Alors que la Palestine a déjà disparu des radars diplomatiques après le bref intermède chahuté de sa reconnaissance comme Etat non-membre à l’ONU en novembre dernier, des mouvements citoyens à travers le monde ne l’entendent pas de cette oreille. Parmi eux, le « Tribunal Russell sur la Palestine » se distingue par sa ténacité. Il vient ainsi de tenir à Bruxelles sa cinquième et dernière session depuis son lancement en 2009, après des étapes à Barcelone, Londres, Le Cap et New York qui jetèrent chacune une lumière crue sur des thématiques particulières.
Parmi ses conclusions rendues publiques ce dimanche devant une salle comble de 500 personnes, le tribunal recommande aux Nations unies de reconstituer le Comité spécial contre l’apartheid pour mettre en cause les pratiques d’Israël envers les Palestiniens, il demande notamment aussi à la Cour pénale internationale de reconnaître sa juridiction sur la Palestine (celle-ci doit encore le demander à la Cour de La Haye, ce qu’elle semble hésiter à faire, peut-être sous les pressions occidentales, NDLR).
Qu’est-ce que le Tribunal Russel ?
Prenant pour modèle le tribunal de conscience fondé par le Britannique Lord Bertrand Russel en 1966 à propos des crimes de guerre au Vietnam, les initiateurs du projet, dont le Belge Pierre Galand se sont donnés pour tâche d’examiner à la loupe le sort des Palestiniens sous l’occupation israélienne et les violations du droit international sont ils sont victimes.
Est-ce à dire que le tribunal n’a mené qu’une instruction à charge contre Israël, ignorant les arguments que cet Etat pourrait invoquer ? Le juriste sud-africain John Dugard, ex-rapporteur des Nations unies pour les droits de l’homme en Palestine, nous a répondu sur ce point : « Tout d’abord, il eût été plus pertinent qu’Israël réponde des accusations devant la Cour internationale de Justice ou la Cour pénale internationale. Ce n’est pas – encore – le cas. Il fallait donc faire quelque chose. Une instruction seulement à charge ? Mais nous avons invité les pays et entreprises qui sont mis en cause, et d’abord Israël, les Etats-Unis, etc., en vain, ils nous ont ignorés. Ce n’est pas de notre faute. Malgré quoi, nous avons tenu compte de leurs arguments, puisque nous les connaissons. Parmi ces arguments, celui du terrorisme attribué aux Palestiniens est classique, il provient de la résistance qu’une population opprimée offre à l’oppresseur. Nelson Mandela était considéré comme un terroriste par Margaret Thatcher et Ronald Reagan… ».
« Nos conclusions sont basées sur des faits et des témoignages »
Parmi les membres du jury, Roger Waters, du groupe Pink Floyd, lâcha cette réplique à propos de l’éventuel biais anti-israélien du tribunal : « Je mets tout simplement au défi le gouvernement israélien de prouver que nos conclusions sont fausses ; elles sont basées sur des faits et des témoignages ». Plus de 150 experts et témoins ont été entendus par les membres du jury depuis quatre ans. « Si vous pensez que le tribunal se trompe dans ses déclarations, il faut que vous vous rendiez en Palestine, dans les camps de réfugiés, et que vous jugiez par vous-même. Sinon vous ne pourrez parler qu’en fonction de vos propres préjugés. »
Dimanche, il revint à Angela Davies, ancienne militante des droits civiques aux Etats-Unis, de communiquer les conclusions de ses pairs. Comme de nombreux orateurs, elle commença par rendre hommage à Stéphane Hessel, récemment disparu à l’âge de 95 ans, qui était le président d’honneur du Tribunal Russell sur la Palestine, un engagement que tout le monde n’appréciait pas. « Tout comme nous avons tiré notre inspiration de départ du philosophe anglais Bertrand Russell, nous suivons maintenant l’exemple de Stéphane Hessel, qui nous a quittés récemment, une personne qui combinait l’intégrité, la solidarité et le plaidoyer pour la cause. Nous sommes tous devenus des défenseurs des droits humains universels et des Palestiniens, depuis les bases populaires jusqu’aux plus hauts niveaux. »