En mai dernier, la bande de Gaza, depuis 16 ans sous un blocus inhumain, était à nouveau bombardée sous le prétexte inédit d’une « guerre préventive ». 35 morts pour la plupart des non-combattants, des destructions considérables, une population traumatisée, c’est le bilan d’une opération qui n’avait même pas le prétexte d’une réponse à un quelconque tir de roquette.
En Cisjordanie, la colonisation se développe à marche forcée, les projets de développement d’infrastructures se multiplient aux dépens de la terre palestinienne, l’objectif est affiché d’un doublement du nombre des colons. Ce 20 juin, Israël a donné les pleins pouvoirs sur l’extension des colonies au ministre d’extrême-droite Smotrich, après lui avoir transféré le contrôle de l’administration coloniale de la Cisjordanie.
Face à une résistance armée palestinienne qui s’enracine, nous assistons de la part d’Israël à une escalade militaire ; à Jénine, des dizaines de blindés et un hélicoptère de combat ont été engagés dans une opération qui a fait six morts et 91 blessés palestiniens. Dès le lendemain, quatre colons trouvaient la mort dans une action armée palestinienne. Une attaque massive israélienne contre l’ensemble de la population palestinienne de Cisjordanie, y compris contre de grandes villes palestiniennes, est réclamée par les ministres Ben Gvir et Smotrich.
À Jérusalem, les opérations de dépossession ou de destruction d’habitations palestiniennes continuent, et les provocations de colons fanatiques, protégés par les forces israéliennes, se multiplient sur l’Esplanade des Mosquées ; ils s’attaquent au cœur même de l’identité palestinienne, et ne craignent pas le risque de provoquer un conflit religieux au plan mondial.
En Israël même, les projets de loi liberticides visant spécifiquement la population palestinienne se multiplient. Quant aux réfugiés palestiniens, dont le droit au retour est toujours dénié par Israël, ils sont touchés de plein fouet par la crise financière de l’UNWRA.
Les réponses de la France et des États européens sont pratiquement inexistantes, très loin de l’enjeu majeur que constitue la protection du peuple palestinien face au pouvoir israélien qui veut l’éliminer.
Face à des violations aussi flagrantes du droit international, face à un gouvernement ouvertement fasciste qui vise à l’élimination d’un peuple sur sa terre, on aurait pu penser que les inconditionnels du pouvoir israélien en France feraient profil bas. Il n’en est rien. Les attaques orchestrées contre les député·es qui soutiennent les droits du peuple palestinien, l’acharnement du CRIF contre Salah Hamouri, sont particulièrement indignes, et dangereuses pour la cohésion de notre propre société. Elles relayent de manière complaisante la stratégie offensive du pouvoir israélien pour conforter son impunité.
Saluons l’initiative du groupe GDR de l’Assemblée nationale, qui a fait entrer la question du régime d’apartheid israélien au sein de l’Hémicycle. Saluons le groupe LFI et le groupe écologiste qui ont pris une position claire sur cette proposition de résolution. Les autres groupes politiques se rendent-ils au moins compte de leur responsabilité historique et de la violence de leur position vis-à-vis du peuple palestinien ?
La bataille pour la reconnaissance du crime d’apartheid dont le peuple palestinien est victime connaît une nouvelle dynamique sur le plan international. Pour la première fois, en décembre 2022, l’OLP, les ONG palestiniennes de défense des droits humains, le BNC (comité national du Boycott) palestinien, le ministère palestinien de la Justice, ont publié une déclaration commune pour dénoncer le régime d’apartheid exercé par le pouvoir israélien contre tout le peuple palestinien. De nouvelles initiatives sont annoncées dans ce cadre, et pourraient d’ici la fin de l’année être portées à l’ONU.
Les autorités françaises sauront-elles éviter la honte de s’opposer à ce projet ? Les forces politiques françaises qui ont choisi de se placer dans le déni de la réalité vont-elles enfin se réveiller ? C’est un des grands enjeux des mois à venir.
Et en attendant, la priorité absolue doit être la protection internationale du peuple palestinien face à un pouvoir israélien qui travaille de plus en plus ouvertement à son élimination. Les autorités françaises doivent sortir de leur silence et passer aux actes.
Bertrand Heilbronn, 20 juin 2023