Après seize mois d’impasse politique en Israël, marquée par la tenue de trois élections extrêmement serrées en moins d’un an, la crise dans laquelle s’était englué l’Etat hébreu s’est donc terminée par la formation d’un gouvernement d’union nationale entre deux hommes.
L’un, Benny Gantz, est ancien chef d’état-major de Tsahal et apparaît en position de force, tandis que l’autre, Benyamin Nétanyahou, depuis plus d’un an affaibli par des poursuites pour corruption, fraude et abus de confiance, ne parvient donc à se maintenir au pouvoir que par la grâce de cette alliance qui se sera tant fait attendre.
La feuille de route des deux anciens rivaux issus de la droite dure du Likoud et du centre du parti Bleu-Blanc contient un projet inquiétant : l’annexion, le plus rapidement possible, de 30 % de la Cisjordanie occupée depuis 1967 - plus précisément les colonies juives et la vallée du Jourdain.
L’accord, tout juste scellé lundi 20 avril, est mis à l’agenda pour faire l’objet d’un vote au sein du cabinet ou de la Knesset dès le 1er juillet. Ce projet est en phase avec le dit « plan de paix » pour la région, présenté par Donald Trump le 28 janvier, que M. Netanyahou a osé qualifier « d’exercice de souveraineté » et de « moment historique de l’histoire du sionisme ».
Le président de l’Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas, ainsi que le premier ministre Mohammad Shtayyeh, ont vivement réagi à ce calendrier d’annexion dès son annonce. M. Abbas a envisagé de suspendre les accords sécuritaires et économiques d’Oslo, ce qui aurait évidemment des conséquences très graves sur la solution à deux Etats, ainsi que sur les droits du peuple palestinien.
Au sein même de la société israélienne, ce projet est très loin de faire l’unanimité. Samedi 25 avril, deux mille personnes, en respectant les distances de sécurité en pleine pandémie, ont manifesté à Tel-Aviv leur opposition à cette annexion ainsi qu’au gouvernement d’union nouvellement formé, accusé d’encourager la corruption et d’éroder la démocratie. Même Yair Lapid, ancien ministre de M. Netanyahu, chef d’un parti centriste et ancien allié de Benny Gantz, s’est fermement opposé à ce plan, avertissant que les dommages causés seraient « irréparables ».
L’ONG israélienne B’Tselem, qui lutte pour la défense des droits humains dans les territoires occupés et qui milite contre l’occupation, a rappelé, par la voix de son porte-parole Amit Gilutz, que cette annexion existait déjà de facto et qu’elle ne constituait qu’une volonté de légitimer une situation déjà existante et dramatique pour les populations palestiniennes.
Plus alarmant encore, de hauts responsables des milieux sécuritaires israéliens ont également sonné l’alerte contre ce projet. Ainsi, généraux et ex-directeur du Mossad ont mis en garde contre la menace directe que ferait peser une telle annexion pour la sécurité nationale d’Israël.
Nous rappelons qu’un effondrement de l’Autorité palestinienne serait de nature à compromettre sérieusement tout processus de paix. Tout aussi grave, la remise en cause des accords avec l’Egypte, qui joue un rôle clé dans la lutte contre l’organisation Etat islamique dans le Nord-Sinaï, et la Jordanie, où la communauté palestinienne est nombreuse, pourrait attiser davantage les tensions dans la région.
Nous nous associons aux réactions en opposition à ce projet dangereux en pleine crise sanitaire du Covid-19 qui n’ont pas manqué dans la communauté internationale.
L’Union européenne, qui ne reconnaît pas la souveraineté israélienne en Cisjordanie, a fait savoir par son Haut représentant pour les affaires étrangères Josep Borrell que « toute annexion constituerait une violation grave du droit international ». Contrairement à ce qu’affirme le chef de la diplomatie américaine Mike Pompeo, la décision d’annexer unilatéralement un tiers de la Cisjordanie ne doit pas « revenir à Israël en dernier ressort ».
Une dizaine d’ambassadeurs européens en Israël (Royaume-Uni, Allemagne, France, Irlande, Pays-Bas, Italie, Espagne, Belgique, Danemark, Finlande) ont mis en garde Isräel contre de graves conséquences si les plans d’annexion venaient à être exécutés.
