En octobre dernier, en tant que membres de la 71e mission de la CCIPPP, nous avons participé aux derniers travaux et à l’inauguration d’une canalisation d’eau transformant la vie de 5000 personnes à Maa’ sarah, une commune à l’ouest de Bethléem. Cette opération exemplaire était menée conjointement par des Palestiniens (habitants des villages concernés et Palestinian Hydrologic Group (PHG), organisation non gouvernementale proche de l’Autorité palestinienne), des Israéliens de Ta’ayush et de Français appartenant à l’ONG Hydraulique sans frontières (HSF).
Lors de ce voyage, les membres d’HSF nous ont parlé d’un autre microprojet d’adduction d’eau, dans la région de Yatta (au sud d’Hébron) pour lequel le financement (6000€) restait à trouver. En février dernier celui-ci était décidé par le Collectif de soutien au peuple palestinien de Caen (3500€) et le bureau national de l’AFPS (2500€).
En avril, une convention était signée entre HSF et deux instances palestiniennes (le PHG et le Joint Services Council for Planning and Development/Yatta1). Cette convention déterminait les responsabilités de chacun pour la pose d’une canalisation de 2 km, qui redonnerait l’eau potable à une population d’un millier de bédouins sédentarisés depuis 1967 (village d’El Haddalin) et obligés depuis plusieurs années de se fournir en eau à des kilomètres de leur village. La tranchée serait creusée dans les premiers jours de mai par le JSC, la pose de la canalisation (fabriquée par une entreprise palestinienne de Naplouse) commencerait avant le 15, avec le concours du PHG, de HSF et de volontaires de la commune auxquels des Caennais étaient invités à se joindre : nous fûmes trois à pouvoir nous libérer.
Le 13 mai à l’aube, en possession d’un document obtenu du consulat invitant les autorités israéliennes à faciliter nos déplacements, nous arrivions à l’aéroport Ben Gourion. A la question : Que venez vous faire en Israël ?, nous avons répondu que nous venions pour une mission de coopération. Une heure plus tard, nous étions à Jérusalem-Est.
El Haddalin se trouve situé dans une région semi-désertique grandiose descendant vers la mer Morte et la Jordanie, à l’est de Yatta, à 5 km de la Ligne verte. La plupart des habitations sont des cubes en tôle galvanisée : c’est une des communes les plus pauvres de Cisjordanie, dépourvue par ailleurs d’électricité, comme de nombreux villages autour de Yatta.
Dans cette zone, le tracé du mur passe à plus de 7 km de la Ligne verte pour englober plusieurs des colonies qui ceinturent l’agglomération de Yatta (60 000 habitants), amputant ainsi la terre palestinienne de milliers d’hectares. S’il se réalise, les habitants d’El Haddalin seront au nombre des quelques 250 000 Palestiniens devenus apatrides chez eux.
Tous les prétextes sont bons
Le creusement de la tranchée, commencé le 3 mai, fut interrompu le 6 par les Israéliens, des colons ayant alerté les autorités sur ce qu’ils suspectaient être une tentative de détournement d’eau par les Palestiniens. Ceux-ci, estimant à juste titre qu’il s’agissait d’une opération de maintenance (remplacer une canalisation hors d’usage) n’avaient pas demandé d’autorisation à l’administration israélienne. De contacts en réunions entre Palestiniens et autorités d’occupation, du 7 au 17 mai nous avons espéré que le chantier pourrait reprendre avant notre départ. Durant cette période, l’une d’entre nous, médecin pouvant communiquer en arabe, a pu mettre ses capacités au service de la population de plusieurs villages. Compte tenu du caractère absolument vital du projet et de son importance politique, nous avons dû rassurer nos partenaires palestiniens : les difficultés rencontrées ne nous conduiraient pas à réorienter nos engagements financiers et de coopération technique. L’engagement de mener à terme l’adduction d’eau pour El Haddalin fut solennellement réaffirmé.
Le jeudi 27 mai, alors que nous étions rentrés à Caen, le président du Yatta Joint Services Council nous informait par téléphone que l’autorité israélienne avait donné verbalement son accord pour la reprise des travaux. Notre inquiétude que le projet de mur et de « transfert » des populations bédouines de la région vienne faire obstacle à l’adduction d’eau pour El Haddalin était levée. Aujourd’hui la tranchée est achevée. Malheureusement, pour des raisons techniques et de disponibilité des ingénieurs d’HSF, la pose de la canalisation sera reportée à l’automne.
A la demande du JSC, qui n’est pas certain que l’autorisation perdure, nous allons nous efforcer d’obtenir d’HSF que la conduite soit posée dans les semaines qui viennent.
Nous espérons pouvoir vous informer prochainement que les habitants d’El Haddalin ont à nouveau accès à l’eau potable, ce qui les aidera à rester sur leurs terres, volonté partagée par tous les Palestiniens rencontrés, et particulièrement par ceux dont les conditions d’existence sont menacées par le projet de mur d’annexion.
Erik Laloy, Jacqueline Le Corre,
Paul Pouponnot