- PLP : La disparition de Yasser
Arafat a créé une situation complètement
nouvelle pour la vie politique palestinienne. On a même pu
craindre un chaos. C’est en tout cas la
fin d’une époque et la nouvelle direction
politique aura à affronter d’énormes
problèmes à la fois sur le plan intérieur
et sur le plan international. Dans quelles
conditions va-t-elle les aborder ? Quel
premier bilan peut-on tirer de l’après-
Arafat ?
Leila Shahid : La transition suivant la
période Arafat - qui aura duré 40 ans et
qui aura constitué la colonne vertébrale
du mouvement palestinien - s’est passée
de manière très saine et très sereine.
Ce qui prouve que le Président Arafat a
légué un minimum d’institutions et de
structures politiques qui ont permis à
cette transition de se faire malgré les
quatre années de sape systématique de
l’Autorité Palestinienne par le gouvernement
Sharon et ce qui prouve aussi
la maturité politique de la société.
Le plus important est le fait que la
méthode utilisée pour le choix des nouveaux
dirigeants fut l’élection pluraliste
et démocratique et sous surveillance
internationale de tous les candidats à
tous les postes, depuis le Président de
l’Autorité Palestinienne jusqu’aux
membres des Conseils municipaux et,
bientôt j’espère, les députés et les dirigeants
des partis politiques. Il faut reconnaître
aux Palestiniens leur mérite parce
qu’après tout ce ne sont que les secondes
élections démocratiques en Palestine
(les premières ont eu lieu en 1996) et elles
sont venues à l’improviste : le décès du
Président Arafat, survenu de manière
brutale, nous a pris de court. On peut
se féliciter que, malgré toutes les entraves
mises par les autorités israéliennes, surtout
à Jérusalem où l’on a empêché les
électeurs de voter pour affirmer l’annexion
de la ville et des habitants, les autorités
palestiniennes ont réussi ces élections
dans le respect de la pluralité des candidats,
de la liberté des programmes
politiques défendus par chacun et dans
la mobilisation et la participation
citoyennes, démocratiques. C’est un
bilan très positif et encourageant pour
l’avenir, au moins à cette étape.
- PLP : Au niveau du contenu, à votre
avis qu’ont exprimé les élections présidentielle
et municipales ?
L.S. : L’élection présidentielle exprime
un choix démocratique très clair de retour
à la négociation politique pour la mise en
oeuvre du processus de paix, plus précisément
du processus de décolonisation,
et pour la mise en oeuvre de la
« Feuille de route » et le rejet clair du
recours à la violence, en particulier contre
les civils. C’est la preuve que le débat
qui a occupé l’opinion publique politique
pendant quatre ans sur les bienfaits et
les méfaits de la militarisation de l’Intifada,
a abouti à un choix clair. Cette militarisation
était une réaction inévitable à
l’excès de force militaire dans la répression
israélienne, mais aussi une dérive
de certains groupes palestiniens qui sont
tombés dans le piège de Sharon, en particulier
dans les actions inadmissibles
contre les civils israéliens. Le choix d’un
candidat, Mahmoud Abbas qui, de
manière très claire, a invité les gens à
le suivre sur ce chemin, est significatif
de la maturation de la pensée politique
palestinienne qui tire les leçons de ses
succès mais aussi de ses échecs durant
les dix années du processus d’Oslo.
Deuxième point sur le contenu de ces
élections : la réussite du débat sur l’unité
nationale palestinienne. Mahmoud Abbas
est très soucieux d’intégrer dans le jeu
politique national toutes les composantes
de la société palestinienne, y inclus les
derniers nés des partis politiques qui ne
font pas partie de l’OLP, comme le Hamas
fondé en 1987, le Djihad Islamique, fondé
en 1988, et qui, jusqu’à ces élections, se
situaient à l’extérieur du système politique
palestinien.
La décision du Hamas, du Djihad Islamique
et de tous les autres partis, laïques,
(Fatah, Front Populaire, Front Démocratique,
Parti du Peuple palestinien) de
participer aux élections municipales est
le résultat du dialogue entrepris par Mahmoud
Abbas depuis 2003, lorsqu’il était
Premier ministre et qu’il a poursuivi depuis
son élection comme Président, le 9 janvier
2005.