Les Nations unies, par la voix de leur secrétaire général Antonio Guterres, se sont rapidement prononcées en faveur d’un cessez-le-feu mondial et contre tout acte unilatéral de nature à aggraver les tensions diplomatiques en cette période sans précédent de pandémie. Nickolay Mladenov, coordinateur spécial pour le Proche-Orient, a lui aussi déclaré que ce projet constituerait une « violation grave du droit international ». De toute évidence, l’onde de choc que générerait cette annexion illégale pourrait balayer tous les efforts de paix réalisés jusqu’à présent dans la région.
Au Royaume-Uni, les deux chambres du Parlement ont également sonné l’alerte contre le projet. Près de 130 députés britanniques, conservateurs comme travaillistes, ont ainsi demandé au premier ministre Boris Johnson d’imposer des sanctions économiques à Israël si une telle annexion venait à voir le jour. La Chambre des Lords a, elle aussi, adressé une lettre au gouvernement Johnson en qualifiant sans ambages le plan de « violation du droit international ».
Même la représentation permanente de la Chine auprès de l’ONU s’est dite préoccupée par le projet, reconnaissant qu’il allait à l’encontre du droit international. Sur le vieux continent, le ministre des affaires étrangères irlandais Simon Coveney n’a pas caché son opposition à ce qui constitue une entorse majeure à un principe fondamental : le non-respect de l’interdiction par le droit international, y compris la Charte des Nations unies, de l’annexion de territoires par la force, quels que soient le moment et le lieu où elle se produit, en Europe ou dans le reste du monde.
Nous partageons également la crainte du secrétaire général de la Ligue arabe, Ahmed Aboul Gheit, qui voit venir un regain de tensions sans précédent dans la région.
Il est urgent que la France, l’Union européenne et ses Etats membres passent à l’action pour préserver la solution à deux Etats qui a été encore réaffirmée à l’unanimité (moins une abstention) par le Conseil de sécurité de l’ONU dans sa résolution 2334 du 23 décembre 2016.
Nous saluons la prise de position de notre ministre de l’Europe et des affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, ainsi que de notre ambassadeur auprès des Nations unies, Nicolas de Rivière, pour leurs déclarations à la hauteur des valeurs de notre nation.
La représentation française a en effet menacé de restreindre la nature de ses liens avec Israël si le projet venait à voir le jour. Le chef de la diplomatie a très logiquement fustigé une grave violation du droit international.
Mais, de toute évidence, le gouvernement israélien semble totalement sourd à ces considérations diplomatiques. Comme s’en est réjoui l’ancien conseiller à la sécurité nationale de M. Netanyahou, Jacob Nagel, les « cris d’orfraie » qui ont suivi le déménagement de l’ambassade américaine à Jérusalem n’ont pas été suivis de réactions concrètes. Yisrael Katz, chef de la diplomatie israélienne, s’est lui-même allègrement moqué des propos de notre Haut représentant pour les affaires étrangères M. Borell tout en remerciant les diplomaties d’Europe centrale – Hongrie, Autriche, Pologne, Tchéquie et Slovaquie – qui soutiennent le projet.
Par conséquent, il devient urgent pour la diplomatie européenne d’aller plus loin pour protéger la paix au Proche-Orient. Parlementaires de sensibilités diverses, nous appelons à des sanctions internationales immédiates en cas d’annexion.
Face à cette menace imminente, nous appelons à une reconnaissance conjointe par les vingt-sept Etats membres de l’Union européenne de l’Etat de Palestine. A défaut, cette reconnaissance doit pouvoir se faire de manière unilatérale par la France.
Nous réaffirmons que la solution à deux Etats est la plus à même de préserver la paix dans la région. L’Etat palestinien ne doit pas devenir un nouveau « bantoustan ». Nous rappelons que la persistance du colonialisme, sous n’importe quelle forme, constitue une violation de la Charte des Nations unies et du droit international.
Nous alertons enfin sur la dangerosité d’une telle annexion alors qu’Israël, l’Autorité palestinienne et le monde entier font face à un contexte de pandémie sans précédent du Covid-19 et doivent plus que jamais s’entraider dans cette lutte inédite contre le virus.
Cette tribune a été publiée par Le Monde.
