« De néant en néant, où est-ce qu’on nous emmène ? Laissez vivre les enfants, et s’il faut tuer quelqu’un, je vous prie, tuez la haine. » Majed Bamya termine ainsi un des poèmes qu‘il vient de lire. Étudiant de la GUPS (l’union des étudiants palestiniens) venu le 26 novembre en compagnie de Gaï Elhanan, refuznik israélien, il est convaincu, comme Leila Shahid, que « le dialogue est l’arme majeure de restitution de l’humanité de l’Autre ».
Cela ne veut pas dire chercher la paix à tout prix : pour un peuple occupé, la résistance armée est toujours légitime, a déclaré Majed (même si elle n’est pas toujours opportune, a-t-il précisé, à la différence de la résistance populaire, toujours à la fois légitime et opportune). Il ne s’agit pas non plus de faire des concessions supplémentaires : « nous avons quelque part trahi nos grand-parents en étant d’accord avec le partage, nous ne sommes pas prêts à trahir nos enfants en acceptant de céder davantage. »
Convaincu lui aussi du rôle essentiel de ces échanges (« on ne peut pas être pro-israélien sans être pro-palestinien, car les deux sont liés et l’un ne survivra pas sans l’autre »), Gaï ne succombe pas pour autant aux illusions de l’angélisme. A preuve son récit d’une rencontre à Paris avec un Palestinien qu’il avait repéré par son accent (lui-même parle couramment l’arabe) et auquel il tend la main. Le Palestinien lui demande s’il a fait l‘armée. Gaï hésite un instant (c’est après son service militaire qu’il a décidé de refuser de servir dans les territoires occupés) puis répond affirmativement. Le Palestinien lui tourne alors le dos et s’en va. "Et je l’ai admiré" ajoute simplement Gaï.
Illustrant sans cesse ses réflexions par des anecdotes et des observations précises, il est souvent drôle aussi, comme lorsque il s’étonne des différences entre la judéité telle qu’elle est vécue en Europe : "à Pâques il ne faut pas manger de pain" et en Israël : "chez nous à Pâques il faut courir chez le Palestinien pour avoir du pain !"
Entre le poète engagé et l’humoriste éclairé s’est manifestement nouée, sur la base de leur dénonciation commune de l’occupation, une complicité qu’on peut qualifier de fraternelle. C’est un bonheur de les voir ensemble, en plus de tout ce qu’ils nous ont apporté dans le domaine de l’analyse politique et d’une connaissance plus intime de la situation : dénonciation originale du sionisme, complexité de la société israélienne, embûches dramatiques de la vie des Palestiniens, douleur partagée des familles endeuillées.
Nous conseillons très vivement de prendre contact avec eux à tous les groupes qui n’ont pas encore eu le privilège de recevoir leur visite.