En quelques jours, en ce mois
de décembre, ceux-ci ont
fait plus de vingt morts et
des dizaines de blessés.
Le spectre de la guerre
civile est apparu. Certes,
celle-ci ne semble pas
aujourd’hui à l’ordre du
jour. D’abord parce que
seuls se sont engagés
dans cet affrontement
meurtrier des membres
des forces armées des
deux principales organisations
politiques du pays.
Ensuite, parce que le Président Mahmoud Abbas et le
Premier ministre Ismaïl Haniyeh, tous deux conscients
des risques, ont l’un comme l’autre lancé des appels
pressants au calme et à l’unité du peuple face à l’occupation.
Enfin, parce que la société palestinienne n’en
veut pas, comme l’ont notamment montré des manifestations
d’étudiants de toutes appartenances politiques.
Il n’empêche. Un tabou a sauté. Le sang a coulé entre
Palestiniens en Palestine. Le froid assassinat de trois
écoliers, enfants d’un responsable de la sécurité
(Fatah) mi-décembre, a été condamné par tous ; il n’en
a pas moins mis le feu aux poudres. Le 14 décembre,
au retour d’une tournée dans le Golfe d’où il revenait
avec quelque 35 millions de dollars dans des valises
censés renflouer des finances publiques vidées,
notamment, par la politique de sanctions internationales
imposées aux institutions palestiniennes, le
Premier ministre Ismaïl Haniyeh annonçait avoir échappé
de peu à une tentative d’assassinat. L’annonce par
Mahmoud Abbas, le 16 décembre, de l’organisation
d’élections anticipées -législatives et présidentielle- a
suscité une nouvelle vague de violences. Dans ce
chaos prospèrent tous les règlements de compte et les
logiques de clans, au détriment de l’état de droit.
Plusieurs mois de négociations entre la Présidence -Fatah- et le gouvernement -Hamas- sur la base du
document des prisonniers politiques palestiniens n’ont
donc pas permis de donner à une cohabitation laborieuse
un cap unitaire. Entre
dialogue de sourds et concurrence
des pouvoirs sinon des
légitimités, la présidence appelle
le gouvernement d’Ismaïl
Haniyeh à respecter les
accords internationaux signés
par le gouvernement précédent
et fait pression pour qu’il se
range aux exigences du quartette
; le Hamas en revanche
plaide la légitimité des urnes.
Prêt à une trêve de plusieurs
dizaines d’années avec Israël si
celui-ci se retire de tous les territoires
occupés depuis 1967,
prêt aussi à endosser le texte
des prisonniers, il radicalise
cependant d’autant plus son
discours que la pression internationale
refuse de reconnaître
ses avancées politiques pourtant
majeures. Dans ce contexte,
l’asphyxie économique imposée à tout un peuple
amène aussi à la quête de nouveaux parrains internationaux
susceptibles d’amener, par valises interposées ou
non, un peu d’oxygène vital. Après avoir conquis une
fragile indépendance, la lutte nationale palestinienne se
retrouve, de nouveau, prise dans des jeux politiques
régionaux qui la dépassent.
Face à l’appel aux urnes de Mahmoud Abbas, que lui
avait suggéré le comité exécutif de l’OLP une semaine
plus tôt -sans l’aval du FPLP-, Ismaïl Haniyeh, à la
suite de Khaled Mecha’al, (dirigeant du Hamas en exil
à Damas) a dénoncé ce que son mouvement considère
comme un coup d’Etat institutionnel. Mahmoud Abbas
affirme de son côté laisser la porte ouverte au dialogue.
La voie est cependant étroite. D’autant plus
étroite que la communauté internationale, qui prétend
soutenir le Président et a surtout joué le jeu dangereux
de l’effondrement du gouvernement, continue à ne
proposer aucun horizon politique sérieux. Rien ne dit
en tout cas quels pourraient être les résultats d’éventuels
scrutins.
Interrogés en Palestine par Monique Etienne en
novembre dernier, Salim Tamari et Camille Mansour
proposent leurs analyses de l’impasse actuelle et des
scénarios éventuels de sortie de crise, et reviennent
sur les enjeux politiques internes de la scène palestinienne
dans le contexte que l’occupation lui impose.
I.A.