Eliane Assassi, sénatrice CRCE
Clémentine Autain, députée LFI
Delphine Bagarry, députée EDS
ErwanBalanant, député Modem
EstherBenbassa, sénatrice CRCE
Ugo Bernalicis, député LFI
Yves Blein, député LREM
PascalBois, député LREM
Vincent Bru, député modem
Alain Bruneel, député GDR
Marie-GeorgeBuffet, députée GDR
Emilie Cariou, députée EDS
AnnieChapelier, députée EDS
AndréChassaigne, député GDR
Mireille Clapot, députée LREM
Laurence Cohen, sénatrice CRCE
Éric Coquerel, député LFI
Yves Daniel, député LREM
RonanDantec, sénateur RDSE
Alain David, député socialistes et apparentés
Jennifer de Temmerman, députée EDS
Yolainede Courson, députée EDS
Pierre Dharréville, député GDR
Jean-Paul Dufrègne, député GDR
Frédérique Dumas, députée L&T
Laurence Dumont, députée socialistes et apparentés
Stella Dupont,députée LREM
Jérôme Durain, sénateur socialiste et républicain
Pascal Durand, député européen renew Europe
Nadia Essayan, députée Modem
Elsa Faucillon, députée GDR
Corinne Féret,sénatrice socialiste et républicain
Caroline Fiat, députée LFI
Paula Forteza, députée EDS
Bernard Fournier, sénateur LR
Laurent Furst, député LR
Albane Gaillot, députée EDS
Fabien Gay, sénateur CRCE
Hervé Gillé, sénateur socialiste et républicain
Michelle Gréaume, sénatrice CRCE
Nadia Hai, députée LREM
Brahim Hammouche, député Modem
Jean-Michel Houllegatte, sénateur socialiste et républicain
Christian Hutin, député socialistes et apparentés
Victoire Jasmin, sénatrice socialiste et républicain
Bruno Joncour, député Modem, Président du groupe d’amitié à vocation internationale France-Palestine
Sandrine Josso, députée L&T
Gisèle Jourda, sénatrice socialiste et républicains
Hubert Julien-Laferriere, député EDS
Sébastien Jumel, député GDR
Yannick Kerlogot, député LREM
Éric Kerrouche, sénateur socialiste et républicain
Fadila Khattabi, députée LREM
Sonia Krimi, députée LREM
Bastien Lachaud, député LFI
Amélia Lakrafi, députée LREM
François-Michel Lambert, député L&T
Jérôme Lambert, députésocialistes et apparentés
Mohamed Laqhila, député Modem
Michel LARIVE, député LFI
Jean-Charles Larsonneur, député Agir
Pierre Laurent, sénateur CRCE
Fiona Lazaar, députée LREM
NicoleLe Peih, députée LREM
Jean-Paul Lecoq, député GDR
Claudine Lepage, sénatrice socialiste et républicain
Marie-Noëlle Lienemann, sénatrice CRCE
Frédéric Marchand, sénateur LREM
Didier Marie, sénateur socialiste et républicain
Paul Molac, député Libertés et territoires
Marie-Pierre Monier, sénatrice socialiste et républicain
Sébastien Nadot, député EDS
Matthieu Orphelin, député EDS
Pierre Ouzoulias, sénateur CRCE
Mathilde Pannot, députée LFI
Hervé Pellois, député LREM
Bénédicte Pételle, députée LREM
Frédéric Petit, député Modem
Stéphane Peu, député GDR
Christine Pires Beaune, députée socialistes et apparentés
Bérengère Poletti, députée LR
Dominique Potier, député socialistes et apparentés
Christine Prunaud, sénatrice CRCE
Adrien Quatennens, député LFI
Richard Ramos, député Modem
Jean-Hugues Ratenon, député LFI
Muriel Ressiguier, députée LFI
Cécile Rilhac, députée LREM
Gilbert Roger, sénateur socialiste et républicain, Président du groupe France-Palestine au Sénat
Claudia Rouaux, députée socialistes et apparentés
Gwendal Rouillard, député LREM
Fabien Roussel, député GDR
Sabine Rubin, députée LFI
Nathalie Sarles, députée LREM
Hervé Saulignac, député socialistes et apparentés
Gabriel Serville, député GDR
Denis Sommer, député LREM
Aurélien Taché, député EDS
SophieTaillé-Polian, sénatrice socialiste et républicain
Marie Tamarelle-Verhaeghe, députée LREM
Alice Thourot, députée LREM
Nelly Tocqueville, sénatrice socialiste et républicain
Sylvie Tolmont, députée socialistes et apparentés
Stéphane Trompille, député LREM
Frédérique Tuffnell, députée EDS
Boris Vallaud, député socialistes et apparentés
André Vallini, sénateur socialiste et républicain
Yannick Vaugrenard, sénateur socialiste et républicain
Michèle Victory, députée socialistes et apparentés
Philippe Vigier, député L&T
Martine Wonner, députée EDS
Hubert Wulfranc, député GDR