Le principe du respect du pluralisme
politique et du droit de toutes les forces
politiques, qui font partie intégrante de
la société palestinienne, est la base de
la Constitution démocratique citoyenne.
Le fait que le Hamas ait remporté un tiers
des sièges des Conseils municipaux est
la preuve de l’engagement réel de ces
forces dans un système politique parlementaire
qui se dirige vers la mise en
place d’institutions nationales légitimes
et démocratiques. C’est aussi le meilleur
bouclier contre la guerre civile dans laquelle Israël voudrait nous entraîner.
Cela fait aussi partie du legs du Président
Arafat qui a réussi la sauvegarde de
l’unité nationale du peuple palestinien
depuis la fondation de l’OLP en 1964.
La transition a aussi montré l’unité de la
société palestinienne dans le respect du
pluralisme et la capacité de l’Autorité
Palestinienne à respecter cette diversité.
En même temps, elle a démontré la maturité
des choix de la société dont environ
les deux tiers sont laïques et un tiers
proche des islamistes. C’est ce que disent
les urnes et il faudra les respecter.
- PLP : Mais restent encore les élections
législatives qui sont déterminantes. Or,
celles-ci viennent d’être reportées, apparemment
sine die.
L.S. : Il y a bien sûr aujourd’hui le défi
d’élections majeures, celles internes aux
partis politiques, à commencer par le
Fatah, mais aussi tous les autres partis
et il y a les élections du Conseil législatif.
Leur report était inévitable mais non,
comme la presse l’a suggéré, par peur
d’affronter les urnes mais parce qu’il fallait
choisir une loi électorale qui donne
la possibilité aux partis politiques d’assumer
un jeu parlementaire. Ce qui suppose
la remise en cause de la loi actuelle
qui impose le vote par circonscription. Il
faut la modifier pour permettre la participation
des différents partis politiques.
Le report de la date était inévitable. Les
élections auront lieu après le retrait de
Gaza ce qui donnera le temps de les
préparer dans des conditions plus satisfaisantes.
En particulier : la consolidation
de la trêve respectée en gros par
tous les partisans de la lutte armée mais
non par l’armée israélienne. Mahmoud
Abbas est persuadé que par le dialogue
interne, par l’amélioration des conditions
de vie sociales et économiques, par l’application
de la « Feuille de Route » et le travail
du Quartet, il peut consolider la trêve
beaucoup plus que par toute tentative
de désarmement par la force des groupes
armés. D’abord, parce qu’une tentative
de désarmement par la force peut vite
dégénérer en guerre civile et, ensuite et
surtout, parce qu’il est très facile de se
reprocurer des armes sur le marché
israélo-palestinien local. Il faut donc assurer
les conditions politiques de la trêve intérieure
et extérieure avant de se lancer
dans la campagne électorale pour les
législatives où le débat sera passionné
car il opposera pour la première fois
laïques et religieux.
- PLP : En attendant, quels sont les rapports
avec le pouvoir israélien ?
L.S. : Sur le plan des relations bilatérales,
le bilan est beaucoup moins positif.
Depuis le 9 janvier 2005, le Président
Mahmoud Abbas n’a rencontré Ariel
Sharon que deux fois : au sommet de
Charm-El-Cheikh, le 8 février, sous l’égide
du Quartet et en présence du roi de Jordanie
et du Président égyptien et, le 21
juin, à Jérusalem-Ouest, dans un sommet
bilatéral. Les deux sommets du 8
février et du 21 juin ont été un échec
total. Dans le premier, les engagements
pris par Sharon pour la libération des
prisonniers politiques, le retrait de l’armée
israélienne de cinq villes occupées, la
levée des bouclages des villes et des
villages, n’ont jamais été mis en oeuvre
réellement. Au deuxième sommet, malgré
la visite de la Secrétaire d’Etat américain
Condoleezza Rice et les engagements
qu’elle avait assurés à Mahmoud
Abbas quelques jours plus tôt, le 18 juin,
à Ramallah même, Ariel Sharon a refusé
toute concertation ou coordination avec
l’Autorité Palestinienne sur le retrait de
la bande de Gaza en août prochain.
Toutes les questions sur le contrôle des
frontières terrestres, maritimes et
aériennes de Gaza, le passage entre
Gaza et la Cisjordanie ainsi que sur le
port et l’aéroport sont restées sans
réponse ainsi que les demandes sur la
libération des prisonniers politiques à
laquelle Sharon s’était engagé à Charm
el-Cheikh en février.
