Le gouvernement du Canada, qui
a adopté formellement une politique
qui fait largement place au
droit international, n’a pas le courage
de la mettre en application, ni même
celui de la revendiquer sur la scène internationale.
Dans les faits, le gouvernement
du Canada ne s’oppose pas à la politique
d’occupation israélienne et, par
son silence, la légitime. Au sein de
l’actuel gouvernement de Paul Martin,
un courant très actif voudrait que la politique
canadienne s’aligne plus encore
sur la politique israélienne.
La sympathie pour les Palestiniens dans
leurs souffrances et avec la résistance est
réelle dans les sociétés québécoise et
canadienne, mais elle ne s’est pas encore
traduite par un appui concret, sur la
scène internationale, à une solution fondée
sur le droit. En fait, une grande partie
de la presse est concentrée aux mains
de quelques corporations, contribuant
aussi à la désinformation du grand public
quant à ce qu’il se passe réellement en
Palestine. Au Canada, la corporation
CanWest Global opère le troisième réseau
de télévision généraliste de langue
anglaise et est le plus important éditeur
de journaux, avec 34 % du tirage des
quotidiens anglophones. CanWest Global
possède également des stations de
radio, et est active dans la production
et la distribution télévisuelle et cinématographique.
Ce conglomérat appartient
à la famille Asper - qui détient
89% du droit des votes- et se présente
publiquement comme « sionistes militants ».
En 2001, le président de CanWest,
M. Izzy Asper a imposé à tous ses quotidiens - mais aussi aux journalistes travaillant
à CanWest- un éditorial unique
rédigé au siège social de la compagnie
en ce qui concerne la couverture du
conflit israélo-palestinien. Cette censure
du travail journalistique avait pour
but de « contrer le biais des journalistes paresseux incapables de montrer le vrai
visage d’Israël ».
Une Coalition pour la Palestine
- © Ahmed Abdirahman
C’est pour contrer ces manoeuvres, sensibiliser
quant à l’occupation de la Palestine
et mobiliser les énergies en faveur
d’une solution juste de ce conflit que la
« Coalition pour la Justice et la Paix en
Palestine » (CJPP) a été mise sur pied en
mars 2002. Cette coalition regroupe une
trentaine d’organisations dont la plupart
des syndicats parmi les plus importants.
Les revendications générales adressées
au gouvernement du Canada sur lesquelles
les membres de la coalition
s’entendent sont :
que le gouvernement du Canada respecte
sa propre politique, qui consiste à
ne pas reconnaître la légalité du contrôle
israélien sur les territoires occupés militairement
en 1967, et qu’il demande
explicitement à Israël de s’en retirer ;
que le gouvernement canadien axe
sa politique internationale en fonction
d’un objectif qui consiste à mettre fin à
l’occupation de tous les territoires occupés
par Israël en 1967, et non pas à faire
accepter par les Palestiniens le contrôle
israélien sur les parties stratégiques de
ces territoires ;
qu’il résiste aux pressions des gouvernements
israélien et américain, ainsi
qu’à celles des groupes de pression canadiens,
qui visent à exempter Israël du
respect du droit international et des résolutions
de l’ONU ;
qu’il fasse pression sur Israël pour
que cesse la violence contre les Palestiniens
et les Palestiniennes, et qu’il
appuie l’envoi d’une force de protection
de l’ONU pour protéger les populations
civiles jusqu’à la fin de l’occupation ;
qu’il favorise, dans son action diplomatique,
une solution du conflit fondée
sur le droit international et qui protège
les droits élémentaires du peuple palestinien
et ceux plus spécifiques des réfugiés
palestiniens, notamment le droit de
retour et le droit à des compensations ;
qu’il appuie les résolutions du Conseil
de sécurité et de l’Assemblée générale
de l’ONU allant dans ce sens, plutôt que
de s’abstenir ou de voter contre ;
qu’il poursuive et intensifie l’action
humanitaire qui vise à fournir aux Palestiniens
et aux Palestiniennes une sécurité
humaine minimale.
En 2002, la coalition a a organisé une
manifestation qui a rassemblé 10 000 personnes
devant le consulat d’Israël (le
27 avril), ainsi qu’une marche de solidarité
animée par des artistes parmi les
plus connus au Québec (le 8 juin). En
octobre 2002, elle a envoyé au Moyen-
Orient une délégation de dix personnes
issues des différents groupes de la société
civile québécoise dont les principaux
dirigeants des syndicats du Québec. Plusieurs
actions de sensibilisation ont été
organisées au retour de la mission :
conférences, rencontres avec des décideurs
politiques, articles dans la presse,
entrevues etc. Les membres de la coalition
développent par ailleurs leurs
propres activités à ce sujet.
Vers une campagne de
boycott, de désinvestissement
et de sanctions
Depuis les deux dernières années, la
Coalition a entrepris un travail de
réflexion sur la possibilité de lancer une
campagne de boycott en appui à la cause
palestinienne et pour mettre un terme
au non-respect du droit international par
Israël.
