Le Centre Européen d’Assistance Juridique (European Legal Support Center - ELSC) publie, ce jour, son nouveau rapport intitulé "Répression du plaidoyer en faveur des droits des Palestiniens par le biais de la définition de travail IHRA de l’antisémitisme - Violation les droits au rassemblement et à la liberté d’expression au sein de l’Union Européenne et au Royaume-Uni". Cette étude est la première fondée sur des cas avérés de violation des droits humains, consécutive à l’institutionnalisation et à l’application de la définition controversée de l’IHRA par l’Union européenne et le Royaume-Uni. L’inquiétude grandissante quant aux effets délétères de cette définition sur le respect des droits humains, a jusqu’à présent été ignorée par l’Union Européenne.
Le rapport publié par l’ELSC se fonde sur cinquante-trois incidents, enregistrés entre 2017 et 2022 en Allemagne, en Autriche et au Royaume-Uni, au cours desquels des individus, des groupes et des organisations ont été accusés d’antisémitisme sur le fondement de la définition de l’IHRA. Tous les accusés ont été ciblé pour avoir défendu les droits des Palestiniens, dénoncé les pratiques et les politiques d’Israël et/ou critiqué le sionisme en tant qu’idéologie politique. Lorsqu’elles ont été contestées devant la justice, la plupart de ces allégations d’antisémitisme ont été jugées non fondées et rejetées.
L’analyse des cas révèle un schéma très problématique dans la mise en œuvre de la définition IHRA. Bien qu’elle soit annoncée et promue comme "juridiquement non contraignante", la définition est de plus en plus utilisée par certains organismes publics et privés comme s’il s’agissait d’une loi. En conséquence, la définition de l’IHRA contraint la liberté d’expression et réduit la liberté de réunion ; certaines personnes s’autocensurent de peur d’être accusées d’antisémitisme.
Le rapport du ELSC démontre ainsi que les allégations d’antisémitisme - invoquant la définition IHRA - visent en grande majorité les Palestiniens, les militants et les organisations juifs défendant les droits des Palestiniens. Ces données suggèrent que cette définition est mise en œuvre de manière discriminatoire. Les personnes visées subissent en effet des conséquences injustes et préjudiciables, telles que la perte de leur emploi et l’atteinte à leur réputation.
Le Dr Younes, chercheur indépendant et rédacteur (politique) en Allemagne, a déclaré :
Avec cette adoption aux niveaux politique et académique, sans réserve, à travers l’Europe, il est devenu impossible de critiquer les politiques israéliennes, publiquement ou dans les universités, sans risquer de perdre son emploi, son contrat, ses financements ou ses futures opportunités d’emploi.
Un étudiant activiste d’une université britannique s’est exprimé à ce sujet :
J’ai constaté que la définition IHRA a été utilisée comme une tactique de distraction et que j’étais régulièrement épuisé de défendre le droit à la liberté d’expression et la solidarité avec la Palestine [...] Je ressentais une anxiété paralysante de ne plus savoir à qui je pouvais faire confiance, puisque j’avais l’impression que cette définition IHRA était un mode de surveillance de ma vie quotidienne.
Le rapport du ELSC critique également la Commission Européenne, pour avoir constamment ignoré, voire rejeté les inquiétudes grandissantes que soulève la définition IHRA en terme de protection des droits humains, et pour avoir échoué à prendre des mesures visant à prévenir les conséquences négatives sur les droits fondamentaux de l’adoption de cette définition.
Giovanni Fassina, directeur de l’ELSC, a commenté :
Il est temps que la Commission européenne prenne conscience et remédie au fait que la politique promue et mise en œuvre sur la base de la définition IHRA, tant au niveau de l’UE que des États membres, est hautement préjudiciable aux droits fondamentaux et qu’elle encourage le racisme anti-palestinien.
L’ELSC demande instamment à la Commission européenne, ainsi qu’aux gouvernements, aux parlements et aux institutions publiques des États membres de l’UE et du Royaume-Uni, de cesser de cautionner, adopter, promouvoir et utiliser la définition IHRA. Tout en apportant une réponse et en renforçant les politiques de lutte contre l’antisémitisme, l’obligation légale des acteurs publics de respecter et protéger la liberté d’expression ainsi que la liberté de réunion doit être maintenue.
Actuellement, les Nations Unies finalisent leur "Plan d’action de surveillance de l’antisémitisme et le renforcement d’une réponse à l’échelle du système". Récemment, l’ELSC a cosigné une lettre, aux côtés de plus d’une centaine d’organisations de la société civile, exhortant le Secrétaire Général des Nations Unies, M. Guterres, et le Haut Représentant, M. Moratinos, à ne pas adopter la définition IHRA. En novembre 2022, 128 éminents spécialistes de l’antisémitisme, des études sur l’Holocauste et des domaines associés ont mis en garde l’ONU dans une déclaration publique contre l’adoption de la définition IHRA. En octobre 2022, le rapporteur spécial des Nations unies sur le racisme a publié un rapport critiquant vivement cette même définition.
>> Télécharger le rapport (pdf en anglais)
Traduction depuis l’anglais : AFPS