En réalité, Ariel Sharon mène une politique
unilatérale de faits accomplis où il
refuse toute discussion, concertation ou
négociation avec l’Autorité Palestinienne
sous prétexte qu’elle ne combat pas
assez le « terrorisme » - alibi classique
pour se dérober - et il a l’impression,
malheureusement vraie, que la communauté
internationale cautionne sa
politique unilatérale. Pendant quatre
ans, il a prétendu qu’Arafat n’était pas
un partenaire parce qu’il était « un terroriste
». Maintenant, il soutient que Mahmoud
Abbas n’est pas un partenaire
parce qu’il est trop faible. En fait, il ne veut
pas de partenaire palestinien. Ceci aura
des conséquences graves : il est évident
qu’il sera pratiquement impossible
pour l’Autorité palestinienne de bien
assurer le transfert des responsabilités
de l’armée israélienne et des colons des
régions contrôlées par eux à Gaza sans
un minimum de coordination préalable.
Toutes les tentatives des Commissions
mixtes israélo-palestiniennes mises en
place sur le plan formel, ont échoué à ce
jour, même celle du représentant du
Quartet, l’ancien Président de la Banque
Mondiale James Wolfensohn. C’était
l’une des revendications les plus importantes
du voyage officiel de Mahmoud
Abbas à Washington en mai, plaçant le
Président Bush devant ses responsabilités
quant au caractère unilatéral des
mesures prises par le gouvernement
israélien pour le retrait au mois d’août.
L’attitude du Président Bush durant ce
voyage a manifesté sur le plan formel une
certaine ouverture, mais il reste à traduire
les prises de positions politiques
(la nécessité d’intégrer le retrait de Gaza
dans la « Feuille de Route », le refus de
la colonisation à Jérusalem-Est, le retrait des forces militaires sur les positions de
septembre 2000), dans des actes réels
sur le terrain. La visite de Mme Rice n’a
malheureusement pas donné les résultats
escomptés.
Plus grave encore, Sharon semble vouloir
détruire la crédibilité de Mahmoud
Abbas aux yeux de son opinion publique
et de ses interlocuteurs internationaux.
Face à un effort réel de « trêve » du côté
palestinien, l’armée israélienne a poursuivi
les assassinats ciblés des dirigeants
palestiniens, les incursions militaires dans
les villes et le bouclage des villes est
toujours aussi dur. Tout porte à penser
que Sharon, profitant de la trêve décidée
par l’Autorité palestinienne, mène
une politique unilatérale de poursuite de
la colonisation de la Cisjordanie et de
Jérusalem-Est et de la construction du
Mur - ce qui constitue une politique de faits
accomplis et de facto d’annexion de la
majeure partie de la Cisjordanie. Au discours
de paix de Mahmoud Abbas répond
la politique d’annexion d’Ariel Sharon.
Cette stratégie de Sharon est d’autant
plus grave qu’elle se fait à l’ombre des
promesses de retrait de Gaza, ce qui
lui vaut les félicitations et les applaudissements
de la diplomatie internationale
qui feint de ne pas voir que ce retrait
se fait aux dépens de Jérusalem-Est et
de la Cisjordanie. C’est, en particulier,
la position de la diplomatie américaine
qui semble avoir donné un chèque en
blanc à Sharon au moins jusqu’à la fin
du retrait de Gaza. Car, dit Condoleezza
Rice, il faut le soutenir dans son affrontement
avec l’opposition - une partie du
Likoud et du mouvements des colons -
qui fragilise son gouvernement.
L’Union européenne, qui s’inquiète des
réalités irréversibles à Jérusalem-Est et
en Cisjordanie avec l’extension des colonies
et la construction du Mur, semble incapable
de faire bouger l’administration
américaine ou de prendre des mesures
sérieuses spécifiquement européennes
pour obliger le gouvernement Sharon à
geler ses actions. L’importance prise par
le débat sur la Constitution Européenne
et la surprise suscitée par le « non » de
plusieurs pays européens ont monopolisé
l’intérêt de l’U.E., laissant la voix libre
à la diplomatie américaine, elle-même
piégée par la situation en Irak et la chute
de popularité du Président Bush.
