- Photographie de l’UNRWA
prise à la fin de années 60.
La guerre de 1967 se
traduit par un nouvel
exode et un nouvel exil.
Image extraite de
l’ouvrage d’Elias Sanbar
Les Palestiniens -
La photographie d’une
terre et de son peuple de
1839 à nos jours, Editions
Hazan, Paris, avril 2004,
383 pages.
1967, 2007. Voici quarante ans,
du 5 au 10 juin 1967, la guerre
dite « des Six jours » modifiait
la carte du Proche-Orient.
Aujourd’hui, l’occupation et les faits
accomplis de la colonisation des territoires
palestiniens par Israël restent
impunis. Alors que le conflit israélopalestinien
demeure au coeur de l’instabilité
de toute la région, percutant les
ondes de choc de l’occupation américano-
britannique de l’Irak, la fin de
l’occupation israélienne s’impose
comme une urgente nécessité qui interpelle
en particulier la France et l’Europe.
L’histoire de la guerre des Six jours
est connue [1]. Même si, en 1967, une part
des médias, notamment français, a présenté
la guerre comme le fruit d’une
agression de l’Egypte souhaitant détruire
Israël, suivie d’une riposte puissante
de l’armée israélienne. La guerre s’est
en fait inscrite alors à la fois dans un
contexte de montée des tensions régionales
dans l’ombre portée de la guerre
froide, et dans celui de la spécificité
du conflit israélo-palestinien, et de la
conquête territoriale de la Palestine.
Moins de vingt ans après l’expulsion
des Palestiniens de leur terre, c’est dans
la foulée du premier sommet des Etats
arabes au Caire qu’est créée l’OLP en
1964, alors sous la présidence d’Ahmed
Choukeyri. Parallèlement se forment
dans l’exil, et dans les camps de réfugiés,
des mouvements de résistance ;
c’est ainsi que dès 1965 ont lieu les
premières opérations du Fatah, naissant,
sous la direction de Yasser Arafat,
galvanisé par l’indépendance de
l’Algérie et par l’émergence de ce que
l’on nomme alors le Tiers Monde
comme acteur à part entière sur la scène
internationale. Elles sont suivies de
raids israéliens de représailles contre les
pays dits de la ligne de front d’où partent
ces actions.
Ces années sont aussi celles de la montée
des tensions. En 1963, Israël décide
du détournement unilatéral des eaux
du Jourdain. Puis viennent de nouveaux
raids contre les tentatives arabes
de reprise du Jourdain. Israël fait la
démonstration de sa supériorité militaire.
Dans le contexte de la guerre froide, le
monde arabe est divisé entre Etats se
présentant comme progressistes et ceux
qu’ils qualifient de réactionnaires.
L’Egypte de Nasser galvanise l’opinion
en se présentant, notamment,
comme fer de lance du nationalisme
arabe.
- L’exode de 1967
au pont Allenby
sur le Jourdain
(UNRWA, 1967).
A droite, laissezpasser
de réfugié
palestinien
(UNRWA, sd.)
Photographies
extraites du livre
d’Elias Sanbar
Les Palestiniens -
La photographie
d’une terre et de
son peuple de
1839 à nos jours,
Edition Hazan.
Mai 1967 est le mois de tous les dangers.
Le 15, Israël organise un défilé
militaire à Jérusalem, le 17, l’Egypte
place ses troupes en état d’alerte puis,
après le retrait du Sinaï des forces de
l’Onu, Nasser ferme le 22 le golfe
d’Aqaba aux navires israéliens. La Jordanie
puis l’Irak se rallient au pacte
militaire égypto-syrien. Le 5, Israël
déclenche la guerre et anéantit dès le
premier jour l’aviation des Etats arabes.
La guerre, qui dure six jours, se solde
par la victoire écrasante de l’armée
israélienne. Les donnes sont bouleversées.
C’est le début de l’occupation par Israël
de Jérusalem-Est, du reste de la Cisjordanie,
de la bande de Gaza, du Golan
syrien et du Sinaï égyptien. L’Etat
d’Israël - qui n’a pas fixé ses frontières - contrôle de fait un territoire
quatre fois plus grand qu’avant la guerre.
Pour les Palestiniens, c’est le début
d’un nouvel exode. Deux cent cinquante
mille réfugiés s’ajoutent à ceux
de l’expulsion de 1947-1949 dont Israël
refuse obstinément le retour en dépit des
résolutions des Nations unies. Dans
les territoires occupés, c’est aussi le
début d’une répression sanglante contre
toute forme de résistance. Et le début
de la colonisation. Tout aussi illégalement,
Israël annexera Jérusalem et le
Golan syrien. La résolution 242 adoptée
par le conseil de sécurité de l’Onu
le 22 novembre 1967 rappelle l’inadmissibilité
de l’acquisition de territoires
par la force mais n’évoque les
Palestiniens qu’en tant que réfugiés
(voir encadré). Elle ne sera jamais appliquée,
pas plus qu’aucune des nombreuses
autres résolutions adoptées
depuis la partition de la Palestine historique
décidée par l’Onu en novembre
1947, voici bientôt soixante ans.
Dans le monde arabe, c’est la consternation.
Mais paradoxalement, la défaite
des armées arabes régulières verra naître
une OLP authentiquement palestinienne
dont Yasser Arafat prendra la direction,
donnant une visibilité au peuple
palestinien et à la légitimité de ses
revendications nationales, unifiant la
résistance, tentant de l’émanciper des
tutelles arabes sans pour autant rompre
des alliances nécessaires à la survie du
mouvement. Le droit au retour en est
la priorité et la première Intifada, vingt
ans plus tard, recentrera la lutte palestinienne
sur le territoire occupé luimême.
Dans ses prochaines éditions, PLP
reviendra sur l’histoire, donnant naturellement
la parole aux historiens et
analystes palestiniens. Non pas pour
figer la mémoire dans le commémoratif
infécond, mais parce que la négation
de l’histoire a accompagné celle
de l’identité palestinienne elle-même
et parce que la logique coloniale et
annexionniste alors à l’oeuvre opère
encore aujourd’hui dans l’impunité.
Dans ce numéro, nous avons voulu
revenir sur l’état de l’opinion en France
au moment de la guerre des Six Jours.
Nous avons sollicité des témoignages,
que nous continuerons à publier. Comme
le rappelle Monique Etienne, une majorité
croyait encore qu’un peuple sans
terre avait fait fleurir le désert d’une terre
sans peuple. Pour certains, ce fut un choc. Une prise de
conscience. Celle, d’abord,
avant même de comprendre
les ressorts d’une occupation
qui se poursuit quarante ans
plus tard, de l’existence du
peuple palestinien. Et,
partant, de ses droits.