Un quart des Palestiniens incarcérés dans les prisons israéliennes sont des détenus administratifs - emprisonnés sans inculpation ni procès - selon les chiffres de l’administration pénitentiaire israélienne obtenus par HaMoked, le Centre pour la défense des individus.
Le nombre de détenus administratifs palestiniens était de 1201 au 1er août - le nombre le plus élevé enregistré depuis 2001, année à partir de laquelle les organisations de défense des droits humains ont commencé à collecter des données mensuelles.
Les détenus administratifs sont détenus dans le cadre d’une procédure dite de « détention préventive », fondée sur des renseignements qui ne sont pas divulgués ni aux détenus ni à leurs avocats. Il n’y a pas de procès probatoire pour leurs affaires et les avocats des détenus n’ont pas accès aux preuves retenues contre eux, à l’exception d’un bref résumé présentant les soupçons qui pèsent sur leurs clients.
Selon les chiffres de l’administration pénitentiaire, 5 014 Palestiniens sont actuellement incarcérés dans les prisons israéliennes, parmi lesquels 2 353 ont été jugés et condamnés. 1 460 autres sont définis comme des détenus dont la procédure judiciaire est en cours, tandis que les autres sont des détenus administratifs. Outre les détenus administratifs palestiniens, huit Juifs sont actuellement incarcérés en vertu d’ordonnances administratives - le nombre le plus élevé depuis des années.
Selon Honenu - un groupe d’aide juridique affilié au mouvement de colonisation qui représente les huit Juifs - il s’agit du nombre le plus élevé de Juifs détenus simultanément depuis le massacre perpétré par Baruch Goldstein au Caveau des Patriarches en 1994. Les dernières détentions administratives de Juifs ont été décidées à la suite d’émeutes dans des villages palestiniens à la suite d’un attentat terroriste dans la colonie d’Eli.
Depuis le début de l’année, le nombre de détenus administratifs palestiniens en Israël n’a cessé d’augmenter. Les organisations de défense des droits humains ont commencé à recevoir des chiffres mensuels sur le nombre de détenus administratifs en 2001, mais l’une d’entre elles, B’Tselem, dispose de chiffres remontant à 1989. Selon les données rassemblées par B’Tselem, en novembre 1989, lors de la première Intifada, le nombre de détenus administratifs était plus élevé que celui enregistré actuellement, puisqu’il s’élevait à 1 794.
La détention administrative est d’une durée de trois à six mois, mais elle est souvent renouvelée à l’issue de la période d’emprisonnement. Ces détentions sont approuvées par des juges qui reçoivent un ordre signé par le chef du commandement central des Forces de défense israéliennes, ainsi que des informations confidentielles ex parte sur le détenu. Les audiences des tribunaux sur les détentions administratives sont fermées au public.
En principe, les ordres administratifs dans les territoires occupés sont signés par le chef du commandement central (dans la pratique, cependant, les ordres sont généralement signés par un officier ayant le grade de colonel). En Israël, c’est le ministre de la défense qui a le pouvoir de signer l’ordre. En ce qui concerne les citoyens israéliens, les ordres de détention administrative doivent être examinés par un président de tribunal de district dans les 48 heures suivant leur signature, tandis qu’en Cisjordanie, l’ordre doit être examiné par un juge dans les huit jours.
Il existe d’autres différences dans le contrôle judiciaire des ordonnances administratives en Cisjordanie et en Israël. Par exemple, en Israël, la loi prévoit que les ordonnances administratives doivent être soumises à un contrôle supplémentaire au plus tard trois mois après le moment de l’arrestation, alors qu’en Cisjordanie, la loi exige un contrôle supplémentaire deux fois par an. Ainsi, dans la pratique, il arrive souvent qu’aucun réexamen n’ait lieu.
Une autre particularité est qu’alors qu’en Israël un représentant du Shin Bet se présente à l’audience et peut être interrogé par le président du tribunal sur les renseignements qui ont conduit à l’arrestation, dans les territoires occupés, la pratique courante est que les renseignements soient présentés par écrit par le procureur sans la présence du Shin Bet, et il n’y a donc pas de possibilité pour le président du tribunal d’interroger directement un représentant de l’organisme qui a fourni les renseignements. Dans le cadre de la procédure de détention administrative, les juges examinent également des éléments de renseignement qui sont irrecevables dans le cadre d’une procédure pénale, y compris, entre autres, des témoignages par ouï-dire.
« La détention administrative est censée être une mesure exceptionnelle, mais Israël y a recours massivement pour les Palestiniens », explique Jessica Montell, directrice exécutive de HaMoked. « Au cours de l’année écoulée, cette pratique a franchi toutes les limites : un quart des prisonniers palestiniens sont en détention administrative. C’est une situation sans précédent et inquiétante. Il s’agit d’une détention sans procès basée uniquement sur des documents classifiés, sans contrôle judiciaire effectif et qui peut être prolongée indéfiniment. Il s’agit d’une détention arbitraire et clairement inacceptable ».
Le porte-parole des Forces de défense israéliennes a commenté cette décision : « La détention administrative n’est utilisée que lorsque les autorités de sécurité disposent d’informations fiables faisant état d’un danger clair et présent posé par le détenu et d’un manque d’autres options pour éliminer le danger. Le nombre de détenus administratifs reflète la menace que représente chaque détenu pour la sécurité. »
Traduit par : AFPS