. Au menu des achats prévus : de nouveaux avions F-15 et F-35 (la crème de la crème), des radars, des batteries de missiles antiaériens et antimissiles, des blindés lourds, etc..
Livraisons massives
Ce ne pouvait suffire - au cas où Netanyahou et ses successeurs décideraient de bombarder les sites nucléaires iraniens - Washington va donc livrer, dit-on, à la Direction du renseignement militaire, plusieurs avions ravitailleurs en vol KC-135 Stratotanker afin de permettre aux appareils israéliens d’atteindre l’Iran et d’en revenir. S’y ajoutent de nouveaux missiles air-sol et antiradars, capables d’aveugler la défense antiaérienne adverse. L’électronique banalise vraiment l’art de la guerre....
Mieux, les Israéliens vont recevoir une dizaine de V-22 Osprey, un avion qui peut décoller et atterrir comme un hélicoptère. A en croire un expert militaire, ce merveilleux engin "permet une intrusion clandestine sur un territoire ennemi même très lointain, et à basse altitude, puis d’y déposer deux douzaines de commandos spéciaux". En clair, des militaires qui, depuis le sol, pourront guider un éventuel bombardement de F-15 ou de F-16 sur l’Iran. Voire saboter certaines installations où savants et techniciens seraient en train de mettre au point de futures bombes nucléaires.
Lors des rencontres entre John Kerry et Benyamin Netanyahou, cette co-opération militaire était encore au menu de leurs entretiens. Mais le secrétaire d’Etat US qui a succédé à Hillary Clinton (bien plus pro-israélienne que lui) devait remplir une autre mission. Faire la navette entre Netanyahou et Mahmoud Abbas, le président de l’Autorité palestinienne, en espérant qu’Israël cesserait de développer ses colonies de peuplement en Cisjordanie. Des constructions que la communauté internationale et les Palestiniens jugent illégales.
"Une vingtaine d’heures passées par John Kerry à tenter d’obtenir que Netanyahou se montre conciliant sur ce point, mais sans résultat", se désole un conseiller de Laurent Fabius. Exact : le 1er juillet, une fois Kerry rentré au pays, Netanyahou autorisait la construction de 930 logements dans la colonie de Har Homa, proche de Jérusalem-est.
Il joue gagnant-gagnant face à Obama.
Claude Angeli