- Le plan Sharon de retrait de Gaza. - © Amjad Rasmi, Arab News.
- PLP : Venons-en à la situation intérieure.
Elle semble réellement préoccupante.
L.S. : La situation interne palestinienne
est le résultat de quatre années de destructions
systématiques du tissu social
palestinien par la fragmentation du territoire
national et par l’atomisation de la
société à travers les 730 barrages militaires.
Ceux-ci ont constitué les frontières
des nouveaux espaces sociaux
palestiniens depuis 2001. Cette réalité
géopolitique et sociale a des conséquences
très graves. En premier lieu,
elle impose à la société un fonctionnement
sur la base d’un dénominateur
commun familial, clanique et tribal. La gestion
des crises sociales, des conflits
internes et de la violence sociale, n’est
plus du ressort des instances officielles
de l’Autorité Palestinienne détruites par
les forces d’occupation (police, renseignement,
tribunaux) mais du système
de vendetta, de lois non inscrites où les
familles règlent entre elles, parfois par
la vengeance meurtrière, les problèmes
de la société.
C’est une menace très sérieuse à la paix
sociale qui inquiète profondément l’opinion
publique et les instances dirigeantes
de l’Autorité palestinienne. Il n’y a pas
de réponses faciles pour contrecarrer
les effets pervers de la politique volontariste
des forces d’occupation. Cellesci
visent à détruire la légitimité nationale
de l’Autorité palestinienne qui avait réussi,
entre 1994 et 2000, à créer un recours
légitime et reconnu des instances régulatrices
de la société dans les territoires
occupés et qui se dirigeait vers un Etat
de droit.
Aujourd’hui, le défi de Mahmoud Abbas
et du gouvernement d’Ahmed Quoreï
consiste à reconstruire rapidement les
structures de gestion de la société et à
leur redonner une légitimité nationale
en remisant dans « la lampe d’Aladin » le
mauvais génie des références traditionnelles,
locales, claniques et tribales
qui alimentent l’insécurité ambiante où
les citoyens se font justice eux-mêmes.
C’est une tâche difficile mais dont l’Autorité
palestinienne a totalement conscience
et qu’elle doit mener parallèlement aux
autres tâches, les élections, le transfert
de son autorité à Gaza, etc. La difficulté
principale est de réaliser tout cela simultanément
sans avoir le temps de reconstruire
les institutions pour mettre en
oeuvre une juridiction qui assure l’état
de droit et condamne ceux qui le violent.
Un grand travail a été réalisé sur le
plan juridique mais il ne peut être mis en
oeuvre que dans une situation de souveraineté.
- PLP : Quel rôle joue, par exemple, le
Fatah dans ce contexte social ?
L.S. : A côté de cet aspect sécuritaire
il y a, bien sûr, l’aspect politique de l’évolution
et du développement historique
des partis politiques. C’est vrai pour tous,
mais il est évident que celui qui assume
le rôle de colonne vertébrale dans la
société et au sein de l’Autorité est le
Fatah. Donc sa mutation légitime, prévisible,
a des conséquences très importantes
sur la société en général et sur
l’Autorité palestinienne en particulier.
Le Fatah est un mouvement né en exil
parmi les réfugiés, fondateur du mouvement
national et dont tous les congrès
ont eu lieu en exil. Le dernier en date, le
cinquième, s’est tenu en 1989 à Tunis.
Depuis, il n’a pas renouvelé ses instances
dirigeantes, en particulier le Comité
Central (16 membres) et le Conseil Révolutionnaire
(environ 125 membres). Or,
depuis 1989, il y a eu la première Intifada,
les Accords d’Oslo, le retour en Palestine
et la seconde Intifada. Ces événements
fondamentaux ont bien sûr permis
l’expression de toute une nouvelle génération
de dirigeants palestiniens qui n’ont
pas été reconnus dans les instances dirigeantes
et qui, aujourd’hui, revendiquent
leur place à la direction du Fatah et des
réformes essentielles au fonctionnement
d’un parti responsable de la construction
d’un Etat de droit. Ce qui est tout à fait
légitime. En même temps, il est très difficile d’organiser un congrès qui ne prenne
pas aussi en compte les réfugiés à l’extérieur
du territoire et qui représente toute
la diaspora palestinienne.
Donc, depuis plusieurs mois, se réunissent
les instances du Conseil Révolutionnaire
et du Comité Central pour organiser
les élections primaires internes qui
doivent précéder les élections parlementaires.
