Maher Al-Akhras, qui est en grève de la faim depuis sa mise en détention administrative le 27 juillet, mène un combat contre le puissant appareil de l’occupant israélien. Chaque jour le rapproche davantage de la mort, alors qu’Israël semble vouloir prouver par ce cas que la vie des Palestiniens, comme leur liberté et les droits de l’homme, n’ont aucune valeur. Mais l’obstination redoutable de sa grève de la faim contre le principe de la détention administrative, et sa détermination à ce que la grève ne se termine qu’une fois qu’il sera libre ou qu’il deviendra un martyr, est en train de mobiliser de plus en plus de gens pour le soutenir. Vendredi, au 89ème jour de sa grève de la faim, il a semblé que ses tortionnaires israéliens ont finalement perdu leur sang-froid.
Le contexte
Le 27 août, après avoir achevé le premier mois de sa grève de la faim, Al-Akhras a été transféré de la prison militaire d’Ofer à la clinique centrale du « Service des Prisons » israélien à la prison de Ramleh. C’est une institution ayant une très mauvaise réputation ; les prisonniers la qualifient de « cimetière pour les vivants ». Le 9 septembre, après une dégradation supplémentaire de son état de santé, les médecins de la prison ont déclaré qu’ils ne pouvaient plus le soigner et il a été transféré à l’hôpital Kaplan, un établissement civil dans la ville de Rehovot.
Al-Akhras a continué sa grève de la faim et son organisme est devenu toujours plus fragile. Son avocate, Ahlam Haddad, s’est adressée plusieurs fois à la Haute Cour d’Israël pour réclamer sa libération immédiate. Comme d’habitude dans de tels cas, les juges de la haute cour ont entendu derrière des portes closes les « accusations secrètes » contre Al-Akhras énoncées par les officiers des services de sécurité, sans qu’elles soient révélées au prisonnier ou à son avocat. Le tribunal a refusé d’invalider l’ordonnance de détention.
Toutefois, le 22 septembre, prenant en compte l’état de santé de Al-Akhras, ils ont décidé que dans son état de santé actuel il ne pouvait pas représenter un quelconque « danger pour la sécurité de l’état ». A partir de là ils ont suspendu sa détention, mais ils ont déclaré que même s’il n’était plus détenu, il n’était toujours pas autorisé à aller chez lui ou dans un hôpital de Cisjordanie. Ceci a été fait pour faciliter le renouvellement de sa détention une fois que son été de santé se serait amélioré.
Al-Akhras a alors été mis en détention en tant que « éventuel-détenu-administratif » à l’hôpital Kaplan. Sa femme l’a rejoint à l’hôpital, et il y a eu plusieurs manifestations en solidarité avec lui en face de l’hôpital. Son lit d’hôpital est devenu un centre d’intérêt pour les militants qui se sont déplacés pour exprimer leur solidarité avec lui.
Le prisonnier ré-arrêté
Vendredi, le 23 octobre, les autorités d’occupation ont informé l’avocate de Al-Akhras que l’hôpital Kaplan ne souhaitait pas le garder plus longtemps, en raison du fait qu’il refusait ses traitements thérapeutiques, et ils ont aussi affirmé que ceux qui lui rendaient visite mettaient en danger le autres patients par des virus. Devant ceci, les autorités israéliennes ont renouvelé sa détention administrative et Al-Akhras a été transféré à nouveau à la clinique de la prison de Ramleh. Ceci a contredit l’avis de la Haute Cour rendu le 22 septembre, il y a plus d’un mois, selon lequel, en raison de son état de santé, Al-Akhras ne représentait plus un danger. Depuis cette audience, il a continué à être en grève de la faim, et il y a eu des rapports médicaux clairs décrivant la détérioration de sa santé au point d’un danger imminent pour sa vie ou de dommages irréversibles aux systèmes de son organisme. Cela a aussi contredit les médecins de la prison qui ont déclaré le 9 septembre qu’ils ne pouvaient plus le soigner.
L’avocate de Al-Akhras s’est immédiatement tournée à nouveau vers la Haute Cour, en lui demandant d’empêcher les autorités de la prison de le déplacer vers la clinique de la prison (il n’avait pas encore été transféré), pour supprimer le renouvellement de la détention, et pour ordonner sa libération immédiate en se fondant sur la détérioration de son état de santé. Vendredi leur lutte a remporté une petite victoire quand le tribunal a ordonné de suspendre son transfert et de le laisser à l’hôpital Kaplan jusqu’à ce que les délibérations soient terminées. Le principal moyen devrait être entendu le dimanche 25 octobre.
