Les Palestiniens préviennent qu’ils pourraient annuler ou reporter l’ensemble du processus électoral si Israël fait obstruction à la tenue du scrutin à Jérusalem-Est. En application d’un accord intérimaire passé entre Palestiniens et Israéliens, les résidents palestiniens de Jérusalem-Est ont voté lors des élections de 1996, 2005 et 2006.
L’Accord Intérimaire avait été signé à Washington le 28 septembre 1995, il comportait une annexe spécifique sur les élections palestiniennes. Les Palestiniens pouvaient voter dans six centres postaux israéliens installés à Jérusalem-Est. Les bulletins étaient ensuite envoyés par courrier à la Commission Centrale des Elections palestinienne.
Mais en 2017, l’administration de l’ancien président US, Donald Trump, a reconnu Jérusalem comme capitale d’Israël.
Selon les résultats des récentes élections en Israël, l’emprise de l’extrême-droite sur la vie politique y est de plus en plus étendue. Etant donné l’impasse politique en Israël après l’échec à former un gouvernement de coalition, il est difficile de prédire quelle sera la décision israélienne dans le cadre des accords précédents.
L’Article VI de l’annexe II de l’accord de 1995 – connu sous le nom "d’accord de période transitoire" – concerne les arrangements pour la tenue d’élections à Jérusalem. Il stipule que : " un certain nombre de Palestiniens de Jérusalem voteront lors des élections grâce aux services fournis par les bureaux de poste de Jérusalem, en fonction de la capacité de ces postes."
En 1996, 5 367 Palestiniens résidant à Jérusalem-Est avaient pu voter dans cinq bureaux de poste.
Lors des élections de 2005 et 2006 le nombre de bureaux est passé à six avec une capacité de 6 300 votants. Le reste de la population palestinienne a voté dans des bureaux de vote situés à la périphérie de la ville. On estime à plus de 340 000 la population de Jérusalem-Est.
Les Palestiniens essaient de faire appliquer les mêmes arrangements pour les élections législatives qui doivent se tenir le 22 mai et l’élection présidentielle du 31 juillet.
Suivre le processus précédent
Dans un entretien avec l’Agence de presse Anadolu, Hatem Abdel-Qader, ancien parlementaire et membre du Conseil Révolutionnaire du Fatah, a déclaré : "Israël, puissance occupante, doit respecter les accords et ne pas faire obstruction aux élections à Jérusalem." "Nous ne demandons pas de permission à Israël, nous disons simplement que ces élections doivent se dérouler comme ce fut le cas les années passées".
En février, l’Autorité Palestinienne a informé Israël de sa décision d’organiser des élections, y compris à Jérusalem, demandant qu’il n’y soit pas fait obstruction. Des sources palestiniennes bien informées ont indiqué à Anadolu que la partie israélienne avait demandé aux Palestiniens d’attendre après les élections israéliennes du 23 mars.
Pourtant, même après publication des résultats des élections, le gouvernement israélien continue à ne pas apporter de réponse -positive ou négative- à la demande palestinienne. Les responsables palestiniens et les partis politiques ont fait des déclarations assurant que les élections ne se tiendront pas "sans Jérusalem."
La semaine dernière, le ministre palestinien des Affaires étrangères, Riyad al-Maliki, a envoyé des courriers officiels aux Etats-Unis, à l’Union européenne, à la Russie et aux Nations unies, leur demandant de faire pression sur Israël pour qu’il n’empêche pas les élections à Jérusalem. Israël n’a toujours pas répondu.
Trois scénarios possibles
Devant le silence israélien, les Palestiniens envisagent trois scénarios. Ou bien Israël accepte de ne pas empêcher les élections, ou bien celles-ci vont tourner à la confrontation entre Palestiniens et Israéliens, ou bien encore elles seront repoussées ou annulées.
"Si Israël ne respecte pas les accords, deux alternatives sont possibles : la première consiste à transformer les élections dans la ville en bataille, en confrontation, à imposer une situation de facto en plaçant des urnes dans les rues et en affrontant les forces d’occupation si elles tentent de l’empêcher," a déclaré Abdel-Qader. "La deuxième alternative c’est que l’Autorité et les partis arrivent à la conclusion qu’ils ne sont pas à même de tenir les élections à Jérusalem, ce qui signifie annulation ou report", a-t-il ajouté. Il a affirmé que "tenir des élections sans Jérusalem est une affaire dangereuse car la ville n’est pas un problème technique mais politique et tout compromis, tout abandon des élections à Jérusalem serait une reconnaissance de l’occupation israélienne de la ville."
Pour lui, ce qu’il faut, ce sont "des élections au cœur même de Jérusalem-Est, pas dans la banlieue, car tout autre arrangement revient à reconnaître la supposée souveraineté d’Israël sur la ville."
Selon Abdel-Qader, l’incapacité de tenir des élections dans la ville est "une raison politique valide" pour repousser les élections si aucune décision n’est prise pour l’imposer par la force. En réponse aux propositions d’organiser le vote dans des consulats européens et des bureaux des Nations unies à Jérusalem, Abdel-Qader a déclaré : "Ce n’est pas la solution, et c’est en réalité une proposition dangereuse car ces consulats européens et ces bureaux des Nations unies sont sous la souveraineté des Etats bien qu’ils se trouvent dans la ville occupée", "C’est une façon d’évacuer le problème, pas une solution," a-t-il ajouté. Pour sa part, Nasser Qous, candidat du Fatah, a aussi rejeté cette proposition "parce que ces endroits sont un territoire neutre et nous voulons que les élections se tiennent au centre de Jérusalem, comme en 2006 et lors des élections précédentes." "Il n’y aura pas d’élections sans Jérusalem, et c’est un message qui s’adresse à tout le monde," a ajouté Qous.
Pression internationale
Le directeur du Centre des Droits économiques et sociaux à Jérusalem, Ziad Al-Hammouri, pense que "les responsables" de l’UE et de l’ONU n’accepteront pas d’organiser les élections.
"Les élections ont eu lieu à Jérusalem en 1996, 2005 et 2006 dans le cadre d’arrangements entre l’OLP et Israël," a-t-il déclaré à Anadolu, ajoutant qu’"Israël a préempté les élections qui se sont tenues en 2005 et en 2006 en annonçant qu’il refusait qu’elles se tiennent à Jérusalem, puis il a reculé sous pression internationale."
Selon lui, " Israël a alors accepté avec réticence de tenir les élections, mais il a imposé de multiples restrictions parmi lesquelles l’interdiction d’affiches électorales et a même menacé les personnes qui votaient de prendre des mesures contre elles." Il affirme qu’"après les élections, les vainqueurs du Hamas ont été expulsés de la ville et leur cartes d’identité leur ont été retirées".
Al-Hammouri pense que de nombreux pays "exerceraient des pressions sur Israël pour qu’il respecte les accords signés sur Jérusalem." Il poursuit : "Je pense qu’à la fin Israël acceptera les élections mais recommencera à imposer des restrictions au processus électoral, qu’il harcèlera les participants et qu’il punira les vainqueurs." Pour lui, tenir les élections par le biais d’affrontements avec Israël et installer des urnes dans les rues "n’est pas une solution pratique." A son avis, le sort du processus électoral, si Israël maintient sa position actuelle, dépend essentiellement de "la décision des mouvements Fatah et Hamas".
Traduction : AFPS
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