Le 13 octobre, Israël a ordonné à plus d’un million de Palestiniens du nord de Gaza d’évacuer leurs maisons et de se rendre dans les districts sud de Rafah, de Khan Younis et de la zone intermédiaire, notamment Deir al-Balah, Al-Nusairat, Al-Maghazi, Al-Bureij et Al-Zawayda. Comme l’ont rapporté Al Mezan, Al Haq et le PCHR, depuis lors, Israël a continué à bombarder sans relâche l’ensemble de la bande de Gaza par voie aérienne, terrestre et maritime, y compris les districts du sud, où la plupart des Palestiniens ont cherché refuge. Les faits sur le terrain sont irréfutables : aucun endroit n’est sûr à Gaza. Cela suggère en outre que l’"ordre d’évacuation" d’Israël visait effectivement à déplacer de force des centaines de milliers de Palestiniens et à les rapprocher de la frontière avec l’Égypte.
Le samedi 21 octobre, des avions de guerre israéliens ont largué des tracts d’avertissement dans les quartiers les plus au nord de Gaza. Les tracts disaient : " Avertissement urgent aux résidents de la bande de Gaza. Votre présence au nord de Wadi Gaza met vos vies en danger. Ceux qui choisissent de ne pas évacuer le nord de la bande de Gaza pour aller vers le sud de Wadi Gaza pourraient être identifiés comme complices d’une organisation terroriste".
À l’heure où nous écrivons ces lignes, des dizaines de milliers de civils palestiniens dans le nord de la bande de Gaza ne veulent pas ou ne peuvent pas être évacués, notamment des blessés et des malades, du personnel médical, des travailleurs humanitaires, des personnes handicapées, des personnes âgées, des enfants et des femmes, y compris des femmes à un stade avancé de leur grossesse. Plusieurs établissements médicaux, dont les hôpitaux Al-Shifa et Al-Quds dans la ville de Gaza, ont déjà annoncé qu’ils n’étaient pas en mesure d’évacuer alors qu’ils continuent à soigner des milliers de blessés. De nombreux Palestiniens qui s’étaient réfugiés dans le sud sont également retournés dans le nord de Gaza, indiquant comme principales raisons de leur décision les attaques israéliennes incessantes dans le sud de la bande de Gaza et le manque d’abris et d’installations adéquats.
Dans ces conditions, l’"avertissement urgent" d’Israël et son indication explicite qu’il pourrait considérer les civils restants dans le nord de Gaza comme des cibles militaires devraient être considérés comme un grave signal d’alarme et amener la communauté internationale à intervenir immédiatement.
Le principe de distinction prévoit que, dans la conduite des hostilités, les parties à un conflit armé doivent "en tout temps faire la distinction entre la population civile et les combattants et entre les biens de caractère civil et les objectifs militaires et, en conséquence, ne diriger leurs opérations que contre des objectifs militaires". La Cour internationale de justice a défini ce principe comme "cardinal" et "intransgressible".
Nous notons également que le fait de diriger intentionnellement des attaques contre la population civile en tant que telle ou contre des civils qui ne participent pas directement aux hostilités constitue un crime de guerre au sens de l’article 8 du Statut de Rome de la CPI. Le fait de tuer délibérément des personnes protégées constitue également une infraction grave aux conventions de Genève de 1949.
Le jour même où Israël a adressé cet "avertissement urgent" aux Palestiniens du nord de Gaza, 20 camions d’aide humanitaire sont entrés dans la bande de Gaza par le point de passage de Rafah. Les organisations de la société civile palestinienne ont appelé la communauté internationale et les agences des Nations unies impliquées dans l’acheminement de l’aide humanitaire à garantir l’entrée et l’acheminement, sans entrave, de quantités suffisantes d’aide humanitaire et de secours - y compris de carburant - et à veiller à ce que l’acheminement de cette aide ne soit pas conditionné ou limité aux districts du sud de Gaza.
Malheureusement, nous constatons que non seulement la quantité d’aide humanitaire qui est entrée à Gaza est insuffisante pour répondre aux besoins les plus urgents de la population civile, mais que cette aide, qui ne comprenait pas de carburant, n’a pas atteint les districts du nord de Gaza. Le carburant, au même titre que l’eau, la nourriture et les fournitures médicales, est l’un des biens les plus nécessaires à Gaza, car il sert à alimenter les générateurs. Les hôpitaux ne peuvent pas fonctionner sans électricité. À l’heure où nous écrivons ces lignes, 130 bébés prématurés se trouvent dans les unités de soins intensifs néonataux des hôpitaux de Gaza, notamment les hôpitaux Al-Shifa et Nasser, et sont en danger imminent si le carburant n’entre pas rapidement dans la bande de Gaza. Les ambulances et les équipes de la défense civile ne peuvent se déplacer sans carburant. Les ménages ont également besoin de carburant pour s’approvisionner en eau.
Compte tenu de la politique israélienne de déplacement forcé et de nettoyage ethnique des Palestiniens depuis sept décennies, le fait que la distribution de l’aide humanitaire ait été jusqu’à présent limitée au sud de Gaza fait craindre que les efforts de secours ne soient instrumentalisés pour forcer davantage de Palestiniens à se déplacer vers le sud. Une telle instrumentalisation devrait être fermement condamnée par la communauté internationale et ne devrait pas être tolérée ou encouragée par les agences de l’ONU impliquées dans l’acheminement et la distribution de l’aide humanitaire à Gaza.
En conséquence, Al Mezan, Al-Haq et le PCHR appellent à une intervention internationale immédiate pour protéger les Palestiniens du nord de Gaza. Tous les États qui ont une influence sur Israël - en particulier les États-Unis, le Royaume-Uni, l’Union européenne et ses États membres - doivent l’exercer et exiger d’Israël qu’il s’abstienne de considérer l’ensemble du nord de Gaza comme un objectif militaire et d’attaquer les civils palestiniens qui y sont restés ou qui y sont revenus, car ils continuent d’être protégés par le droit humanitaire international.
La communauté internationale doit également exhorter Israël à rétablir l’approvisionnement en eau et en électricité de la population civile de Gaza et à permettre à l’aide humanitaire et aux secours qui entrent à Gaza d’être correctement acheminés vers tous les districts de Gaza, y compris le nord de la bande de Gaza et la ville de Gaza. Des pressions doivent également être exercées pour permettre l’entrée de carburant.
Nous demandons également à toutes les agences des Nations Unies impliquées dans l’acheminement de l’aide et des secours - y compris l’OMS, le PAM, l’OCHA et l’UNICEF - d’adhérer aux principes humanitaires de neutralité, d’indépendance, d’impartialité et d’humanité et de rejeter catégoriquement les conditions imposées par Israël visant à transférer de force les Palestiniens du nord au sud de la bande de Gaza.
Traduction : AFPS