Bitterlemons :
Le Document des prisonniers est une initiative lancée par des représentants de tous les groupes palestiniens dans les prisons israéliennes. Comment ça s’est passé ?
Barghouti :
Le document a été conçu comme une réponse à la détérioration qu’on observait sur la scène palestinienne et les signes dangereux de tensions internes. Il provient de la profonde inquiétude que la situation ne soit plus contrôlable. Et aussi de la préoccupation qu’entraînait le ressérement du siège sur les Palestiniens.
L’idée était de produire un document qui pouvait constituer un dénominateur commun pour toutes les forces politiques ; une tâche difficile dans le contexte palestinien parce que la majorité de ces forces s’arc-boutaient sur leurs programmes et n’ont pas l’habitude d’un programme commun. Nous avons pensé qu’il était grand temps de trouver une stratégie palestinienne conjointe. Il a fallu des semaines de discussions avant que nous nous accordions sur cette initiative et sur sa forme actuelle.
Nous pensons que ce document est historique et qu’il nous aidera tous, s’il est adopté, à unifier nos programmes et nos discours politiques et à repousser le spectre de la guerre civile qui menace notre peuple. Nous espérons que ce sera aussi une percée dans le mur du siège qui nous opprime et nous fait souffrir.
On a beaucoup parlé du fait que ce document appelle à l’établissement d’un Etat palestinien sur les frontières de 1967, que c’est une reconnaissance implicite d’Israël et que c’est pour cela que le Hamas s’y oppose. C’est bien ainsi qu’il faut comprendre le document ?
Barghouti :
Les forces palestiniennes depuis de nombreuses années, mais surtout depuis que l’Intifada al-Aqsa a éclaté, sont toutes d’avis que le but du peuple palestinien est d’établir un Etat palestinien avec pleine souveraineté sur tous les territoires occupés par Israël en 67. La reconnaissance entre l’OLP et Israël a eu lieu il y a 16 ans et ce document n’a rien à y voir.
Les directions du Hamas et du Jihad Islamique en prison ont participé effectivement à l’élaboration du document. Elles l’ont signé et continuent à le soutenir malgré l’opposition de certains dirigeants du Hamas et du Jihad Islamique à l’extérieur. Je pense que cette opposition est hâtive et qu’ils n’ont pas porté la considération voulue (au document).
Une lecture rapide du document montre clairement que c’est un document de constantes nationales, l’unité nationale et le partenariat politique. Il s’agit de dénominateurs communs, pas de promouvoir les positions d’un parti quelconque. Ce n’est pas le programme sur lequel Président Mahmoud Abbas a été élu et ce n’est pas celui du Hamas.
C’est un programme unifié et un projet stratégique pour nous tous. Toutes les parties doivent apprendre à coopérer, à la lumière de leurs différents programmes, mais elles doivent le faire dans le contexte d’un projet stratégique et d’une vision unifiés. Je suis persuadé que les directions du Hamas et du Jihad Islamique finiront par accepter ce document
Mais les signataires du Hamas et du Jihad ont retiré leur appui. Que s’est-il passé ?
Barghouti :
La direction du Hamas et du Jihad Islamique dans les prisons a participé effectivement à ce document et nous sommes en contact quotidien, constant, permanent. Dans la prison de Hadarim se trouvent plusieurs personnalités des diverses forces palestiniennes et nous sommes aussi en contact et consultation continus avec des dirigeants dans d’autres prisons. Ce dialogue et cette consultation continus ont rendue plus facile la tâche d’élaborer ce document parce que nous nous comprenons et que nous avons une confiance réciproque totale.
Nous sommes rassemblés dans les tranchées du combat et de la résistance. Ceci n’est pas un débat frivole, byzantin . C’et un dialogue responsable. Les dirigeants du Hamas et du Jihad Islamique qui ont signé le document sont des symboles bien connus de notre lutte. Ils ont refusé le référendum mais ils adhèrent toujours au document.
Est ce que les prisonniers s’attendaient à ce que le document prenne cette importance ?
Barghouti :
Les prisonniers espéraient que le document trouverait du soutien et qu’il serait bien accueilli mais le soutien obtenu dépasse toutes leurs espérances.
Approuvez vous la décision du Président Mahmoud Abbas, Abu Mazen, de soumettre le document à un référendum populaire, sans tenir compte de la position du Hamas et du gouvernement palestinien ?
Barghouti :
Le document est conçu pour amener à la conciliation. Nous l’avons appelé le Document de Conciliation Nationale et on arrive à la conciliation par le dialogue, qui doit être la base sur laquelle adopter le document. Nous pensons que la conférence de dialogue national a eu raison d’ adopter le document. De plus, la décision du Président Abu Mazen d’ adopter et soutenir le document a été très appréciée par les prisonniers dans toutes les prisons, qui ont salué cette position de principe. Nous pensons qu’il reste une bonne chance qu’on arrive à un accord sur le document par le dialogue, ce qui est la priorité de tous.
Certains groupes, y compris le Hamas et le FPLP, disent que tout référendum devrait inclure tous les Palestiniens, même ceux qui sont hors de Palestine. Etes vous d’accord ?
Barghouti :
C’est ce que nous avons toujours demandé. En fait il est mentionné dans une des clauses du document que toutes les décisions cruciales devaient se prendre avec la participation de tout notre peuple, dans la patrie ou en exil.
Le document devait entraîner la réconciliation nationale mais il semble avoir semé encore plus de discorde. Que pensez -vous de ce développement ? Comment les Palestiniens peuvent-ils éviter de nouvelles divisions ?
Barghouti :
Ce document peut enclencher un processus palestinien unifié. Il peut activer des institutions unifiées, pour protéger l’expérience démocratique et consolider l’état de droit et offrir des solutions à des problèmes stratégiques importants. Le document ouvre la porte à la résolution de problèmes dans les institutions de l’OLP et il permet au Hamas et au Jihad de rejoindre l’OLP sur la base qu’elle est le seul représentant légitime de notre peuple où qu’il soit. Renforcer et restructurer l’OLP est une nécessité nationale. Ce document ouvre aussi la porte à la formation d’un gouvernement d’union nationale.