Ce documentaire franco-canadien a remporté le Prix du Public au Festival International Movies That Matter aux Pays-Bas et a été sélectionné dans plusieurs autres festivals : à Copenhague, à Leipzig et au FIPADOC de Biaritz 2025. Le titre original I Shall Not Hate a curieusement évolué pour la version française alors que Je ne haïrai point aurait bien mieux restitué l’esprit du film. C’est en tout cas ce dernier titre qu’a retenu l’éditeur du livre du Dr Abuelaish [1].
Le film retrace le parcours du médecin palestinien qui a cru, jusqu’à la naïveté, pouvoir œuvrer pour la paix et s’est heurté à l’arrogance et au mépris colonial. Izzeldin Abuelaish est né et a grandi dans le camp de réfugiés de Jabalia à Gaza. Premier médecin palestinien à travailler en tant qu’obstétricien dans un hôpital israélien, il est profondément convaincu que la médecine et la santé sont des facteurs d’harmonisation entre les peuples. Il fait donc le choix de la collaboration au nom de son éthique du pardon et de la réconciliation. Ses convictions sont mises à l’épreuve lorsqu’un tank israélien bombarde sa maison, tuant ses trois filles et une nièce. Pourtant, contre toute attente, il transforme cette tragédie en une campagne mondiale pour éradiquer la haine par la tolérance. Il se lance avec véhémence dans une lutte non violente pour la reconnaissance de la nation palestinienne, convaincu que pour honorer ses filles, il doit demander des comptes au gouvernement israélien pour l’attaque gratuite qui a décimé sa famille. On assiste alors médusé à l’enchaînement des arguties des porte-parole de l’armée israélienne qui, jusque devant la Cour suprême, n’hésitent pas à salir les victimes plutôt que de présenter des excuses pour un crime pourtant flagrant.
Depuis l’attaque du Hamas du 7 octobre et la guerre contre Gaza, 21 membres de sa famille ont été tués, dont des nièces, des neveux et des cousins. « Nous ne sommes pas des nombres » ce cri de désespoir venu du cœur de Gaza trouve un terrible écho avec ce film bouleversant qui rend compte de la douleur des Palestiniens dont les proches disparaissent, victimes du cynisme arrogant de l’État israélien et de l’indifférence du monde occidental.
Bernard Devin