Torturer la famille
Samedi après-midi, la famille de Al-Akhras, comprenant sa mère en fauteuil roulant, sa femme, et trois de leurs six enfants, est arrivée à l’hôpital Kaplan pour voir leur bien-aimé fils, mari et père. Ils n’ont pu venir de chez eux à Silat ad-Dhahr, près de Jénine, en Cisjordanie occupée, qu’avec une habilitation de sécurité spéciale.
Mais quand ils sont arrivés, les gardiens de prison, cernant la chambre des patients, les ont empêché d’entrer, même pour jeter un coup d’oeil à leur bien-aimé. Sa mère et ses enfants ne l’ont pas vu depuis qu’il a été arrêté il y a trois mois. Maintenant, alors que sa vie est en danger immédiat, cette obstination de la part des gardiens était déchirante.
La famille et certains de ceux qui les soutiennent, parmi lesquels le député Ofer Cassif de la Liste Unifiée, ont annoncé qu’ils commenceront une grève de la faim dans l’hôpital jusqu’à ce qu’ils soient autorisés à lui rendre visite.
Une solidarité accrue
Malgré les dures conditions politiques et de puissantes distractions, il y a une vague grandissante d’actions de solidarité avec Maher Al-Akhras.
Il y a une semaine, le 17 octobre, il y a eu une manifestation à Haïfa, à l’appel des militants qui soutiennent les prisonniers et du Herak Haifa (Haïfa en Mouvement). La rue principale de la Colonie Allemande a été fermée et un militant a été arrêté. Lundi il y a eu une manifestation centrale à l’appel du « haut comité de coordination » - la direction unifiée des partis et mouvements palestiniens dans les territoires de 48 - près de la prison de Megiddo au Nord.
Quand la nouvelle du transfert de Al-Akhras à la clinique de la prison de Ramleh est arrivée, les militants ont immédiatement déclaré une veille le samedi en face de la prison de Ramleh. Quand la nouvelle est ensuite arrivée qu’il était en réalité encore à l’hôpital Kaplan, la manifestation a été prolongée - après en avoir fini à Ramleh les manifestants se sont à nouveau rassemblés en face de l’hôpital.
Les volontés de Maher
Samedi matin, l’avocate de Al-Akhras lui a rendu visite à l’hôpital Kaplan. Elle a noté ses mots, décrivant les événements de vendredi et exprimant ses dernières volontés pour ses funérailles et pour l’avenir de son peuple. Voici ses mots tels qu’elle les a transcrits :
Ce compte-rendu que j’écris contient les mots du prisonnier Maher Al-Akhras, qui a été en grève de la faim pendant 90 jours, quand je lui ai rendu visite aujourd’hui, samedi matin. Il déclare :
« Hier 23-10-2020, à 12h00 un groupe de gardiens de prison, d’agents du service de sécurité et de gardien de l’hôpital est entré. Ils ont forcé ma femme à sortir de la chambre de façon à ce que je sois laissé seul. Les gardiens de prison m’ont sorti du lit. Je ne sais pas si cela était volontairement ou non, mais ils ont lâché prise et je suis tombé par terre sur le visage. Puis ils m’ont porté et m’ont emmené dans un fauteuil roulant dans la chambre 303 dans le même service.
« Vers environ 14 h, en raison de l’énervement causé par ce qui m’était arrivé, j’ai ressenti de forts maux de tête, une tension au coeur et une douleur intense dans tout le corps, c’était la première fois que je ressentais ces douleurs. J’avais des frissons sur tout le corps et je n’entendais rien et ne voyais rien. L’équipe médicale s’est groupée autour de moi. Selon ce dont je me souviens, je leur ai dit de ne pas me toucher, je ne veux pas que vous me soigniez, ni que vous vous approchiez de moi. Je ne sais pas ce qui est arrivé après cela. Je me suis seulement réveillé avec le médecin près de moi qui essayait de me réveiller et il était 5h de l’après-midi. Il s’était passé trois heures alors que j’étais inconscient.
« Aujourd’hui je me sens très faible, le corps frissonnant et tremblant. Je peux à peine me concentrer, parler ou voir. Je ressens une tension au coeur.
Le message et les volontés de Maher :
« J’ai demandé que ma mère, ma femme et mes enfants me rendent visite.
« Je ne veux pas mourir à Kaplan et je ne veux pas qu’ils m’aident. S’ils veulent m’aider, qu’ils m’emmènent dans un hôpital en Cisjordanie. Je veux mourir parmi ma famille et mes enfants.
« Je ne veux pas qu’on me mette au frigidaire et pas du tout qu’on dissèque mon corps, ni ici ni en Cisjordanie.
« Je veux que les anciens prisonniers qui mènent la bataille par des grèves de la faim et les familles des martyrs portent mon cercueil.
« Ma volonté envers mon peuple est de protéger la patrie. »
Traduit de l’anglais par Yves Jardin, membre du GT prisonniers de l’AFPS