Pour cette livraison consacrée aux Palestiniens,
c’est la chercheuse Aude Signoles,
maître de conférence à l’Université de
la Réunion, dirigeant un programme de
recherche sur les communautés palestiniennes
et associée à l’Iremam (Institut
de recherches et d’études sur le monde
arabe et musulman, Aix en Provence) qui
s’y est collée. Avec succès.
Son ouvrage est construit en trois parties
: histoire ; société et vie quotidienne
; vie politique et négociations.
Dans chacune de ces parties, un peu
moins d’une dizaine d’idées reçues sont
énoncées et confrontées aux réalités historiques,
sociologiques, politiques et
économiques du Proche-Orient. Réalités
auxquelles, bien souvent, elles ne
résistent guère.
Quelques exemples de ces idées tenant
lieu de têtes de chapitres : Les Palestiniens
« ont quitté leurs terres à l’appel
des gouvernements arabes en 1948 »,
« ont toujours lutté par le terrorisme »,
« sont un peuple de réfugiés », « sont
pauvres et peu éduqués », « veulent Jérusalem
» ; « Les accords d’Oslo ont donné
un Etat aux Palestiniens », « Le régime
politique palestinien est corrompu »,
« Yasser Arafat ne voulait pas la paix »...
Le travail était, on le voit, destiné à un
large public et donc propre à faire reculer
de nombreux « spécialistes » de la
Palestine. D’autant que cette collection
ne laisse guère le loisir de s’embarquer
dans de longs argumentaires développés.
Il s’agit de faire bref et efficace.
Le résultat n’en est que plus remarquable.
Rédigeant avec une grande
concision - métaphores, effets de style
et digressions sont totalement proscrits -, Aude Signoles donne une foule
d’informations permettant, en quelques
pages, de rétablir la vérité sur de graves
approximations ou de purs mensonges :
ainsi des fameuses « offres généreuses »
de Barak à Camp David dont elle rappelle,
après en avoir donné la teneur,
que s’il les avait acceptées, « Yasser
Arafat serait passé pour un traître envers
son peuple » (p.114).
Dans ce petit livre dense, l’auteur ne
cède jamais à la facilité du contre-pied,
forcément attendu, sur ces idées reçues.
Les pages consacrées à la démocratie
et à la corruption témoignent de la justesse
et de la finesse d’analyse de cette
chercheuse qui a passé plusieurs années
sur place. On relève au passage la présence
heureuse de quelques informations
inconnues du grand public, par
exemple la diversité des modes de résistance
employés par le peuple palestinien,
ou l’important indice de fécondité
chez les colons...
Seul bémol, outre le glossaire un peu
léger et la faiblesse en cartes (pourtant
nécessaires quand il s’agit de parler de
la Palestine), quelques idées reçues
auraient peut-être mérité meilleure formulation,
telle « Les Palestiniens sont
tous musulmans » qui traite en fait une
autre idée souvent entendue : les chrétiens
palestiniens seraient malmenés par
leurs compatriotes musulmans.
Au final, Les Palestiniens d’Aude
Signoles, qui a eu le temps d’intégrer
le retrait de Gaza mais pas l’élection du
Hamas (« Les mouvements islamistes
aspirent à diriger la Palestine », p.93,
vaut d’être lu à la lumière de cette élection)
s’avère être un bon outil pour un
public non militant, comme l’est vite
devenu Les Palestiniens dans le siècle
d’Elias Sanbar (Découvertes Gallimard,
1994, remis à jour depuis). A offrir à
tous ceux dont la connaissance de la
question palestinienne se résume à ce
qu’en disent les « grands » médias et
notamment la télévision.
Emmanuel Riondé