Parallèlement, des réunions ont lieu dans
les camps de réfugiés à l’extérieur pour
les élections au Conseil National Palestinien,
avec les autres organisations de
l’OLP. Nous pouvons dire la même chose
sur les élections du Front Populaire
(FPLP) dont le dirigeant est encore en
prison, du Front Démocratique (FDLP)
et du Parti du Peuple Palestinien. Les
élections internes sont nécessaires pour
accompagner l’évolution historique du
mouvement national, qui passe du stade
de la libération nationale au stade de la
construction étatique.
Il y a une sorte de crise, mais une crise
saine, une mutation interne naturelle.
Le Congrès du Fatah et les élections
sont reportés mais le Congrès se tiendra
nécessairement avant les élections
législatives. Il est évident qu’il y a polarisation
sur les deux grands courants,
d’un côté le courant laïque représenté par
le Fatah, le FPLP, le FPDLP, le PPP,
mais aussi par les « indépendants » qui
ont été représentés par Mustapha Barghouti
à la présidentielle, et d’autre part,
les Islamistes représentés par le Hamas
allié à d’autres mouvements comme le
Djihad Islamique.
- PLP : Comment envisager l’avenir de
toutes les organisations alors que la libération
du territoire national n’est pas
achevée et qu’en même temps il faut
construire l’Etat ?
L.S. : C’est la difficulté de la situation
palestinienne depuis le début des négociations
d’Oslo. La décolonisation et la
souveraineté n’ont pas été assurées par
l’occupant d’une manière définitive comme
en Algérie, au Vietnam ou dans d’autres
pays anciennement colonisés. Depuis
le début, c’est un processus par étapes
avec un pas en avant et deux pas en
arrière parce que la Communauté internationale
a renoncé à assumer sa responsabilité
: surveiller et assurer la mise
en oeuvre des accords signés sous son
égide. Principalement à cause de sa
lâcheté face à Israël qu’elle traite comme
un Etat au-dessus du droit. Ces deux
poids, deux mesures alimentent la frustration,
la colère et la violence dans la
région.
Mais l’avenir est riche en potentiels et en
même temps très inquiétant parce qu’il
est évident que la seule proposition
d’Ariel Sharon est la création d’un territoire
carcéral à Gaza, où l’Autorité palestinienne
devra gérer la situation intérieure
et où le contrôle aux frontières
par Israël empêchera toute souveraineté
réelle et tout développement économique.
En Cisjordanie,la seule proposition
d’Ariel Sharon est la création
de bantoustans sur les 40% du territoire
qui resteront une fois que Jérusalem-
Est et les grands blocs de colonies et le
Mur auront été intégrés dans le territoire
d’Israël. Le Mur qu’il construit a pour
fonction réelle non la sécurité des citoyens
israéliens, mais les frontières des bantoustans
palestiniens qu’Israël aura imposées,
de fait.
Ceci ne constitue aucun processus réel
de paix ou de construction d’un Etat indépendant.
Pour cette raison, il est évident
que la responsabilité de la communauté
internationale va consister à permettre
à l’Autorité palestinienne d’assurer la
vie sociale, économique et politique de
la population palestinienne, en attendant
une direction israélienne prête à négocier
sérieusement. La communauté internationale
doit être consciente de ses responsabilités
politiques vis-à-vis des Palestiniens.
Notre peuple a droit à la protection
du droit international.
Aujourd’hui, la priorité est de reconstruire
les moyens d’existence des Palestiniens,
sur le plan local, national et
régional. La coopération avec l’Autorité
palestinienne est donc primordiale. L’évolution
du système démocratique palestinien
est la seule garantie de la construction
in fine d’un Etat palestinien - le jour
où l’on fera respecter par les autorités
israéliennes les résolutions les obligeant
à retirer leur armée des territoires occupés
en 1967 et à respecter le droit des
Palestiniens à la souveraineté nationale.
Nous payons malheureusement
la facture d’un agenda mondial qui a
faussé le jeu en mettant en avant la
guerre anti-terroriste à la place de la
construction de la paix. En fait, cette
stratégie a alimenté le terrorisme dans
le monde. Espérons qu’aujourd’hui la
communauté internationale a compris
ses erreurs d’analyse.