Un juge britannique a déclaré qu’un Israélien de 22 ans demandant l’asile au Royaume-Uni, par crainte d’être enrôlé et contraint de commettre des crimes de guerre, subirait un "traitement inhumain et dégradant" s’il était renvoyé dans son pays.
Dans une décision rendue fin février, le juge John McClure a déclaré que l’étudiant en rabbinat, qui a reçu une ordonnance d’anonymat, risquait de subir une "grave détérioration de sa santé mentale" et a obtenu une autorisation de rester au Royaume-Uni, qui peut être renouvelée.
L’étudiant et ses avocats ont salué le jugement, qui a annulé une décision du ministère de l’Intérieur en décembre 2020, mais ont déclaré vendredi que la décision n’a pas abordé des aspects clés de leur argument, et ils ont demandé à faire appel pour son asile à un tribunal supérieur. En particulier, ils ont déclaré que le tribunal n’avait pas tenu compte de leur argument selon lequel Israël est un État d’apartheid, un contexte plus large qui a été essentiel pour inciter l’étudiant à fuir le pays.
"Je suis attristé qu’il ait centré sa décision sur ma santé mentale plutôt que sur la nature persécutrice du sionisme", a déclaré l’étudiant dans un communiqué.
"Mes protestations contre l’État, mon refus d’être conscrit et la persécution dont j’ai fait l’objet de la part des autorités israéliennes ne se sont pas produits dans un vide et doivent être considérés à travers les structures racistes et oppressives de l’État d’Israël."
Il est rare qu’un Israélien juif demande l’asile au Royaume-Uni en tant qu’objecteur de conscience ou autre, et, pour cette seule raison, l’affaire est inhabituelle. Mais si elle passe devant l’Upper Tribunal, l’affaire pourrait créer un précédent juridiquement contraignant, susceptible d’avoir un impact sur les futures demandes d’asile palestiniennes et israéliennes.
"Des conclusions accablantes"
Le jeune homme de 22 ans rejette le sionisme et l’existence d’Israël en raison de ses convictions politiques et de sa foi juive ultra-orthodoxe, dont une interprétation enseigne que les Juifs ne doivent pas retourner en masse en Terre sainte avant le retour du messie.
Ses avocats affirment qu’il a été battu et craché dessus par des policiers israéliens et également aspergé d’eau de putois pour avoir participé à des manifestations antisionistes, et qu’il a fui le pays en 2017 après avoir reçu une lettre lui demandant de se présenter au service militaire.
La décision du juge McClure fait suite à une audience de quatre heures tenue en octobre à Manchester. Le ministère de l’Intérieur a fait valoir que l’étudiant ne risquait pas d’être conscrit car son père avait demandé une exemption au motif que son fils avait été diagnostiqué avec le syndrome d’Asperger. Il a également déclaré que l’étudiant serait mieux servi s’il recevait un traitement en Israël avec le soutien de sa famille.
Les avocats de l’étudiant ont fait valoir qu’il n’y avait aucune preuve que le père de leur client avait réussi à demander une exemption et aucune garantie qu’un nouvel ordre de conscription ne serait pas émis si l’étudiant était expulsé vers Israël. Ils ont également présenté un témoignage d’expert suggérant que l’étudiant pourrait être traité comme un déserteur et emprisonné pendant l’enquête sur son cas.
Dans sa décision, le juge McClure a déclaré qu’il n’avait pas trouvé que l’étudiant avait droit à l’asile ou à une protection humanitaire, mais il a accepté que ses croyances religieuses et politiques étaient telles que s’il était renvoyé en Israël, son état mental se détériorerait. Si cela se produisait, M. McClure a estimé qu’une thérapie médicamenteuse n’aiderait pas l’appelant à fonctionner "de manière significative... Je pense que cela reviendrait à soumettre l’appelant à un traitement inhumain et dégradant", a-t-il écrit.
Le juge a également noté que les juifs ultra-orthodoxes, comme l’étudiant, sont tolérés et autorisés à vivre pacifiquement en Israël, à l’exception de ceux qui "s’impliquent dans des manifestations désordonnées et violentes" et de ceux qui refusent de "faire leur service national".
Fahad Ansari, avocat du cabinet Riverway Law, qui représente l’étudiant, a déclaré qu’il se félicitait des "conclusions accablantes" du tribunal concernant les mauvais traitements infligés par Israël à sa population juive ultra-orthodoxe antisioniste.
"Le tribunal a notamment reconnu que notre client a été violemment battu pour s’être opposé à son enrôlement dans les forces armées israéliennes", a-t-il déclaré.
Franck Magennis, avocat du cabinet Garden Court Chambers, qui représente également l’étudiant, a déclaré que cette décision signifie que son client sera "protégé des nombreux risques que le régime d’apartheid israélien fait courir aux Juifs qui osent le critiquer".
"Cependant, le tribunal aurait pu et dû aller plus loin...Notre client est maintenant déterminé à exercer son droit d’appel auprès d’un tribunal de plus haut niveau, et invitera les juges de ce dernier à formuler des conclusions sur la nature néfaste et oppressive de l’apartheid israélien."
Plusieurs groupes internationaux et israéliens de défense des droits de l’homme, dont Human Rights Watch et Amnesty International, ont conclu l’année dernière qu’Israël était un "État d’apartheid". Le gouvernement israélien nie cette étiquette, accusant les groupes de défense des droits de l’homme d’antisémitisme.
Traduction : AFPS