Ce travail s’est réalisé en diverses étapes
et a donné lieu à plusieurs débats ; ce sont
en fait certains groupes membres de la
CJPP qui ont été pleinement parties prenantes
de toute cette démarche. D’autres
groupes, non-membres de la coalition,
n’en ont entendu parler que peu et très
récemment.
Tandis que dure l’occupation illégale
de la Palestine avec toutes les violations
israéliennes du droit international qui y
sont liées, de nombreux groupes dans
le monde en sont venus à la conclusion
qu’il leur fallait s’engager dans des
actions plus « convaincantes » en termes
de pression appliquée sur l’État d’Israël.
Au fil des années, de nombreux boycotts
ont été lancés, certains par de
grandes organisations (comme la Ligue
arabe) et d’autres limités à une seule
ville, bien loin de la Palestine. Si certains
sont toujours en cours, la plupart sont restés
sans portée réelle, sans effet significatif.
Depuis environ un an, deux événements
importants ont contribué à
raviver la détermination à « faire plus »
des militants et militantes de la solidarité
avec la Palestine, avec un sentiment
accru de légitimité et de cause commune.
D’une part, l’avis de la Cour internationale
de Justice du 9 juillet 2004
qui traitait de la plus récente et visible
violation du droit international par Israël,
le Mur d’annexion. D’autre part, exactement
un an plus tard, l’appel de la
société civile palestinienne à la société
civile internationale en faveur d’une
campagne mondiale « de boycott, de
désinvestissement et de sanctions » (BDS)
semblable à celle qui fut développée
contre les politiques d’apartheid de
l’Afrique du Sud, mais cette fois-ci à
l’encontre de la politique de l’Etat d’Israël.
Des rendez-vous importants
À l’appel de la Coalition, une importante
réunion regroupant la majorité des
organisations québécoises de solidarité
avec la Palestine va se tenir à Montréal
au milieu de mois de septembre. Cette
réunion devrait déboucher sur un plan
d’action pour le lancement du boycott.
Un mois plus tard, (le 22 octobre) un
colloque sur l’investissement moral et
la pertinence du désinvestissement dans
le cas de l’occupation de la Palestine
sera organisé à Toronto et les Eglises
canadiennes vont être interpellées pour
prendre position et suivre l’exemple de
l’Eglise presbytérienne des Etats-Unis
(voir page 43) qui entend désinvestir
des compagnies qui, par leurs activités,
participent directement ou indirectement
à l’occupation.
- © Ahmed Abdirahman
Finalement, un autre front a été lancé
au niveau parlementaire durant l’été et
va se poursuivre les prochains mois. Le
député fédéral du Bloc Québécois (parti
indépendantiste) et porte-parole en
matière de Commerce international, M.
Pierre Paquette, a déposé un premier
projet de loi pour restreindre l’Accord
de libre-échange Canada-Israël (ALÉCI).
Cet accord est entré en vigueur le 1er janvier
1997 et permet l’importation au
Canada des produits israéliens sans distinction
de leurs lieux de production.
Même si le volume des échanges commerciaux
entre le Canada et Israël
demeure minime (la valeur totale du
commerce bilatéral de
produits agroalimentaires
entre le Canada et Israël
en 2002 était évaluée à
un peu plus de 32,6 millions
de dollars), l’objectif
est de sanctionner la
violation du Droit par le
gouvernement israélien.
La Coalition est présente
au sein de plusieurs de
ces batailles. L’objectif
est de développer au
Québec et au Canada une
campagne qui s’inscrit
dans une action mondiale
de BDS, unitaire
et soutenue, en vue de
résultats. Les résultats
recherchés sont la démolition
du Mur et la fin de
l’occupation israélienne
de la Palestine. Le
régime d’apartheid est
tombé en Afrique du Sud
sous la pression interne
de la résistance des Sud-
Africains et la mobilisation
externe de la
société civile internationale qui ont forcé
leurs propres gouvernements à sanctionner
le régime raciste de Pretoria.
L’occupation de la Palestine doit cesser.
Pour cela, nous devons bâtir un véritable
mouvement de base, large et diversifié.
C’est dans cet esprit que la Coalition
pour la Justice et la Paix en Palestine
entreprend cette campagne.
Ahmed Abdirahman
Montréal, 2005
COALITION POUR LA JUSTICE ET LA
PAIX EN PALESTINE (CJPP)
Les objectifs spécifiques de la CJPP
sont les suivants :
Favoriser une grande mobilisation
de la société civile au Québec
en appui aux droits du peuple palestinien,
et cela en vue de parvenir à
une paix durable, fondée sur une
solution juste du conflit israélo-palestinien.
Contribuer à diffuser de l’information
et des analyses sur le conflit
qui s’appuient sur les faits sur le terrain.
Exprimer des revendications au
gouvernement du Canada concernant
son positionnement au plan
international dans ce conflit.
Le site de la Coalition est en
construction mais il pourra
bientôt être consulté à
l’adresse suivante :
http://www.cjpp.org